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08 août 2007

S. ABE et le nucléaire militaire

 “Nous prendrons l'initiative auprès de la communauté internationale, et nous consacrerons de tout coeur, à l'éradication des armes nucléaires et à la réalisation de la paix. » a signifié le premier ministre Shinzō Abe dans un discours prononcé lors des cérémonies commémorant le 62ème anniversaire du bombardement de Hiroshima.

C'est la première fois depuis sa nomination que le chef du gouvernement s'exprime si clairement sur ce qu'est et sera sa politique nucléaire depuis sa nomination en septembre 2006. Par ses mots, il s'inscrit dans les pas de ses prédécesseurs qui confirmèrent la nature pacifiste et anti-nucléaire du Japon. Cette politique est symbolisée par la doctrine dite des 3 non. « Non fabrication. Non possession. Non circulation » d'armes nucléaires sur le sol nippon.

La position de Shinzō Abe, qu'il affirme tardivement, intervient après plusieurs mois d'intense débat sur le devenir de la position japonaise vis à vis des armes nucléaires. Issu des rangs nationalistes, le premier ministre était soupçonné de tendre une oreille attentive à ceux qui au Japon réclame un réexamen de la doctrine nucléaire de l'archipel.

Les soupçons se sont développés après que des membres du Jimintō, le parti au pouvoir, mais aussi des universitaires ou spécialistes de la défense aient demandé que soit réapprecié la position japonaise suite au test effectué par la Corée du Nord le 9 octobre 2006. Loin de le condamner, Shinzō Abe a au contraire laissé se développer dans les médias le débat.

Ceci est allé conjointement avec la volonté affichée du gouvernement de faire modifier la Constitution pacifiste japonaise, et notamment son article 9 qui interdit au Japon de faire la guerre. A cela se sont ajoutés enfin les propos de l'ancien (et premier en titre) ministre de la Défense, Fumio Kumya, qui fin juin avait suscité une polémique en semblant légitimer l'utilisation de l'arme nucléaire, au travers d'une tentative d'explication des bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki. Cette polémique lui coûta son poste, et fût l'une des raisons de la défaite du Jimintō aux élections sénatoriales du 29 juillet.

Ainsi, si le débat sur la modification de la constitution qui empêche toute participation du Japon sur des théâtres de guerre, n'est pas clos, en revanche la volonté de Shinzō Abe de faire en sorte que « les tragédies de Hiroshima et de Nagasaki ne se renouvellent jamais en aucun lieu sur Terre », referme provisoirement celui sur le nucléaire militaire japonais.

 

Alexandre Joly

07 août 2007

Liban : auto-censure française

 Il est parfois dans l'information des absences qui valent toutes les analyses du monde. Ce lundi soir, aucun des journaux télévisés de TF1 ou France 2 n'ont parlé des résultats des élections partielles qui se sont déroulées au Liban ce dimanche. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir ignoré l'existence de ces scrutins, puisque le dimanche soir des reportages leur étaient consacrés.

Ces mêmes résultats n'ont été relégués dans les journaux en ligne du Figaro et du Monde que dans les sous-catégories relatives, et non comme le jour des élections, dans les gros titres.

Pourquoi ce soudain désintérêt pour le Liban, pourtant sujet chéri des journaux français depuis 30 ans ? Pourquoi avoir donc relégué une information pourtant importante dans une région où la France tente de jouer un rôle majeure ? Pourquoi...

 Peut-être parce que les résultats n'ont non seulement pas été ceux espérés par les médias et la diplomatie française, ceux pour lesquels cette dernière oeuvre, mais aussi et surtout parce que ces résultats ont présenté une facette plus complexe du monde en général et du Proche-Orient en particulier que nos médias « occidentaux » n'aimeraient les voir. Ainsi, c'est un camouflet diplomatique que la France a pris dimanche soir, et ce fût une leçon de géopolitique pour les analystes et journalistes.

 *

Dimanche soir dans la circonscription du Metn-Nord, la région au nord de Beyrouth, le candidat de la majorité au pouvoir, l'ancien président Amine Gemayel, père de Pierre Gemayel, précédent député de la circonscription, mort assassiné en novembre 2006, a été battu par le candidat de l'opposition, un illustre inconnu du nom de Camille Khoury, membre du C.P.L de Michel Aoun. Cette victoire qui s'est jouée à 400 voix près, pour plus de 70 000 votants sur plus de 140 000 électeurs inscrits, a bien sûr des conséquences pour les Libanais, mais elle en aura aussi sur la façon dont la France devra conduire sa politique au Liban.

 La France soutient inconditionnellement, avec les Etats-Unis, l'Arabie-Saoudite et l'Europe, la majorité au pouvoir : une coalition composée du Courant du Futur de Saad Hariri, du P.S.P druze de W. Joumblatt et de partis chrétiens comme les Kataebs ou les Forces Libanaises. En face d'elle, l'opposition dont les fractions principales sont le Hezbollah, Amal et, récemment rallié, le Courant Patriotique du Liban de M. Aoun.

 Dans le petit monde médiatico-politique occidental, la chose est entendue : il faut soutenir les « bons » démocrates de la majorité contre les « méchants » auxiliaires de la Syrie qui sont dans l'opposition. Mais voilà, les choses sont plus complexes et face à cette complexité, on a préféré l'aveuglement, la facilité et plus grave pour les Libanais le parti-pris intéressé au détriment de la pluralité et de l'originalité libanaise. Or, les résultats de dimanche ont donné une autre image de la réalité de ce pays. Dans un processus démocratique, les Libanais d'une circonscription pourtant majoritairement chrétienne, mais où de nombreuses communautés religieuse cohabitent, ont choisi l'opposition.

 Ou plus précisément le candidat d'un parti qui fait de l'indépendance, de la déconfessionalisation et surtout de la « déféodalisation » du Liban son cheval de bataille, d'un parti dont le chef est le seul qui durant toutes les années du conflit de 1975 à 1990 n'a jamais composé avec l'occupant syrien et que nos médias présentent cependant aujourd'hui comme sa marionnette, allié du diable hezbollahi.

Mais combien en France et aux Etats-Unis ont lu la plate-forme de travail proposé par le C.P.L et signé par le Hezbollah ? Qui en Occident a lu les demandes de réforme constitutionnelle, vrais propositions de déconfessionnalisation du pays ? Qui s'est intéressé aux propositions d'amélioration du système électoral visant à défaire ces fiefs ancestraux sur lesquels s'appuient une partie de la majorité et qui alimente pourtant la corruption ?... Presque personne chez nous, mais au moins 35 000 au Liban. Et c'est bien là le principal.

Reste à savoir combien de temps cette réalité démocratique naissante va-t-elle tenir ? L'aveuglement comme les intérêts divergents font que les puissances régionales ou mondiales soufflent sur les braises libanaises encore chaudes, au risque de rallumer un incendie.

Et, si les médias français se sont abstenus de tout commentaire c'est parce qu'aujourd'hui les électeurs du Metn-Nord nous ont donné une leçon de démocratie.

 

Alexandre Joly.