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21 avril 2008

Le soutien militaire japonais en Irak jugé anticonstitutionnel

L'un des sujets de controverse les plus virulents entre le parti au pouvoir, le Parti Libéral Démocrate (PLD) et l'opposition, emmenée par le Parti Démocrate Japonais (PDJ), vient de connaître un nouveau rebondissement. Rebondissement que les deux camps jugent, étonnamment, favorables à leur point de vue.

De par sa constitution, « le peuple japonais renonce pour toujours à la guerre comme droit souverain et à la menace ou l'usage de la force comme moyen pour résoudre un problème international ». C'est le paragraphe 1 de l'article 9. Néanmoins, des éléments des Forces d'Auto-Défense peuvent être déployés à l'étranger s'ils ne sont pas engagés sur des théâtres de guerre, comme ce fut le cas dans les années 90 au Cambodge.

C'est à partir de ce précédent que le gouvernement de J. Koizumi avait justifié le déploiement de soldats dans le sillage des troupes américaines en Irak en 2003, une fois la guerre déclarée officiellement finie par G.W. Bush. Stationné dans le sud du pays, à Sanawa, le détachement avait été autorisé par le parlement japonais à se déployer car la zone était jugée non-belligérante par le gouvernement nippon. Point de vue que l'opposition dénonçait déjà.

L'histoire aurait pu s'arrêter après le rapatriement du contingent japonais en 2005 de cette zone, si dans le même temps le gouvernement japonais n'avait transformé son aide terrestre en soutien logistique aérien. En effet l'A.S.D.F, les forces aériennes japonaises, stationnées au Koweit, apporte quotidiennement un soutien logistique important en approvisionnant et ravitaillant les forces internationales en Irak, en faisant la liaison entre le Koweit et l'aéroport de Bagdad.

Le débat sur la reconduction de ce soutien avait été l'an dernier, après la victoire du PDJ à la Chambre Basse de la Diète, l'objet de passes d'arme entre le gouvernement et l'opposition qui bloquait et retardait le vote. Le premier ministre de l'époque, S. Abe, arguant du fait que l'aéroport de Bagdad n'était pas une zone de guerre, le gouvernement passa la loi « en force », la Chambre Haute, tenue par le PLD, ayant prédominance sur la Chambre Basse. Et le déploiement de l'ASDF fut ainsi reconduit pour deux ans.

Parallèlement à cette joute politique, des citoyens portèrent l'affaire devant les tribunaux. Plus de 1 222 plaignants estimaient que l'envoi de troupes japonaises était contraire à la constitution et portèrent plainte auprès du tribunal de District de Nagoya. En Avril 2006, les juges reboutèrent les demandes des plaignants qui firent aussi tôt appel devant la Haute Cours de Justice de Nagoya. C'est le jugement de ce tribunal, jeudi 18 avril, qui fait rebondir l'affaire.

Le verdict avait deux volets distincts. Le premier volet, sur lequel s'appuie le gouvernement pour revendiquer une partie de sa victoire, concerne les demandes de compensation des plaignants qui estimaient leur droit à une existence pacifique bafouée. Le jugement a confirmé celui d'avril 2006 qui rejetait l'assertion que « les vies et libertés des plaignants sont actuellement violées ». Ils furent donc une nouvelle fois déboutés. C'est donc sur le second volet, plus constitutionnel que le jugement du tribunal a surpris.

Ainsi, à la question de savoir si l'aéroport de Bagdad était une zone de guerre, la réponse du juge K. Aoyama, a été « oui ». A la question de savoir si en apportant un soutien logistique à l'armée américaine en Irak, le Japon se comportait en pays belligérant la réponse fut aussi « oui ». Et à la question de savoir s'il était donc constitutionnel d'envoyer des troupes aériennes en Irak, la réponse a été clairement « non ».

Camouflet important porté au gouvernement. Sauf que, juridiquement et donc techniquement, une haute Cours ne peut émettre des décisions contraignantes en matière constitutionnelle, et ne peut donc faire fléchir le gouvernement. Seule la Cours Suprême en a l'autorité. Le gouvernement n'est donc pas contraint d'infléchir sa politique. Et bien évidemment il ne va pas faire appel du jugement, car pour le coup, l'affaire serait portée devant la dite Cours Suprême.

L'affaire en restera là, d'un point de vue juridique, mais comme l'écrivait le journal Ashi dans son éditorial de vendredi, « le gouvernement devrait prendre très au sérieux » cette décision, et ne pas juste se retrancher derrière un artifice juridique comme l'a fait le Premier Ministre Fukuda pour continuer la même politique en Irak. Politique soutenue par moins de 20% des Japonais selon les dernières enquêtes d'opinion.

Alexandre Joly.

 

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