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06 octobre 2008

Députés des Français de l’étranger : les projets du gouvernement

Mercredi 1er octobre, la commission des lois de l’Assemblée nationale s’est réunie pour auditionner M. Alain Marleix, Secrétaire d’Etat à l’Intérieur et aux collectivités territoriales, sur les projets de lois issus de la modification constitutionnelle de cet été.

 

Rappelons que lors de cette réforme fût adopté le droit pour les Français de l’Etranger d’être représentés par des députés élus à l’Assemblée nationale, sans que ne soient pour autant fixés le nombre de députés dévolus, le mode de scrutin choisi ou le découpage des circonscriptions électorales. Ces choix devant être définis dans une loi organique plus générale légiférant sur le découpage des circonscriptions électorales ou encore le retour de ministres à leur poste de député. C’est ce projet de loi que M. Marleix est venu défendre  en commission mercredi.

 

Première surprise réservée par le Secrétaire d’Etat, le nombre de députés qui représenteront les Français de l’Etranger sera mois important que prévu. Il « devrait se situer non pas autour de la vingtaine comme on l’a parfois dit lors de la discussion de la révision constitutionnelle, ni à 12 comme on l’a souvent entendu, mais plutôt entre 7 et 9».

Ce choix serait motivé par la volonté de respecter la méthode de répartition « de la  tranche » qui prévaut dans l’affectation du nombre de citoyens par circonscription. Les services de M. Marlaix prévoient ainsi un siége par tranche de 125 000 habitants.

 

Le problème est alors de savoir quel est le nombre exact de Français qui résident à l’étranger. Le Secrétaire d’Etat table sur 850 000 personnes, s’appuyant naturellement sur « l’immatriculation volontaire (qui) constitue la seule donné possible d’évaluation ». Or ce chiffre semble sans commune mesure avec les estimations qui chiffrent à plus de 2 millions de Français le nombre de concitoyens établis à l’étranger. Cette différence s’explique par le fait que pour M. Marlaix le chiffre des immatriculations « devra être corrigé à la baisse par le nombre de personnes qui restent inscrites en France pour les élections présidentielles et législatives». Ce qui signifie que le gouvernement veut bien que les Français de l’Etranger soient représentés… mais pas dans une proportion égale à leur poids dans la société.

 

La justification avancée pour ce faire est doublement fallacieuse car si nombres de nos concitoyens résidant à l’étranger sont encore inscrits en France c’est bien parce qu’ils n’ont pas eu le droit, jusqu’à présent, de voter dans leur pays de résidence. Et non pas qu’ils ne souhaitent pas y voter.

Pour Jean-Jacques Urvoas (député PS) « 509 140 personnes relèvent du PR1 qui concerne le vote uniquement à l'étranger, 262 737 relèvent du PR2, c'est-à-dire qu'ils votent à l'étranger pour l'élection du Président de la République et pour les référendums, enfin, le PR3, c'est-à-dire ceux qui votent en France à toutes les élections à l'exception de celles à l'Assemblée des Français de l'étranger, concerne 91 977 personnes ». Le gouvernement, souhaitant maintenir l’article L 12 du code électoral qui offre la possibilité de choix de résidence de vote ainsi présenté, s’il veut prendre en compte ces souhaits de lieu de vote émis par les Français dans le découpage électoral, doit alors leur redemander maintenant leur préférence et non pas s’appuyer sur une décision antérieure à la réforme constitutionnelle, quand le choix actuel n’existait pas.

 

Deuxiémement, si le chiffre avancé par le Secrétaire d’Etat d’électeurs à prendre en compte est fortement contesté ( Jean-Jacques Urvoas fit remarquer que « la liste électorale (n’était pas) évaluée de la même façon par Thierry Mariani et par le ministère de l’Intérieur »  ainsi que par lui-même, puisqu’il estimait à 863 854 personnes le nombre d’inscrits sur les listes électorales à l’étranger) on peut s’étonner que ce soit celui pris en compte alors que pour la métropole c’est la population globale qui est représentée. Le nombre d’électeurs est bien évidemment largement inférieur au nombre réel de Français résidant à l’étranger alors que ce devrait être celui pris en compte dans l’établissement des tranches de population pour calculer le nombre de députés  dévolus à leur représentation.

 

Après le nombre de députés dévolus à la représentation des Français de l’étranger, un second point devait être abordé, celui du mode de scrutin. Les deux principales associations de Français de l’étranger, l’AFE et l’ADFE ont communément fait savoir qu’elles étaient favorables à l’instauration d’un scrutin proportionnel de liste à un tour. Leur choix étant motivé par des raisons logistiques ou idéologiques. Dans une lettre du 7 juillet à Dominique Paillé conseiller de Nicolas Sarkozy, le président de l’ADFE, François Nicoullaud soulignait ainsi « les aléas de la voie postale en de grandes parties du globe rendant impossible l’acheminement en temps voulu du matériel électoral afférant au second tour » dans le cadre d’un scrutin uninominal à deux tours comme en France. Le Secrétaire d’Etat annonça cependant devant la commission que « le gouvernement n’a pas fait le choix de la proportionnelle » estimant à titre personnelle qu’  « il n’est pas possible d’avoir deux sortes de députés puisque ces derniers représentent la population ». Et donc le mode de scrutin sera le même en France et à l’étranger. Le Secrétaire d’Etat promettant de remédier aux problèmes logistiques par des adaptations, comme c’est le cas lors des votes outre-mer, ou par l’introduction de nouvelles technologies de vote comme Internet.

 

Suite à ce choix gouvernemental se pose alors la question des circonscriptions, sachant que la répartition de la population française à l’étranger n’est pas homogène et offre de grandes disparités géographiques. Jean-Jacques Urvoas rappela devant la commission que « nous comptons des concitoyens dans 150 pays ; il y a 50 000 inscrits que dans quelques rares pays tandis que dans 42 pays on ne compte que 150 inscrits et même moins de 100 dans 14 pays ». Le gouvernement entend s’appuyer sur « le collège actuellement utilisé pour les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger, avec 53 circonscriptions » sans dire exactement si les circonscriptions seront rattachées par continent stricto sensu  ou si des regroupements seront effectués pour faire des ajustements de population. Avec 53 circonscriptions pour 7 ou 9 députés, il sera difficile de maintenir une  cohérence tant humaine que géographique. 

 

Ambitieuse et applaudie, la réforme constitutionnelle qui donne aux Français de l’étranger le droit de représentation à l’Assemblée nationale pourrait ne pas être à la hauteur des attentes qu’elle suscite lors de son passage sous forme de loi. La faute à une large sous-estimation de la population représentée et à un découpage erronée de la carte électorale.

Pour ce qui est de l’autre sujet critique, le mode de scrutin, que ce soit dans les circonscriptions étrangères ou métropolitaines, il est clair qu’en l’état actuel des choses, la représentation nationale restera faussée tant que la proportionnelle ne sera pas appliquée.

 

Alexandre Joly.  

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