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21 mars 2008

Affaire du SMS : un bien malheureux épilogue

           On savait depuis bien longtemps Nicolas Sarkozy maître dans l’art du contre-pied. Le point final surprise (mais le sera-ce vraiment ?) annoncé par Carla Bruni-Sarkozy dans une tribune au journal Le Monde, de l’affaire de l’article du SMS en est la dernière illustration.

            Rappel des faits : le 06 février 2008, dans un article publié par Le Nouvel Obs.com, intitulé « L’obsession de Cécilia », le journaliste Airy Routier prétendait que le président avait envoyé, une semaine avant son mariage avec Carla Bruni, un SMS à son ex-épouse, Cécilia, dans lequel il aurait écrit ces mots : « Si tu reviens, j’annule tout ! ».

            Le 07 février, une plainte était alors déposée au Parquet de Paris contre Le Nouvel Obs.com, par Maître Thierry Herzog, l’avocat de Nicolas Sarkozy, pour faux, usage de faux et recel. De tels délits étant punissable de 45 000 euros d’amende et 3 ans d’emprisonnement. Le chef de l’état démentaient donc l’existence de ce SMS par la voie judiciaire. S’en suivit une polémique entre proches de Nicolas Sarkozy, comme Rama Yade, pourtant Secrétaire d’état aux droits de l’homme, traitant de « charognards » ceux qui voulaient « la peau de Nicolas Sarkozy » et ceux, défenseurs des droits des journalistes qui voyaient dans ce geste une volonté présidentielle de faire pression sur  les médias.

            L’enquête était donc toujours en cours pour déterminer les faits, lorsque dans son édition du 19 mars, Le Monde publiait la tribune de Madame Bruni-Sarkozy intitulée « Halte à la calomnie ! » dans laquelle elle annonçait que Nicolas Sarkozy retirait sa plainte contre  le journal, et l’accompagnait d’une leçon de moral aux journalistes. Fin de la plainte, fin de l’enquête, fin de la polémique.

            « Beaucoup de bruits pour rien » aurait écrit Shakespeare, « le résumé d’un an de gouvernance » écrirait l’analyste politique. «Sur»-réaction, contradictions, intimidation, rétractation, telles sont les attitudes adoptées par la présidence dans cette affaire sommes toutes mineure, comme malheureusement dans d’autres plus graves, et qui démontrent une fébrilité certaine quant à l’exercice du pouvoir.

            Sur le fond de l’affaire, que les choses soient claires on se fiche éperdument de savoir si Nicolas Sarkozy a relancé Cécilia une semaine avant son mariage avec Carla. La vie à l’Elyséee n’a pas à devenir un sitcom qui concurrencerait « Desperate Housewives », et Cécilia n’a pas pour vocation à être une nouvelle Teri Hatcher. A ce titre, le fond de l’article de nous intéresse pas. Et la réaction de Nicolas Sarkozy à celui-ci semblait d’autant plus disproportionné.

            Alors, la fin des poursuites pour apaiser les esprits ? Pas si simple. Dans son article la femme du président laisse sous-entendre un geste de magnificence de la part de son mari faisant suite à une lettre d’excuse du journaliste. Hauteur d’âme présidentielle retrouvée dans un entre deux tours d’élections municipales défavorables diront les sceptiques.

             Mais quid alors de la réaction première du président ? Réaction qui suscita une réelle interrogation et le fond de la polémique tant elle fût surprenante et disproportionnée. En attaquant très fort le journal, Nicolas Sarkozy a voulu faire éclater devant les tribunaux la vérité, ou plutôt le mensonge, de l’article. Faisant passer le message suivant : au-delà de son cas personnel, les journalistes sont tenus de dire la vérité rien que la vérité, et doivent pouvoir le prouver. La liberté d’expression et le secret des sources contre la vie privée et l’honneur d’un homme : éternel débat de nos démocraties.

             Débat qui avait été mis en sourdine, du moins le pensait-on, en ce qui concernait les présidents de la république. Personnage illustre, au-dessus du peuple, dans la cinquième république, la vie privée de celui-ci n’était pas thème à articles et surtout le président, bénéficiant de l’immunité judiciaire, s’abstenait d’utiliser la justice pour régler des litiges personnels contre de simples justiciables au risque sinon de mettre en évidence cette suprême et injuste inégalité devant la loi.

            Mais ce n’est que la coutume, et Nicolas Sarkozy n’en a cure. Le droit lui accorde la possibilité d’attaquer, il la saisit. En portant plainte au Pénal, il oblige le journaliste à divulguer ses sources rentrant alors en complète contradiction, une fois n’est pas coutume, avec ces propres propos tenus lors de ses vœux  à la presse le 08 janvier 2008 : « Un journaliste digne de ce nom ne donne pas ses sources. » . Répondant à une question de la présidente de l’Association de la presse présidentielle, il acquiesçait à l’idée de « prendre une décision forte pour le respect de la protection des sources, l’un des piliers de la liberté de la presse ». On voit quelle décision ! Agissant donc à l’encontre de ce qu’il reconnaissait lui-même comme des principes élémentaires et fondamentaux de la liberté d’expression, pilier de la démocratie.

            Dans cette optique, la véracité de l’existence ou non du  SMS prend alors toute son ampleur. Le président souhaite-t-il sanctionner un organe de presse pour avoir délibérément menti et l’avoir calomnié dans le cas où le SMS n’existerait pas ? Ou sommes-nous en présence, dans l’hypothèse où le SMS est réel, d’un abus de pouvoir caractérisé et d’une atteinte délibérée au droit à l’information ?

             Réponse cruciale. Car dans le premier cas, le journal devra être condamné pour les délits reprochés. Dans le second, ce sera au président de rendre des comptes.

             Mais voilà, cette réponse nous ne l’aurons pas. La justice n’aura pas à trancher, car le président plaignant a, une fois de plus, changé d’avis en retirant sa plainte. Volte-face malheureuse qui laisse les citoyens sans réponse, et d’autant plus dubitatifs que les arguments avancés pour justifier ce retrait (une lettre d’excuse d’ Aury Routier, que Madame Bruni-Sarkozy, dit avoir reçu, sous-entendant un aveu de culpabilité du journaliste) sont peu explicites voir incompréhensibles : le journaliste continuant  même à affirmer que son article repose sur des faits avérés, maintenant l'existence du SMS. Et aux Français de continuer à se demander s’ils ont été les témoins d’une tentative de calomnie, ou d’un abus de pouvoir caractérisé.

Alexandre Joly.

05:56 Publié dans Actu France | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sarkozy, sms, presse