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27 juillet 2008

Obama en Europe : le sacre de Merkel

Rarement, l’emploi du temps d’un candidat à la Présidentielle américaine en visite en Europe n’a suscité autant de commentaires que celui entrepris par Barack Obama ces deux derniers jours.

Et dire qu’à Paris et Londres ceux-ci furent amers est un doux euphémisme. Car en diplomatie, les symboles, aussi infimes qu’ils puissent paraître, sont souvent lourds de sous-entendus.

Ainsi, en passant une journée complète en Allemagne, en y tenant un meeting devant 200 000 Berlinois, en rencontrant plusieurs membres du gouvernement, le candidat démocrate a conféré à l’Allemagne et à sa Chancelière un poids politique que par voie de conséquence il a dénié aux autres.

Or cette importance accordée à l’Allemagne d’A. Merkel au détriment de l’Angleterre de G. Brown et de la France de N. Sarkozy, n’est autre que la reconnaissancee de sa prédominance sur l’Europe.

Si l’économie allemande surclasse depuis quelques décennies ses concurrentes européennes, son poids politique sur la scène internationale demeurait en retrait. Exclue de la permanence du Conseil de Sécurité des Nations Unies au sortir de la Seconde Guerre mondiale, dénuée de zone d’influence privilégiée, puissance militaire émasculée par son impossibilité (aujourd’hui levée) de déployer des troupes sur des théâtres extérieurs et surtout sa non nucléarisation, elle devait laisser à la France et à l’Angleterre les rôles principaux de puissance diplomatique.

Or malgré la pérennisation de ces handicaps, malgré le fait que la France préside depuis le premier juillet l’Union Européenne, malgré un pro américanisme affirmé et la volonté affichée par N. Sarkozy de vouloir rejoindre le commandement unifié de l’OTAN, et bien que le président dise être son «copain » (un de plus ! mais quand arrêtera-t-il donc ces déclarations infantiles !), c’est à l’Allemagne que Barack Obama a accordé toute son attention, et non à Londres ou Paris.

On pourra toujours arguer que ce genre de remarques ne sont que des crises de franchouillardises mal placées, qu’il n’y a pas réellement de symbole derrière tout cela, ou au contraire que c’est un plan com’ pour rappeler à l’Amérique les grandes heures de Kennedy ou Reagan, quand ce n’est pas lié à l’image de la France aux Etats-Unis….

Il n’empêche. La victoire médiatique d’Angela Merkel ne vient que confirmer sa prédominance actuelle sur l’Europe et l’effacement de la France et de l’Angleterre. Car ce qu’aujourd’hui la chancelière veut, ou ne veut pas, elle l’obtient .

Les déboires connus par l’Union Pour la Méditerranée en furent un exemple frappant : Nicolas Sarkozy et Henri Guaino, le principal instigateur du projet, souhaitaient la création d’une structure indépendante de celle de l’Europe, dans laquelle, les seuls pays méditerranéens auraient un droit égal au chapitre au travers de relations diplomatiques renouvelées : belle idée qui avait le triple avantage de revigorer les échanges inter méditerranéens, présenter une alternative à un éventuel choc Nord-Sud, et renforcer le rôle de la France dans l’espace méditerranéen.

Mais une telle structure qui excluait les pays européens non méditerranéennes était jugée par l’Allemagne comme une menace pour sa propre diplomatie. Le gouvernement d’ Angela Merkel déploya donc une politique étrangère concurrente et double, l’une à destination de la France et une autre vis-à-vis des pays méditerranéens à fin de vider le projet français de son contenu. Et cela avec la réussite qu’on connaît : intégration de l’U.P.M dans le processus mortifère euro-méditerranéen de Barcelone, incorporation de tous les pays européens, maintien d’un type d’échange / assistance « à l’ancienne » Nord Sud qui provoqua la colère de Khadafi… bref une victoire diplomatique allemande sur toute la ligne.

La puissance d’Angela Merkel a des répercussions pragmatiques. Celle-ci peut en effet se permettre de traiter d’égal à égal avec les dirigeants les plus puissants du globe et leur dire leur quatre vérités . Ainsi Madame Merkel n’a pas eu à s’humilier en saluant l’élection truquée de Vladimir Poutine et elle a pu annoncer qu’elle n’irait pas aux cérémonies d’ouverture des JO sans que cela n’entraîne de manifestations anti-allemandes dans les rues de Pékin. L’Allemagne sait aujourd’hui imposer le respect, la France non.

S’il serait stupide de faire remonter le déclin diplomatique de la France à mai 2007 et malhonnête d’expliquer la renaissance de l’Allemagne par le seul effet de la politique de Nicolas Sarkozy, il est incontestable que ses alignements non négociés (Etats-Unis), ses revirements (Syrie), précipitations (Constitution européenne), ultimatums bidons (Chine, Iran) autocritiques quant aux grandes déclarations regardant le respect des droits de l’homme (Tunisie, Libye) n’ont pu qu’aggraver et amplifier l’affaiblissement de la puissance diplomatique française.

Comme l’ont bien analysé les conseillers diplomatiques de Barack Obama.

Alexandre Joly.