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11 décembre 2007

Affaires étrangères... aux promesses

Rarement visite officielle d'un chef d'état étranger n'a suscité autant de polémiques que celle que va faire en France le Guide de la Jamahariya libyenne, le Colonel Khadafi durant ces 6 prochains jours. Politiques, humanitaires et intellectuels s'opposent tant sur les motivations et conséquences de la venue du Guide en raison de son passé que sur le degré diplomatique qui lui est conféré.

La problématique libyenne a été bien posée par Claude Guéant, Secrétaire général de l'Elysée au JT de France 2 du 10 décembre : « Que devons-nous faire à l'égart de pays qui se sont mal comportés ? Est-ce que nous devons les laisser s'enfoncer (...) ou est-ce que nous devons les aider à se soustraire à ses activités que nous condamnons ?». Question kafkaïenne dont la réponse ne peut être donnée qu'après une analyse au cas par cas de l'évolution des dits pays. Alors quelles raisons valables Nicolas Sarkozy a-t-il pu trouvé à la Libye pour en faire un pays sur la voie de la rédemption ?

Ces raisons ont été bien résumées par Pierre Lellouch, spécialiste de politique étrangère à l'UMP en 3 points. Elles sont tout à fait valables car marquées du sens de la responsabilité, de la raison et du réalisme. : “Un, le pays a arrété son programme nucléaire militaire. Deux, il coopère complétement avec les services occidentaux sur la lutte contre le terrorisme. Trois, il s'ouvre au développement international. ».

Quant au contentieux sanglant entre les deux pays, Guillaume Denoix de Saint-Marc (Président du Collectif des familles des victimes du DC 10 d'UTA) a estimé qu'il fallait le dépasser car “c'est important si on ne veut pas que la Libye soit tentée de retourner vers ses vieux démons. »

Si le deuxième point peut prêter à contestation ce n'est pas tant à cause du point de vue du dirigeant libyen sur le terrorisme qu'il qualifiait dimanche d' « arme des faibles », que sur celui des responsables occidentaux qui manipulent le terme en dépit du bon sens (mais cela est l'objet d'un autre débat ). On pourrait aussi rajouter un quatrième point : la Libye est un client potentiel et fortuné pour l'industrie Française. Et aussi un cinquième plus personnel pour Nicolas Sarkozy, le Colonel est un des rares dirigeants à tendre une oreille attentive au projet d'Union Méditerranéenne du Président.

Donc, s'il est effectivement bienvenue de marquer symboliquement le retour de la Libye à des relations pacifiées avec le reste du monde par l'accueil de son chef d'état, la manière quant à elle peut susciter des reserves. Pas seulement à cause de la date choisie, comme l'a dit Rama Yade au journal Le Parisien, « parce qu'elle coïncide avec la Journée mondiale des droits de l'homme. Le choix de cette date est un symbole fort, je dirais même scandaleusement fort. » Mais parce qu'il existe en matière de protocole diplomatique des nuances qui servent à distinguer un pays sur le retour de ceux qui sont nos alliés et amis.

Et c'est bien cette absence de nuance, marque de fabrique de Nicolas Sarkozy, qui pose problème. Car si le Président est comme il l'a déclaré publiquement à Bruxelles ce week-end « heureux de recevoir » le colonel Kadhafi, on n'ose imaginer dans quel état d'excitation il doit se trouver au moment de rencontrer nos plus proches partenaires et ses homologues que sont Romano Prodi, Angela Merkel ou encore Jose Luis Zapatero... Pour reprendre l'expression de Jamel Debouz lors de la réception de son César en 2006, cela doit être « le 14 juillet dans son slip ».

Ce manque de retenu a été très bien résumé par Arnaud Montebourg ce lundi lorqu'il a dit : « Que des relations se rétablissent avec la Libye, oui. De là, à lui offrir les Champs Elysées et une centrale nucléaire et des armes de très hautes capacités... » il y a des étapes qui sont franchies beaucoup trop attivement.

Mais le cas libyen s'inscrit aussi et surtout dans une diplomatie sarkozyenne qui est aux antipodes des déclarations faites durant la campagne présidentielle. Déclarations que nous avons ici même réguliérement dénoncées tant elles étaient teintées d'  « irrealpolitik » pour reprendre le concept d'Hubert Védrine. Elles nous apparaissaient alors comme la preuve flagrante d'un manque de compétence, de vision et de lucidité en matière de politique étrangère du candidat-président.

Ce grand écart, nombreux sont ceux comme Bernard Henri-Lévy à le dénoncer : « Voilà un président qui s'applique avec beaucoup d'honêteté à nous dire que sur tous les terrains ce qu'il a promis il le fera... il y a un domaine où il ne tient pas parole c'est sur ces affaires des droits de l'Homme et ces affaires étrangères. » ( JT de France 2 du 08 décembre). Et de rappeler que Nicolas Sarkozy « a quand même été le seul avec le président Ahmadinejad à téléphoner à Vladimir Poutine pour le féliciter du résultat des élections. » Elections rappelons-le des plus truquées, et précédées d'une campagne électorale qui s'est résumée pour l'opposition privée d'expression à une série d'arrestations et de bastonnades policières...

On est donc loin, très loin, du discours du 28 février 2007 sur la politique étrangère du candidat Sarkozy qui voulait « une approche plus doctrinale des affaires internationales ». Cette approche avait notament pour socle son « deuxième grand objectif : promouvoir les libertés et les droits de l'homme sur la scène internationale ». Il dénonçait « les adeptes de la realpolitik (qui) ne sont pas si réalistes que cela » et ceux qui font « le sacrifice des valeurs au nom d'intérêts à court terme ».

Mais n'est-ce pas exactement ce qu'il fait aujourd'hui avec la Libye, la Russie mais surtout la Chine avec lesquelles il favorise l'intérêt commercial à court terme au détriment des enjeux démocratiques et stratégiques ? Les images navrantes lors du dernier sommet du G8 où Nicoals Sarkozy tendait son téléphone portable à Vladimir Poutine et le prenait à part pour « copiner » étaient à milles lieux de ses déclarations de février 2007 dans lesquelles il dénonçait « notre silence face aux 200 000 morts et 400 000 réfugiés des guerres de Tchétchénie » et trouvait « préoccupante » « l'évolution de la Russie ces derniers temps ». Mais à priori pas suffisament préoccupante pour s'aligner sur la politique plus réaliste et surtout plus critique d'Angela Merkel vis à vis de la Russie.

Parce qu'avec les relations internationales il oeuvre dans un domaine qu'il ne maîtrise pas et qu'il ne connaît pas contrairement à la chancelière allemande, un domaine où le plus patient et le plus fin est celui qui remporte la mise, un domaine dont la gestion du temps et de l'espace sont à l'inverse de son univers médiatico-politique, Nicolas Sarkozy passe d'un extrême à l'autre, de l'  « irrealpolitik » au cynisme kissingerien, sans politique claire et définie, sans stratégie pour l'avenir, et cela au détriment des intétêts à long terme de la France. Et avec des risques évidents pour l'avenir sachant qu'il n'a par la constitution, en matière de politique étrangère de comptes à rendre à personne. Omettant là aussi, sa promesse électorale de faire de la de politique étrangère de la France, « le résultat d'un débat démocratique » et de la sortir du «seul secret des chancelleries et des cabinets. »  

Alexandre Joly.