Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

24 février 2007

Un impôt spécial pour les Français vivant à l’étranger ?

En complément d'un article d'Alexandre (Nous, les "Sous-Français"), je voudrais revenir sur le rapport sur la fiscalité commandé par Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn préconise l’instauration d’une contribution fiscale spéciale pour les Français de l’étranger :

“Retrouver une citoyenneté fiscale.

Il n’est plus acceptable que des citoyens français parviennent à échapper à l’impôt en s’installant hors de France. Nous proposons de définir une contribution citoyenne qui sera payée en fonction de ses capacités contributives par tout Français établi à l’étranger et ne payant pas d’impôt en France. C’est une voie analogue qu’ont notamment empruntée la Suisse et les Etats-Unis.”

Il est tout a fait stupide de considérer les Français de l’étranger dans leur ensemble comme des personnes habitant hors de France uniquement pour des raisons fiscales. Il n’est pas venu à l’esprit de Strauss-Kahn que la plupart d’entre-eux ont choisi ou ont dû s’expatrier pour trouver un emploi ou pour des raison plus personnelles (suivre son conjoint dans le cas des couples internationaux, envie de vivre une expérience différente, etc.). Ce n’est pas parce que Johnny Hallyday ou quelques sportifs français s’expatrient pour des raisons fiscales que c’est le cas de la grande majorité des Français de l’étranger. Si Strauss-Kahn pense vraiment que l’on vit à l’étranger pour échapper à l’impôt, il adopte de fait une position populiste et démagogique en mettant à l’index certains de ses compatriotes. Il fait également preuve d'une méconnaissance totale du statut des Français de l’étranger. En effet, ceux-ci paient des impôts dans les pays où ils résident et souvent en accord avec des conventions bilatérales signées entre la France et divers pays afin d’éviter une double imposition des ressortissants Français de l’étranger. Souhaite-t-il remettre en cause ces accords ?

En plus de montrer du doigt certains de ses compatriotes, monsieur Strauss-Kahn va jusqu’à les considérer comme des citoyens de seconde classe en déclarant dans Le Monde que cette contribution vise “ceux qui se disent Français mais finalement [qui] n’ont plus de français que le nom parce qu’ils quittent le pays et qu’ils quittent l’ensemble de la vie collective” (Cliqué ici pour lire l’article dans son intégralité). Dans ce même article. Didier Migaud, député socialiste ayant participé à la rédaction de ce rapport au côté de Dominique Strauss-Kahn et de François Marc, déclare que cette contribution peut “viser effectivement les gens qui délocalisent ou se délocalisent”. Voilà comment sont considérés les Français vivant à l’étranger : comme de simples outils de production délocalisés ! Il est vraiment scandaleux de voir des responsables politiques tenir de tels propos.

Strauss-Kahn a certes modulé ses propos depuis la publication de ce rapport. Sur le site de Débat Socialiste, il déclare que cet impôt ne concernerait que 5 à 10% des Français à l’étranger en fonction du seuil fixé par le Parlement. On peut donc s’attendre à tout. Il ajoute que cela permettrait de financer les lycées français de l’étranger. Le hic est que les frais d’inscription des établissements scolaires français à l’étranger sont loin d’être gratuits. Pour preuve, vous pouvez aller voir les droits de scolarité de l’école française du Kansai (Japon) sur son site. Je peux vous assurer que beaucoup de familles françaises ou dont l’un des conjoints est français ne peuvent pas s’acquitter de tels droits de scolarité.

De plus, il faut savoir que beaucoup de Français expatriés ont des contrats de travail de droit local et cotisent donc à des caisses de sécurité sociale et à des caisses de retraites locales. De fait, lorsque ceux-ci retournent en France pour des vacances, ils ne bénéficient pas de la protection sociale française bien qu'étant encore citoyens français. Le seul moyen d'en bénéficier est de cotiser à la caisse des Français de l'étranger dont le montant des cotisations est quelque peu prohibitif (voir le site de la CFE). Vive l'égalité et la fraternité ! Notre contribution citoyenne est le fait que nous ne coûtons pratiquement plus rien à l'Etat français même quand on retourne dans notre pays.

Alors soit monsieur Strauss-Khan ne s’est pas bien renseigné sur le sujet, soit il fait preuve de mauvaise foi afin de développer des arguments démagogiques propres à séduire la gauche du parti socialiste.

Hervé Tisserand. 


Quelques liens pour approfondir :

Le rapport publié par Le Monde.

Ce qu’en disent certains dans un forum de l’UDF. Forum udf.org

Ce qu’en disent Libération et L’Express.

21 février 2007

Nous, les « Sous-Français »

De tous temps et en tous lieux, les dirigeants aux abois ont pris l'habitude de mettre au pilori des groupes, des communautés faiblement représentées politiquement, pour éviter d'avoir à s'expliquer sur l'incurie de leur politique.

A ce petit jeu, à travers l'histoire, nos dirigeants ont pris pour cible en fonction de leurs orientations politiques : Les Juifs, les Templiers, les immigrés, les fonctionnaires, les Turcs, les patrons, les actionnaires, les aristocrates, les maçons polonais etc...

Et depuis quelques mois, sous la plume et la verve combinées de députés de l'UMP comme du PS, la traque à un nouvel ennemi de la France a été lancé : La chasse indifférenciée à l'expatrié et à l' émigré. Tous deux coupables de vivre volontairement hors des frontières du territoire nationale dans l'unique objectif d'échapper à l'impôt après avoir profité, disent-ils, des largesses de la solidarité nationale. Renonçant à nos devoirs envers la collectivité par notre refus supposé de payer un tribut sur nos revenus, nous serions coupables de trahison envers nos frères et soeurs de la nation. A ce titre, nous ne serions donc « plus Français que de nom. » (D. Strauss Kahn) et devrions donc payer un impôt spécial pour cette infamie.

Si les paroles et propositions de D. Strauss-Kahn ont surpris, révolté et été jugées (momentanément) inapplicables, elles ne doivent cependant pas cacher l'essentiel dans cette affaire : La recherche systématique du bouc émissaire dans la cause du mal français au détriment de la raison. Malheureusement, avec le développement des associations, l'ultra-médiatisation et le politiquement correcte, il devient très difficile de nos jours de trouver des proies faciles. Car pour qu'une Tête de Turc soit efficace elle doit répondre à quelques impératifs politiques :

  • Etre acceptable par l'ensemble de la population.

  • Toucher une minorité d'individus dont on peut faire croire qu'elle a une influence.

  • S'attaquer à un groupe qui n'a que peu ou pas de relais politique et médiatique.

  • Ne pas avoir de conséquences politiques collatérales.

Et les Français de l'étranger répondent parfaitement à ces 4 exigences.

Premier point. Dans un pays dont on ne cesse de répéter qu'il est endetté, trouver une catégorie de citoyens qui ne paye pas l'impôt sur le revenu en France (même si c'est à juste titre !) est une aubaine. Peu importe si on oublie de préciser que ceux-ci paient l'impôt dans le pays où ils travaillent, et peu importe aussi si on omet de dire qu'ils ne bénéficient d'aucun service de l'état.

Le tout est de faire croire qu'ils ont de l'argent, qu'ils quittent le pays pour cette raison et qu'ils doivent donc le partager coûte que coûte. Ce discours est d'autant plus facile à accepter par nos concitoyens qu'il ne leur coûtera rien.

Pour parvenir au second point, il suffit souvent de se saisir de l'actualité : L'affaire Johnny est tombée à point nommé pendant cette campagne pour alimenter l'idée que les Français qui quittaient le pays étaient riches et fuyaient tous l'ISF. Mais cette affaire est l'arbre qui cache la forêt. En effet des magasines comme Le Point ont déjà fait paraître depuis plusieurs mois de nombreux articles sur le thème des Français qui quittent le pays pour des paradis fiscaux. Relayant ainsi les propos de députés UMP comme Olivier et Serge Dassault qui ont fait de ce thème l'un de leur credo. Et il n'y a aucune raison pour que cela cesse.

Troisièmement pour que l'attaque soit couronnée de succès, il faut prendre une cible qui a peu de chance de rameuter des troupes : 2 500 000 personnes qui vivent à l'étranger c'est beaucoup. Mais répartis sur toute la planète c'est un concert dans le désert. Quand on connaît en plus la grande discrétion des quelques organisations censées les représenter et la faciliter à les rendre dociles, il ne faut pas s'étonner que la campagne de dénigrement n'ait pas trouvé forte opposition.

Dernière condition : Ne pas avoir d'effet collatéral. Autrement dit ne pas avoir de répercussion sur les prochaines élections. C'est bien là, le fond du problème pour nous. Nous sommes 2 500 000 mais avec un poids électoral dans l'Assemblée Nationale nul, car n'avons aucun représentant. Aucun député ne risque son poste à nous insulter ou à émettre les propositions de loi les plus défavorables possibles à notre encontre, car nous n'avons aucun pouvoir de contradiction et de sanction. Nous ne votons pas directement aux élections législatives et aucun député ne dépend de nos votes. 2 500 000 Français non représentés, c'est un peu comme si les Bouches du Rhône ne votaient pas !

Cette absence de représentativité, véritable déni démocratique, est l'explication première des dérapages de messieurs Strauss-Kahn ou Dassault. Ne pouvant voter comme les autres Français pour nos représentants, nous sommes effectivement à leurs yeux des sous-français. Et à traiter comme tel. Donc, tant que nous ne parviendrons pas à nous faire représenter, la campagne de dénigrement continuera, et ce n'est pas la relative trêve de la Présidentielle (seule élection où nous avons du poids et qui explique l'approche plus nuancée de S. Royal et N. Sarkozy sur la question) qui inversera la tendance.

Si les propositions de D. Strauss-Kahn n'ont pas été officiellement retenues par la candidate socialiste, nul doute qu'elles réapparaîtront un jour prochain sous la forme d'une proposition de loi émanant d'un obscure député souhaitant mettre son nom sur une loi de la République.

Et personne ne sera présent dans l'hémicycle du palais Bourbon pour s'y opposer.

Alexandre Joly.