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11 avril 2007

Les valeurs de N. Sarkozy

medium_sarkozy.jpgLes candidats n'ont, et à juste titre, de cesse de le répéter : « l'élection présidentielle c'est la rencontre d'un homme et d'un peuple ».

Cette rencontre, symbolique de la Vème République, n'est pas à confondre avec celle qui viendra dans un mois lors des élections législatives où nous devrons nous déterminer sur une politique gouvernementale pour les cinq prochaines années.

Dans cette optique, les programmes des candidats (qui ne pourront pas les mettre en oeuvre en cas de cohabitation) ont moins d'importance que les valeurs, la vision de la France et la philosophie politique qui les animent. Donc plus qu'aux propositions qu'ils enchaînent, souvent de façon inconsidérées et irréalisables pour ce qui est de S. Royal et N. Sarkozy, le choix doit se porter sur les valeurs que véhiculent les candidats aux travers de meetings et d'interviews, à défaut de débat.

Car ce décryptage pose la question réelle de la légitimité de certains à vouloir présider une démocratie.

Dernier exemple en date, les propos de N. Sarkozy tenus sur le déterminisme génétique dans Philosophie Magazine de Mars 2007. Celui-ci y déclare notamment « penser qu'on naît pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a mille deux cents ou mille trois cents jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable (...) Les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est immense. ».

Ainsi, selon N. Sarkozy, ON (vous, moi, vos enfants) naît pédophile, on naît suicidaire et on ne le devient pas. ( A noter l'étrangeté de juxtaposer le suicide et la pédophilie dans un même exemple !). Ainsi le libre arbitre, cher à Saint Augustin n'existe plus, et le conditionnement environnemental, social mais surtout l'éducation sont rendus inopérant. Ce déterminisme de naissance fait certainement qu'on naît aussi cupide, homosexuel et bien évidemment aussi criminel ou respectueux des lois.

Ces propos ont bien évidemment étaient condamnés par les scientifiques comme le généticien Axel Kahn qui a confirmé ce que tous savent, à savoir que "la vision d'un gène commandant un comportement complexe tel que ceux conduisant à l'agressivité, à la violence, à la délinquance, à la dépression profonde avec dérive suicidaire, est ridicule et fausse".

Cette adhésion à l'idée du « criminel-né » n'est cependant pas nouvelle chez N. Sarkozy. Et il avait déjà affronté les critiques du monde médical qui soulignait son ignorance et son charlatanisme scientifique quand le 02 décembre 2005 dans Le Parisien il disait qu'« iI faut agir plus tôt, détecter chez les plus jeunes les problèmes de violence. Dès la maternelle, dès le primaire, il faut mettre des équipes pour prendre en charge ces problèmes. - Dès la maternelle ? - Oui ! »

En effet le Professeur Bernard Golse, chef du service de pédopsychiatrie à l’hôpital Knicker avait répondu que « personne au monde ne peut prédire qu’un enfant de trois ans qui présente des troubles de conduite sera un délinquant douze ans plus tard. Ce saut épistémologique est inacceptable... Faire croire que l’on peut faire des prédictions de ce genre dans le domaine de la psychiatrie, au mieux c’est illusoire, au pire c’est malhonnête et dangereux ».

Le ministre de l'Intérieur avait alors dû effacer de son projet de loi ces propositions de dépistage des killers bambins. De même qu'il avait dû reculer devant la levée de boucliers des psycho-thérapeutes qu'avait suscité son projet de médicaliser la violence. Denis Leguay, psychiatre, rappelant à cet effet dans une tribune au Monde du 13 Septembre 2006 que « la violence est une dimension normale de l'être humain » et que pour renoncer à cette violence primaire pour vivre en société il faut « que sa personnalité se construise, et qu'il y consente : c'est un processus d'échange maîtrisé entre l'espérance des bénéfices d'un comportement sociable et l'effort que cela implique. ».

Il est donc assez inquiétant d'envisager un charlatan médical à la tête de l'état qui tient des thèses jugées ridicules, fausses, malhonnêtes et dangeresues.

Outre le monde médical, N. Sarkozy a dû aussi affronté l'Eglise qui par la voix de Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris, au micro de RTL, s 'est élevé contre toute tentation d'eugénisme, le pendant du déterminisme génétique. "Surtout, ce qui me paraît plus grave, c'est l'idée qu'on ne peut pas changer le cours du destin. C'est vrai quand on prend la perspective génétique, mais c'est aussi vrai quand on prend la perspective sociologique", a-t-il dit. "Parce que dire que quelqu'un est pré-déterminé par la famille qui l'a entouré, par les conditions dans lesquelles il a vécu, ça veut dire que l'homme est conditionné absolument".

Cette opposition de l'église est importante car les propos de N. Sarkozy attaquent les principes de Saint Augustin du librarium-arbitrium (le libre arbitre) de chaque homme. Or ces principes sont les fondements de nos valeurs humanistes. Celles qui permirent le développement de la philosophie des Lumières et la construction de nos démocraties.

En remettant ainsi en cause le libre-arbitre, N. Sarkozy remet en cause le libre choix des individus à choisir leur façon de vivre. De façon individuel comme collective. Et remettre en cause la volonté collective de se choisir une destinée, c'est une attaque indirecte et violente contre les droits de l'homme et la démocratie moderne.

Enfin, dernier point, mais pas des moindres, la comparaison historique. N. Sarkozy n'a pas inventé le déterminisme génétique : ses propos s'inscrivent dans une tradition philosophique bien précise qui a cherché à traduire en actes politiques ses théories : scientisme extrême et racisme. Or, force est de constater que les principales idéologies politiques et leurs mentors théoriciens qui ont repris ces thèmes à la fin du XIXème siécle et au XXème sont celles de régimes totalitaires. Et notamment le nazisme.

C'est parce que les Nazis identifiaient un gène de la cupidité chez les Juifs et qu'il fallait en protéger le peuple allemand qu'ils les ont exterminé, c'est parce que selon eux il existait un gène de l'homosexualité, que les homosexuels furent envoyer en camps de concentration. Quand N. Sarkozy dit « qu'on naît pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. » (ce qui rappelons-le est scientifiquement faux !), il a une double connivence avec la vision nazi :

  1. l'aspect génétique et héréditaire de ce qui est aujourd'hui perçu comme une déviance morale, la pédophilie (bien que comme toute déviance morale elle n'est ni intemporelle, ni universelle et susceptible de changer), comme les Nazis l'avaient de l'homosexualité.

  2. la volonté et le constat d'échec de la médicalisation de ces « pathologies ». Or quand on ne peut soigner une maladie, la nécessité de protection des corps sains, amène de facto à l'isolement de ceux qui en sont porteurs... et de leurs progénitures porteuses du même gène : internement en camps, stérilisation forcée, extermination.

Les propos que tient N. Sarkozy sont, comme on l'a vu rapidement, triplement scandaleuses : Elles reposent sur un postulat scientifiquement dénoncé; rejette les valeurs essentielles qui fondent une démocratie; et sont la résurgence de thèses politiques qui ont alimenté les pires régimes du siècle passé.

Alexandre Joly.