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05 août 2008

La chute annoncée du PLD ?

Rien y fait !  La chute de la maison Jiminto (le Parti Libéral Démocrate), au pouvoir au Japon depuis presque 60 ans, semble irrémédiable. Et le remaniement ministériel opéré par le Premier Ministre Yasuo Fukuda vendredi 1er août, pourtant sensé lui offrir une petite bouffée d’oxygène dans un océan de sondages négatifs, n’aura pas eu l’effet escompté.

Avec une cote de popularité tombée au-dessous de 25% de satisfaction en juillet, et suivant l’idée que « le soutien du public au gouvernement augmentait généralement après avoir été remanié » comme l’écrivait le  Japan Times du 04 août, , le chef du gouvernement espérait s’offrir un second souffle avant d’attaquer la ligne droite qui mène aux Législatives de Septembre 2009. Peine perdue : selon deux sondages opérés ce week-end par les journaux Mainichi  et  Asahi, le taux de satisfaction a au mieux pris trois points selon le premier, au pire est resté inchangé selon le second. Seul et isolé, le journal conservateur Yomiuri aurait noté une augmentation de 14 points à 41%.

Mais pourquoi cette défiance sans précédent ?

Propulsé chef du gouvernement en Septembre 2007, suite à la démission de Shinzo Abe qui avait tenu son poste moins du’un an, Yasuo Fukuda avait alors la triple tâche d’effacer et résoudre les scandales apparus sous son prédecesseur et qui furent à l'origine de sa démission (affaires de corruption touchant notamment le ministère de la Défense ; perte de millions de dossiers de cotisations retraite), résoudre les problèmes endémiques de financement des caisses de sécurité sociale et de retraite, et enfin faire oublier les réformes libérales, devenues impopulaires, de Junichiro Koizumi (2000-2006) qui  avaient entraînées un accroissement sans précédent des inégalités. Sa compétence, son expérience et son intégrité associés à son désir de développer une "société plus sûre pour tous les Japonais" devaient donc rabibocher le PLD et les électeurs. 

Mais, héritant d’une situation déjà bien difficile, il eut à travailler avec un gouvernement dont il n’avait pas choisi les membres et qu’il ne pût modifier car remanié un mois à peine avant sa nomination et surtout il dût apprendre à gouverner avec une Chambre Haute acquise à l'opposition et bénéficiant d'une capacité de blocage importante et paralysant son action. Dans ces conditions la crise des subprime qui n’épargna pas le marché nippon, et depuis quelques mois la hausse du prix des carburants et des matières premières ont été encore plus difficiles à appréhender et à gérer. Conclusion de 10 mois de gouvernance Fukuda: non seulement les problèmes dont il a hérité n’ont pas été solutionné mais en plus s’y sont ajoutées de nouvelles crises qui touchent directement le pouvoir d’achat des électeurs japonais. Rien de bon pour les élections !

Le chef du gouvernement aurait pu plaider qu’aucune de ces crises n’était de sa responsabilité, tant au niveau mondial que national, si son incapacité à les gérer n’était aussi en cause. Au point de vue politico-judiciaire, les affaires de corruption continuent à faire jour au ministère de la Défense, les dossiers retraite et sécurité sociale sont au point mort, et la hausse des prix touche les produits de base et donc les ménages les plus faibles. Mais plus grave que ces mauvais résultats, on est en peine à fixer la ligne politique du gouvernement.

Et le remaniement de vendredi n’a fait que renforcer ce manque de visibilité. En effet comme nombre des ministres sont connus pour être des libéraux, tel le ministre de l’Economie  Bunmei Ibuki, apôtre du désengagement de l’état et de la réduction de ses dépenses, on aurait pu penser à un retour d’une politique de réforme comme l’a connu le Japon sous le cabinet Koizumi. Mais parce que celles-ci furent impopulaires, les premières déclarations du premier ministre (parfois en contradiction avec ses ministres) ont été pour annoncer  des aides d’urgence aux pêcheurs, qui ont pourtant déjà reçus près de 74 milliard de yens de subventions spéciales, et une prochaine révision à la hausse du budget, déficitaire, pour amortir les difficultés liées à la hausse des prix. Alors politique d’austérité ou relâchement budgétaire ?

Dans le même ordre d’idée, la nomination à la tête d’un populaire Secrétariat à la Défense des Consommateurs de l’égérie anti-Koizumi, Seiko Noda (elle s’était opposée à la privatisation de  la Poste) contraste avec les nominations des libéraux Kaoru Yosano et Toshihiro Nikai aux ministères des finances et du commerce qui furent  eux, des artisans des réformes libérales de Koizumi. Dont celle de la Poste.

Cette distribution tous azimuts, et toutes factions du PLD confondues, de ministères s’est aussi répercutée dans l’organigramme du parti. Ainsi Taro Aso, opposant malheureux de Fukuda lors des dernières élections à la tête du parti, réapparaît-il comme Secrétaire Général et donc futur premier ministrable. Taro Aso, faucon en politique étrangère pourrait faire tâche dans la politique de réchauffement des relations avec le voisins chinois et coréens entreprise par Yasuo Fukuda.

En fait, il semblerait que l’objectif de ce dernier ne soit pas, contrairement aux vœux pieux du Yomiuri dans son édito du 2 août de « s’attaquer aux problèmes politiques urgents», mais bien plutôt comme l’a présenté le Japan Times de «mener son camp à la victoire lors des prochaines élections à la chambre basse avec un PLD unifié ». A défaut d’être cohérent pourrait-on rajouter. 

Pari risqué car ce ne sont que des gesticulations politiciennes visibles, qui en plus sont en contradiction  avec  la stratégie du principal allié du Jiminto, le  Shin-Komeito. En effet ces dernières semaines celui-ci appelait ouvertement à des élections anticipées et à un changement de premier ministre. L’objectif du parti bouddhiste était que soient dissociés les élections Législatives (mal engagées), prévues en Septembre 2009 de celles du parlement de Tokyo, fief et base du parti, en août 2009. Or ce remaniement et les déclarations qui s’en suivirent montrent qu’il n’en sera pas ainsi et le risque est grand que la politique ouvernementale soit sanctionnée lors de ces deux échéances électorales..

Enfin autre source de tension entre les deux partis, le Shin-Komeito est opposé à son allié sur la prorogation de la loi anti-terroriste qui doit être voté cet automne. Or avec une opposition qui domine la Chambre Haute (équivalent du Sénat), les voix du parti bouddhiste sont indispensables au PLD pour faire adopter cette loi impopulaire à la chambre Basse. Mais « après 9 ans d’alliance » s’interroge le journal Asahi, bien que le Shin-Komeito en aie retiré des bénéfices politiques indiscutables « que pense maintenant le parti et que veut-il faire ?». Va-t-il accompagner son allié dans sa chute ?

Ainsi, une conjoncture défavorable, son incapacité à se renouveler, une absence de ligne politique claire et un allié frustré laissent à penser que 2009 pourrait voir le Jiminto être pour la première fois exclue du pouvoir et son rival le Minshuto, le Parti Démocrate, devenir le premier parti à faire jouer l’alternance au Japon. Mais ce serait non seulement oublier les particularismes des élections japonaises mais surtout faire abstraction de l’immense complexité de la vie politique nippone et de ses incroyables rebondissements.

Alexandre Joly. 

07 novembre 2007

Arche de Zoé : une affaire d'état ?

S'agissant d'une affaire en cours, il n'est pas question ici de faire le procès des membres de cette association, de ceux qui ont travaillé à divers degrès avec elle, ou bien de celles qui se sont retrouvées de facto complices de cette sinistre parodie humanitaire. Les instructions en cours au Tchad et en France le feront.

En revanche il nous est impératif de nous demander comment cette situation a pu se produire et si les pouvoirs publiques avaient ou non les moyens de l'empêcher. Car à la lecture de la chronologie des événements des zones d'ombre plannent sur l'attitude de certaines administrations. En cela, la demande de François Hollande que soit créée une « mission d'information parlementaire » est parfaitement justifiée et même une exigence minimale dans cette affaire qui porte atteinte à l'image et surtout aux intérêts de la France ainsi qu'à tous les humanitaires qui travaillent en Afrique.

En effet si l'opération a pu être stoppé sur l'aéroport d'Abeche ce n'est pas le fruit d'une enquête ou d'un suivi coordonné entre autorités françaises et tchadiennes de l'affaire mais plus celui du hasard, ou plutôt le fait qu'un « couvre-feu dans la région » avait été décrété, et que « le déplacement du groupe a attiré l'attention » comme le signal le journal Le Monde.

On peut ainsi se demander, alors que le Ministère des Affaires Etrangères et notament Brigitte Collet la directrice de cabinet de Rama Yade, Secrétaire d'Etat aux Affaires Etrangères et aux droits de l'homme, étaient au courant de la préparation du projet depuis le 31 juillet 2007 suite à sa rencontre avec Eric Breteau, grand organisateur de l'opération, pourquoi rien a été mis en place pour le contrecarrer ?

Rama Yade a beau clamé haut et fort qu' : "On a alerté, prévenu et mis en garde les autres ministères, nos postes à l'étranger, tout  le monde a été prévenu. Nous avons saisi la justice, que pouvions-nous faire de plus ? ". On peut être surpris quand on sait que les différents aller-retour d'Eric Breteau au Tchad n'ont alerté personne au Quai d'Orsay, que le transport de ses équipes effectuées dans des transports militaires français ont été autorisé par l'ambassade ou que l'ambassadeur au Tchad a appris de la bouche d'un ministre tchadien ce qui se passait. Mais acceptons les explications de Rama Yade. Ce n'est pas la faute de ses services. Mais alors qui ?

Le ministère de la Défense qui a transporté des membres de l'association et leur a ouvert les portes de ses magasins au Tchad pour se ravitailler sans enquêter sur leur mission ? Ou le ministère de la Justice, saisi de l'affaire par un courrier du 24 juillet émanant du Quai d'Orsay et qui a diligenté une enquête préliminaire qui n'aboutit à rien. Ou encore est-ce la faute des fonctionnaires du Ministère de l'Intérieur, ceux de la Brigade de protection des mineurs, qui ont interrogé Eric Breteau le 10 août et l'ont mis en garde contre les aspects illégaux de son opération, laissant toute nouvelle initiative au Parquet ?

Il est indispensable qu'une commission parlementaire fasse la lumière sur cette affaire et pas seulement les ministres Hervé Morin et Bernard Kouchner. Il faut que les responsabilités de chacun soient clairement établies, afin qu'on n'en reste pas sur l'image d'un Nicolas Sarkozy super-sauveur de Français emprisonnés à l'étranger, oubliant les incuries des uns et des autres dans un gouvernement où la qualité première semble plus être la photogénie que la compétence ou le sérieux.

Car une chose est sûre. Beaucoup de monde savait et rien a été fait pour empêcher ce qui d'un point de vue médiatico franco-français est une sinistre farce, mais d'un point de vue plus objectif (et pas seulement tchadien !) n'est rien d'autre qu'un abjecte trafic d'enfant sous couvert humanitaire.
 

Alexandre Joly