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10 juin 2009

Avantages et inconvénients de la « Bayrou dépendance »

L’un des enseignements positifs que l’on peut tirer du revers, ou plutôt de la claque, que nous venons de prendre est que, pour ceux qui ne l’auraient pas encore remarqués, nous avons un chef. Un vrai. Un de ceux qui va au combat, donne de sa personne dans les corps à corps les plus violents, donne des coups, en prend encore plus et assume la victoire comme la défaite.

Ce genre d’individus est capable d’amener ses troupes à se dépasser, à susciter le respect, sinon la crainte dans les camps adverses. C’est une locomotive précieuse et indispensable. Avec François Bayrou, nous avons sans conteste un président de parti de cette trempe. Il a su se faire offensif en attaquant à juste titre le bilan du chef de l’état. Il a su faire le dos rond, puis affronter ses détracteurs les plus virulents comme Daniel Cohn-Bendit, relais le plus folklorique d’une campagne de calomnies odieuse dans laquelle il a été traité d’illuminé ayant « touché la Vierge », de « Le Pen light » et pour finir de « minable ».

Mais avoir un tel leader peut être, pour un parti naissant, une arme à double tranchant : en effet, quand le chef vient à être mis à terre, c’est tout le parti qui est déséquilibré, trébuche et chute. Parce que nos adversaires le savent, il devient la cible prioritaire de leurs charges, concentrant sur lui toutes les attaques, même, et surtout, les plus malhonnêtes afin de le pousser à la faute.

Le rôle d’un parti dans une campagne est donc de soutenir son leader en trouvant des hommes et femmes pour le protéger des attaques, et d’autres pour porter à sa place les contre-attaques les plus violentes. Qu’on se souvienne de la campagne de Sarkozy de 2007, les basses œuvres étaient signées de lieutenants qui remplissaient leur mission sans état d’âme, le chef pouvant ainsi continuer à se draper du voile de la vertu. Ce que le MoDem n’a su faire ici.

Il n’est clairement pas dans la culture de notre famille politique d’abaisser le niveau des débats à celui du caniveau. Mais nous ne pouvons occulter que la lutte se mène aussi dans ces sphères parce qu’on nous y entraîne. D’autant que nos adversaires savent que nous n’y sommes pas à l’aise. Refuser d’y aller combattre c’est prendre le double risque de laisser la propagande adverse faire son œuvre (« le MoDem vote avec les ultra-libéraux », « le MoDem et Bayrou ne s’intéressent plus à l’Europe », sans parler des insultes citées) et donc perdre des électeurs ; c’est aussi comme nous l’avons vu lors du débat de jeudi soir, voir François Bayou, poussé à bout, répondre, et faire passer sa seule réplique comme un acte déplacé, inversant les rôles agresseurs / agressés. Cela a perturbé nombre de nos sympathisants et parachevé l’entreprise de dénigrement de nos adversaires.

Dans cette campagne électorale, la première mi-temps fût bien menée. Un programme sérieux issu des travaux en commission permettait aux têtes de liste de faire une campagne de terrain en profondeur, afin d’expliquer et de tenter de convaincre les électeurs au plus près. Parallèlement, la sortie du livre de François Bayrou donnait un écho national à une campagne qui n’avait pas encore commencé dans les médias. Celle-ci s’annonçait prometteuse.

La deuxième mi-temps fût pourtant un désastre. Devant la « menace MoDem», nos adversaires ont contre-attaqué tous azimuts sur le programme (un peu) et le bilan (de façon mensongère) du MoDem au Parlement. Tout d’abord sporadiques les attaques se sont ensuite intensifiées sur la seule personne de François Bayrou qui incarne le parti aux yeux des Français. Ces attaques permettaient pour le PS et l’UMP de discréditer l’homme dans la perspective des Présidentielles 2012 en même temps qu’elles affaiblissaient l’image européenne de notre formation.

Devant de telles attaques, le parti n’a pas su réagir. Il aurait dû se protéger en mettant à « l’abri » François Bayrou, victime d’attaques ad nominem, en augmentant la présence médiatique des têtes de liste. Cela aurait rendu caduc la stratégie de nos opposants. Or plus les partis adverses dénonçaient l’omni-opposition de François Bayrou, plus il apparaissait dans les médias, et plus il se laissait entrainer dans des débats qui s’ éloignaient du sujet européen. Leur donnant raison et brouillant l’image pro-européenne du MoDem.

De même, le rappel de l’ouvrage de « Dany » était tout à fait justifié aux vues de ses propres attaques, mais il aurait dû être fait plusieurs jours avant, de façon répétée, et pas par François Bayrou en personne. Cette trop grande exposition de notre président lui a été préjudiciable, et a été fatale au parti sur cette élection.

Car si cette campagne nous a donc rappelé que nous avions un chef, elle a aussi démontré l’extrême dépendance du parti à son encontre. Nombres d’entre nous peuvent témoigner de la faible reconnaissance du parti sur la scène politique française. Quel adhérent n’a jamais eu cette échange :

- Je suis au MoDem.
- Pardon ?
- Le Mouvement Démocrate.
- Le quoi ?
- Le parti de Bayrou.
- Ah d’accord.

Certes, 18 mois sont un laps de temps très court pour imposer le nom d’un parti et pour qu’il affirme son identité dans l’inconscient politique de nos concitoyens. Mais il est impératif que le parti fasse émerger sur la scène médiatique un projet et des figures identifiables qui pourront relayer et défendre les thèses du parti, lui assurer une plus grande visibilité. Faire émerger de nouvelles figures sera aussi vital dans l’optique de 2012 afin de parer les questions insidieuses telles que « Mais avec qui allez-vous gouverner ? » ou « Avec qui allez-vous vous allier ? ». Questions récurrentes qui eurent un effet dévastateur en 2007.

Car sinon, c’est prendre le risque de s’entendre opposer les accusations de sectarisme, d’extrême personnalisation ou d’exercice solitaire du pouvoir.

Pour évoluer et espérer remporter des campagnes électorales futures, il faut que la « marque » MoDem vive par elle-même indépendamment de celui, ou celle qui la dirige. Le parti n’est ni un fan club ni une amicale de groupies : l’immense majorité des adhérents a accepté de se lancer dans l’aventure au nom de la croyance en certaines valeurs que nous pensons bafouer par le pouvoir actuel et auxquelles le PS ne propose aucune solution satisfaisante. Si François Bayrou demeure le président incontesté du parti, il va falloir trouver le juste dosage qui fera de sa présidence un vrai plus pour le parti et non un angle d’attaque pour nos adversaires.

Il faut donc que le MoDem fasse sa mue et passe du « Parti de Bayrou » au « Parti dont Bayrou est le président »…

Alexandre Joly.

Président du MoDem Japon