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09 octobre 2009

Un Nobel prématuré ?

Ce vendredi 9 octobre 2009, le comité Nobel a remis son prix le plus prestigieux, celui de la Paix, au nouveau président des Etats-Unis, Barack Obama.

 

Cette distinction est une surprise.

 

Tout d’abord parce que sur les 205 « candidats », ce dernier n’était absolument pas considéré comme un « outsider ». L’ancien opposant zimbabwéen Morgan Tsvangirai, le dissident chinois emprisonné Hu Jia ou encore la militante afghane des droits de la Femme, Sima Samaar, semblaient plus crédibles car ils incarnaient réellement le combat contre l’oppression et s’inscrivaient dans la lignée des Aung San Suu Kyi lauréate en 1990, Lech Walesa en 1983 ou encore Nelson Mandela en 1993. En souffrant leur lutte dans leur chaire. 

 

Alors oui, le comité Nobel a souvent alterné dans ses distinctions hommes et femmes martyrisés comme on vient de le voir, organisations (AIEA en 2005, ONU en 2001…), mais aussi, comme avec Barack Obama, des dirigeants (Jimmy Carter en 2002, le trio Arafat/Rabin/Peres en 1994…) pour leurs actions en faveur de la paix.

 

Mais dans ce dernier cas, les lauréats étaient généralement honorés une fois déchargés de leur fonction (comme Jimmy Carter) ou après la mise en pratique et un changement significatif de politique, généralement symbolisés par un acte fort (accords d’Oslo de 1993 pour le trio ARP). 

 

Or, cette année, il vient distinguer un homme tout juste entré en fonction (à peine 9 mois) et dont l’action n’a naturellement et jusqu’à présent nullement modifié la donne internationale.

 

Certes, ces propos sur la dénucléarisation, le multilatéralisme ou la promotion d’une plus grande discussion interculturelle ont abouti au réchauffement des relations américano-russes, ou encore à l’adoption d’une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies qui appelle à l’instauration d’un monde dénucléarisé.

 

Propos qui font office d’argumentaire au président du comité Nobel, Thorbjoern Jagland, pour justifier son choix quand il précise que « le comité a attaché beaucoup d’importance à la vision et aux efforts d’Obama en vue d’un monde sans armes nucléaires (…) pour ses efforts extraordinaires en vue de renforcer la diplomatie internationale et la coopération entre les peuples. »

 

Mais nous sommes là dans un monde de paroles et non d’actes. Encore moins de succès diplomatiques.

 

En parlant d’actes, il est d’ailleurs très surprenant que le comité ait accordé son prix à un président qui, à son poste, a refusé il y a quelques jours de rencontrer un de ses prédécesseurs, lauréat en 1989 : le Dalaï Lama. Relations sino-américaines obligent.

 

On pourrait alors se contenter de parler de précipitation et oublier.

 

Mais une question se pose : ce Nobel est-il judicieux et ne va-t-il pas avoir une influence sur la future politique étrangère d’Obama comme, dans un autre registre, le prix attribué au Dalaï Lama en a eu sur les relations de la Chine avec le reste du monde ?

 

On peut en effet s’interroger sur la pertinence d’avoir accordé un tel prix à un homme dont les convictions morales et le sens de l’éthique semblent suffisamment élevés pour ne pas prendre cette distinction à la légère. Ce, alors que Barack Obama a en ce moment même à trancher sur une demande de renfort de troupes en Afghanistan de l’ordre de 40 000 hommes de la part du Général MacKrystal, et que les dossiers iraniens, israélo-palestiniens ou nord-coréens peuvent s’envenimer à tout instant.

 

Or, il n’est pas certain qu’en cas d’obligation de la part des Etats-Unis de hausser le ton vis-à-vis de l’un de ces pays, son étiquette de Pacifiste lui soit un atout, tant ce terme est généralement synonyme de faiblesse dans toutes les dictatures du monde.  Il suffit de se souvenir comment Kim Jung Il a accueilli la prise de fonction de ce jeune et inexpérimenté président (essai nucléaire, tests de missile ballistique…).

 

Qui plus est, il n’est pas certain non plus qu’un tel prix renforce l’image du président dans son propre pays quand ses concitoyens attendent de lui des décisions fortes.

 

Si le comité Nobel espérait encourager le président Obama dans la mise en application de sa vision des relations internationales, intention louable, il se pourrait cependant bien qu’il lui ait fait un cadeau empoisonné et mis une pression bien inutile.

Alexandre Joly.

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