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09 avril 2007

Quand Le Pen renforce Sarkozy

Tel le scorpion de la fable du scorpion et de la grenouille, J.M. Le Pen reste fidèle à sa nature. Et ce, en dépit des efforts de sa fille Marine pour « gauchiser » le F.N et le rendre plus présentable.

Alors que depuis quelques mois, la stratégie du F.N semble d'être de draguer toutes les voix des quartiers sensibles, y compris celles de Français issus de l'immigration en appelant à l'égalité de traitement pour tous les Français au nom de la préférence nationale, J.M Le Pen s'est laissé aller à une de ses provocations fétiches ce dimanche 8 avril.

Lors de l'émission, le Grand rendez-vous Europe 1/TV5 Monde, Le Parisien-Aujourd'hui en France, il s'en est pris aux origines hongroises de N.Sarkozy, estimant qu'elles impliquaient une différence fondamentale entre les deux hommes : "C'est un candidat qui vient de l'immigration, moi je suis un candidat du terroir. C'est vrai qu'il y a une différence, un choix qui peut être considéré comme fondamental par un certain nombre de Français ».

Au-delà de l'aspect consternant de cette remarque, elle est surtout une étonnante double-faute stratégique dans la course de Le Pen à la présidence.

En premier lieu parce qu'elle rappelle le J.M Le Pen des années 80 et est donc en contradiction avec la nouvelle stratégie insufflée par sa fille et ses proches pour qui les enfants de l'immigration ne sont « ni des potes, ni des blacks, ni des beurs, (mais) des citoyens français » comme il l'a affirmé ce vendredi 06 avril à Argenteuil. Sa déclaration de dimanche brouille donc l'image d'un Le Pen apaisé, rassembleur, plus fréquentable et plus en phase avec la réalité de la société française. Celle d'un Le Pen adoptant les valeurs de la République quand N. Sarkozy et S. Royal courent derrière ses anciennes idées nationalistes.

Or en agissant de la sorte et en revenant à ses anciennes postures il s'aliène ceux qui à l'U.M.P ou au F.N hésitent à voter entre lui et Sarkozy, mais aussi et surtout il décrédibilise son discours sur l'égalité des Français quelque soit leurs origines et annihile ainsi ses efforts envers les banlieues pour obtenir des votes chez les enfants de l'immigration. Il marque ainsi deux fois contre son camp.

En second lieu, cette déclaration est une double aubaine pour N. Sarkozy, qui reste pour Le Pen son principal adversaire sur ses thèmes favoris de l'immigration, du nationalisme ou de la sécurité.En effet, devant une telle attaque N. Sarkozy va pouvoir sortir son plus beau regard de chien battu et adopter sa posture de martyr, indigné de toute cette haine qui s'acharne contre lui. Une du 20 heures de TF1 et du Figaro assurées, larmes et apitoiements garanties chez les ménagères de plus de 40 ans... et quelques milliers de vote confortés.

Cette attaque sur ses origines est aussi un très bon argumentaire de défense pour N. Sarkozy. A chacune de ses prochaines attaques en matière d'immigration, sur l'Islam ou sur les étrangers, il se fera un plaisir de rétorquer qu'il ne peut être xénophobe car lui même viser sur ses origines. Il pourra agresser tout en se présentant comme la victime. Une position idéale ! Il adoptera une technique fondamentale du judo : Se servir des attaques de ses adversaires pour se renforcer. Et prendre un peu plus de voix à droite, tout en limitant les dégâts sur sa gauche.

Devant ce qui pourrait être présenté comme une énorme erreur tactique, une question se pose : cette déclaration de J.M Le Pen est-elle une bévue, ou un coup de pouce camouflé ? Ce dernier est en effet un suffisamment fin connaisseur de la politique française pour ne pas ignorer les conséquences précédemment évoquées de sa déclaration.

Or dans l'actuelle configuration du champ politique français sa marge de manœuvre est trop faible pour espérer un nouveau 21 avril. Sarkozy a repris sa rhétorique et ses thèmes de campagne et jouit d'une plus grande crédibilité que lui pour les mettre en oeuvre.

Ainsi devant une déroute annoncée, J.M Le Pen aurait-il choisi une défaite de circonstance, ou plus exactement une demi-défaite ? De celles qui voient la victoire d'un de vos adversaires, mais le triomphe de vos idées.

Alexandre Joly.

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