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08 décembre 2015

To be or not to be... au second tour ?

Le débat a été lancé avant même le premier tour de ces élections régionales, tant le score qu'a obtenu le FN était prévisible : que doivent faire les listes des partis dits « républicains » qui sont arrivés en troisième position dans les régions où le FN est en tête au premier tour ?

 Le Parti Socialiste, par la voie de Cambadélis puis celle de M. Valls, mais aussi de nombreux leaders centristes ont appelé à un retrait pur et simple de ces listes, dans une démarche qui ressemble furieusement à un front républicain qui ne veut pas dire son nom.

 J'y vois là une faute morale, une tactique hasardeuse et peu glorieuse, et enfin un aveuglement stratégique.

La faute morale tout d'abord.

Celle-ci porte sur l'idée même du fonctionnement de la démocratie.

Ici, s'abstenir de participer au second tour, c'est intentionnellement tenter de modifier le résultat en travestissant le mode de scrutin : nous sommes en effet dans un scrutin proportionnel pas dans un scrutin uninominal. C'est la répartition des forces des formations politiques dans la société qu'on jauge. Se retirer fausse alors cette représentation, C'est donc une démarche qui va contre l'esprit même de la démocratie représentative.

C'est aussi vouloir nier le résultat d'une élection : or qu'est-ce que la démocratie sinon le choix par le peuple de ses représentants au moyen d'élections libres et justes ?

Si les électeurs du Nord ou de PACA choisissent le FN, on ne peut se prétendre démocrate et vouloir refuser ce résultat.

Ne serait-ce d'ailleurs pas là se comporter comme ceux que l'on condamne ?

S'abstenir de présenter une liste au second tour, c'est aussi annihiler toute pluralité dans la représentativité. Constitutionnellement, le rôle dévolu aux partis est d'animer le débat politique, de présenter aux citoyens des offres politiques originales. Diversité idéologique qui se retrouve au sein des assemblées élues.

Puis, parce que sans candidat il n'y aura point d'élu pour siéger au conseil régional, c'est nier le rôle primordial de contrôle et d'information de l'opposition régionale. Qui informera des dérives de gestion de la région s'il n'existe pas d'oppoistions plurielles et libres ?

Refuser de se présenter c'est abandonner cette mission et priver le citoyen de choisir : on voudrait tuer la démocratie qu'on ne s'y prendrait pas autrement !

Et quelle une insulte faite aux citoyens, aux électeurs et aux militants qui se sont tournés vers vous au premier tour !

C'est ensuite une tactique fort hasardeuse.

Elle renforce tout d'abord la propagande du FN sur l'  « UModemPS » et permet à ce parti de se positionner comme la seule force d'opposition et d'alternance. Avec cette conséquence qu'en cas de victoire le FN pourra se targuer d'avoir battu toutes les autres formations, cassant ainsi le plafond de verre qui l'empêchait jusqu'à présent de gagner ses duels. Qui plus est, en cas de défaite M. Le Pen pourra reprendre son rôle de Calimero, victime de l' « establishment ».

Il est illusoire de vouloir battre ses adversaires en leur donnant raison.

N'est-ce pas ensuite méconnaître les électeurs français ? Dans un système marqué par le bipartisme, il va être difficile de faire voter des gens d'un bord pour l'autre, surtout s'il est très marqué. On a d'ailleurs déjà entendu des électeurs PS de PACA dire qu'ils n'iraient pas voter au second tour... De plus que valent des consignes de vote de parti pour l'électeur d'aujourd'hui ?

N'est-ce pas enfin les mépriser que de décider pour eux de la meilleure option ? Si un électeur socialiste ne veut vraiment pas voir sa région dirigée par le FN il est suffisamment grand pour savoir modifier son vote.

On voudrait pousser les électeurs à voter FN juste par dépit, qu'on ne s'y prendrait pas, là non plus, autrement.

C'est enfin la poursuite d'un aveuglement stratégique dans la lutte contre le FN.

La diabolisation, la démonstration rationnelle et le confinement électoral ont jusqu'ici échoué à enrayer la progression du FN. Quelle stratégie reste-t-il donc ?

Celle qui a fait la force du FN : la critique d'un bilan et l'usure du pouvoir.

Le FN est depuis 30 ans dans la posture aisée de l'opposant qui n'a aucun bilan à présenter et ne cesse de critiquer ceux qui sont en responsabilité. On ne peut plus les laisser jouer cette partition trop facile, au risque de se réveiller un matin avec une Le Pen à l’Élysée.

Aujourd'hui le seul moyen de contrer le FN est de montrer, non plus de façon théorique (ses sympathisants y sont hermétiques) mais empirique, par les résultats que ses propositions sont aberrantes et catastrophiques. Sans compter qu'on pourra juger de son aptitude aussi à gouverner.

C'est risqué, mais mieux vaut que la casse soit limitée au Nord et à PACA qu'à la France dans son ensemble.

Ce serait enfin, en vue de l'élection de 2017, si M. Le Pen est battue par un X. Bertrand bénéficiant du retrait de l'abandon de la Gauche, un tremplin phénoménal pour elle : aucun bilan à défendre, un rôle d'unique opposante, une posture victimaire et beaucoup de temps libre et d'argent pour e csonsacrer à sa campagne. Bref, ce qui fait sa force depuis 5 ans.

Le retrait des listes est donc avant toute chose un cadeau pour le FN : cela apparaît comme la validation de ses thèses sur la collusion supposée des autres formations et des élites, et cela permet à ses candidats de sortir renforcés du second tour... qu'ils perdent ou qu'ils gagnent.

Alexandre Joly.