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30 juillet 2007

Sénatoriales : défaite historique du PLD

 « Cette humiliante défaite est de mon entière responsabilité. ». C'est par ces mots répétés tout au long de la soirée sur les différentes chaînes de télévision, que le premier ministre Shinzo Abe a commenté les résultats des élections partielles qui se sont déroulées ce dimanche dans l'archipel.

Portant sur le renouvellement de 121 des 242 sièges de la Chambre Haute ou Chambre des Conseillers, l'équivalent du Sénat en France, cette élection (au suffrage universel directe, mêlant scrutin nominal à un tour et proportionnelle) marque la première mise en minorité du parti au pouvoir dans cette assemblée depuis 60 ans.

Ainsi le Jiminto (Parti Libéral Démocrate) du premier ministre et son allié le Komeito (Parti bouddhiste) ne gagnent lors de ce scrutin que respectivement 37 (- 19) et 9 sièges quand le principal parti d'opposition le Minshuto (Parti Démocrate du Japon) en remporte 60 (+28). Dans le même temps les autres partis d'opposition comme le Kiosanto (Parti Communiste Japonais), le Shaminto (Parti Socialiste) des candidats indépendants et les partis nationalistes obtiennent 14 sièges ne profitant pas spécialement de la défaite de la coalition au pouvoir.

Celle-ci qui pouvait compter sur 58 sièges non soumis à l'élection a donc dans cette nouvelle assemblée 105 sièges quand l'opposition en totalise 137. Elle ne peut donc plus obtenir la majorité qui est de 122 voix. Ainsi, le Minshuto en s'emparant du Sénat pourra bloquer un grand nombre de mesures gouvernementales et pousser le gouvernement à l'immobilisme.

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Néanmoins cette défaite ne devrait pas entraîner de bouleversements dans l'immédiat au sein du gouvernement. Et Shinzo Abe devrait rester en poste comme il l'a lui même annoncé hier: « La construction de notre nation commence juste... Et je souhaite continuer à remplir mes fonctions de premier ministre ». Le Jiminto et son allié sont en effet largement majoritaires à la Chambre Basse, celle dont le parti dominant choisit le premier ministre. L'opposition n'a donc aucun moyen de faire chuter l'actuel gouvernement.

Une autre raison qui pousse Shinzo Abe à croire en son maintien est que le Jiminto n'a actuellement pas de personnalité d'envergure à présenter au poste de premier ministre et une fronde interne a peu de chance d'aboutir : celui qui fût son principal rival aux élections internes, le ministre des affaires étrangères Taro Aso, par ses déclarations intempestives et une tentative de destabilisation de Abe quelques mois après son élection l'ont décridibilisé et affaiblis.

 A moyen terme, seule l'actuelle et récente ministre de la Défense Yuriko Koike, surnommée la « Condolezza Rice du Japon » pourrait prendre ce rôle, mais c'est encore prématuré. Reste enfin l'hypothèse pour l'instant peu crédible d'un retour de l'ancien premier ministre, le toujours populaire J. Koizumi...

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S'il veut mettre en oeuvre ses promesses, Shinzo Abe devra donc négocier sur chacun des dossiers. Et il n'est pas dit que cela lui soit impossible. En effet, le clivage idéologique entre le Jiminto et le Minshuto est très faible et de nombreuses concordances existent. Si Abe veut faire passer certaines réformes il n'est pas inenvisageable qu'il obtienne des soutiens dans les rangs de l'opposition, si ce ne sont des revirements ou des trahisons. Rappelons que l'actuel président du Minshuto, Ozawa, comme nombre de ses membres est un transfuge du parti au pouvoir.

On a ainsi vu sur des dossiers particuliers des députés des deux partis se serrer les coudes et faire causes communes : révision des manuels scolaires, négation de l'implication de l'armée dans l'asservissement de femmes de réconfort pendant la guerre... Et sur l'épineux dossier de la modification de l'article 9 de la Constitution qui fait du Japon un pays pacifiste, les oppositions du Minshuto à cette réforme n'ont jamais été clairement sur le fond, le renoncement à la guerre, mais sur des aspects plus procéduriers.

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Autrement dit, la gouvernance japonaise, faite de négociations, d'arrangements et de compromis, ne signifie pas que la coalition au pouvoir soit K.O. Cette élection est juste un avertissement.

Ce sera de la capacité d'Ozawa à maintenir l'ordre et la discipline dans ses rangs et à fixer à ses troupes un objectif clair (le pouvoir) que viendra ou non la chute du gouvernement de Shinzo Abe.

Alexandre Joly.

07 mars 2007

Tout comme la France, le Japon a du mal à appréhender son histoire

Au Japon, le problème se pose en des termes différents mais les débats engendrés ont la même porté que ceux qui agitent la France. Ici, il n'est pas vraiment question de repentance nationale ou de "lois mémorielles". La question centrale est celle de la responsabilité du Japon pendant la deuxième guerre mondial du comportement de ses troupes dans les pays qu'il a occupé et par conséquence de ses relations avec ses voisins.

Le 1er mars 2007, Shinzo Abe, premier ministre du Japon, a déclaré que, selon lui, "il n'y a pas de preuves de prostitution forcée" de dizaines de milliers de femmes dans les pays occupés par les troupes japonaises pendant la guerre. Suite à cette déclaration, la Corée du Sud a réagi immédiatement par la voix de son ministre des affaires étrangères, Song Min-soon, qui a notamment déclaré que ce type de propos n'était "pas utiles" et qu'il fallait reconnaître la vérité. Des organisations philippines ont également dénoncé les propos du premier ministre japonais. Une victime de cet "esclavagisme sexuel", Hilaria Bustamante, une Philippine de 81 ans abusée sexuellement pendant un an à l'âge de 16 ans dans une garnison japonaise en 1942. a déclaré : "ce qu'il (Abe) a dit me met en colère. Ils (les dirigeants japonais) pensent que nous sommes juste du papier toilette que l'on peut jeter après utilisation." Suite à ces différentes réactions négatives, Shinzo Abe a chercher à minimiser ses propos en déclarant qu'il s'en tenait toujours à la déclaration de Yohei Kono, porte-parole du gouverment de l'époque, en 1993 qui s'était excusé au nom du Japon pour la prostitution forcée et pour l'implication du gouvernement militaire dans certains cas. Il est à noter que le premier ministre n'a pas repris les mots de cette déclaration mais y a seulement fait référence. Il a également dit qu'il y avait plusieurs définitions du mot "forcé". Depuis la déclaration Kono, Le Japon a mis en place un fond d'indemnisation des victimes de cette prostitution forcée (en 1995) mais ce fond est financé par des dons privés et non par l'Etat. Pour les victimes, cela signifie que le Japon ne reconnaît pas encore vraiment ce crime d'autant plus que la diète japonaise n'a jamais officiellement approuvé cette déclaration. Pourtant, nombre d'historiens ont mis en relief la prostitution forcée et à grande échelle de femmes asiatiques dans les régions occupées par l'armée impériale. Ils estiment qu'environ 200 000 femmes en ont été victimes. Ceci a été corroboré par de nombreux témoignages de victimes, de témoins mais aussi d'anciens soldats japonais (voir cet article du Japan Times pour plus de détails).
Depuis sa nomination au poste de premier ministre, monsieur Abe avait pourtant cherché à resserrer les liens diplomatiques avec les pays voisins et notamment en évitant de provoquer ces derniers par des déclarations ou des actes ambigus à la différence de son prédécesseur, Junichiro Koizumi.

Comment expliquer de telles déclarations ? Il y a plusieurs explications plausibles à celles-ci.
La première est que le fond d'indemnisation des victimes sera démantelé le 31 mars 2007 après 12 ans d'existence. Seulement 360 femmes auront bénéficié de compensations financières (voir l'article en anglais du Japan Times à ce propos).
En outre, des élections se profilent et la cote de monsieur Abe est au plus bas. Il cherche sans doute à s'attirer les voix du camps le plus conservateur de l'opinion publique japonaise.
Mais au delà de cet opportunisme électoral, il faut rappeler que monsieur Abe est le petit-fils d'un ancien Ministre du Commerce et de l'Industrie du gouvernement militaire, Nobusuke Kishi qui fut arrêté comme possible criminel de guerre avant d'être relâché sans jugement par les Américains. Il fut ensuite premier ministre du Japon, respectivement du 25 février 1957 au 12 juin 1958 et du 12 juin 1958 au 19 juillet 1960. On peut donc penser qu'il y a une part d'éducation familiale dans la posture adoptée par Shinzo Abe. Il faut ajouter que monsieur Abe a longtemps été proche d'un groupe de 130 députés du PLD (parti conservateur dominant) dirigé par Nariaki Nakayama et qui s'est arrangé pour ôter toute référence à la prostitution forcée dans la plupart des manuels d'histoires des collèges. En effet, Nariaki Nakayama fut ministre de l'éducation de septembre 2005 à octobre 2006 ! Shinzo Abe, tout comme Nariaki Nakayama, a aussi appelé à l'annulation de la déclaration de Kono (1993) avant d'occuper des postes officiels notamment dans le gouvernement de Junichiro Koizumi.
Mais ce qui me paraît important, c'est qu'au-delà de la personnalité du premier ministre japonais, beaucoup de Japonais partagent cette vision de l'histoire soit par méconnaissance historique soit consciemment. Il n'y a pas eu la même pression morale sur le Japon que celle qu'à connu l'Allemagne. De plus, le fait que ce pays fut le seul à être victime de l'arme atomique a fait que les Japonais se sentent souvent plus victimes que responsables des événements. Il ne faut toutefois pas trop noircir le tableau et voir que la société japonaise a évolué et continue à le faire. Cependant, l'enseignement de l'histoire reste un grand chantier et on peut rappeler que la France a eu (et a encore) beaucoup de mal à accepter ce que furent réellement Vichy ou la guerre d'Algérie. Le fait que le congrès américain puisse voter une résolution voulant obliger le Japon à s'excuser pour avoir instaurer un système de prostitution forcée pendant la guerre ne va peut-être pas aider le travail de mémoire des Japonais. Au lieu d'une ingérence politique, il vaudrait mieux que des historiens étrangers fassent des recherches et publient leurs travaux dans le pays concerné à l'image de ce que Robert Paxton a fait sur Vichy.
 
Hervé Tisserand

22 février 2007

Peine de mort : Choc civilisationnel

Les hasards de l'information font parfois de noirs clins d'oeil. La presse nippone du 21 février a ainsi vu se télescoper deux informations aux valeurs contradictoires.

Alors qu'aux travers d'une dépêche A.P, le Yomiuri Shinbun (conservateur) écrivait de façon très neutre que la France inscrivait dans sa constitution l'abrogation de la peine de mort, l'agence de presse japonaise Kyodo News annonçait quant à elle que le Japon venait de placer une centième personne sur la liste des condamnés à mort en attente de leur sentence. Kazuo Shinozawa. 55 ans, a été convaincu du meurtre de 6 femmes en juin 2000 après qu'il ait mis le feu à la bijouterie où elles travaillaient et dans laquelle il venait de voler pour plus de 115 000 euros.

Amnesty International Japon dénonce régulièrement les conditions de détention et d'exécution des prisonniers. Ceux-ci attendent dans « des couloirs de la mort », des chambres truffées de caméra, sans contact avec l'extérieur et n'apprennent que le jour même qu'ils seront pendus dans des conditions terriblement opaques. Jusqu'à très récemment les exécutions n'étaient pas rendu publiques et les familles n'apprenaient souvent qu'a postériori la mort du condamné.

L'association, qui plus est, note une hausse du nombre de condamnation à la peine capitale depuis 2 000 et s'oppose à l'idée que cela soit le fait d'une augmentation de l'insécurité dans l'archipel, « ce que toutes les statistiques démentent. ».

Les exécutions devant être approuvés par le Ministre de la Justice, celles-ci avaient été suspendu durant plusieurs mois sous l'ancien cabinet Koizumi. Son ministre de la Justice, de novembre 2005 à septembre 2006, Seiken Sugiura, affirmait alors que la peine de mort était contraire à ses convictions bouddhistes. En dépit des nombreuses pressions il refusa toujours de contre-signer les demandes d'exécution qui lui parvenaient.

Mais avec l'avènement du nouveau premier ministre Shinzo Abe, une ligne politique plus dure s'est mise en place, avec notamment la lutte contre la délinquance en point d'orgue. Ainsi les exécutions ont repris le ... 24 décembre 2006, avec la pendaison de 4 condamnés à travers le pays.

En attendant d'allonger la liste d'un 101ème nom : Hiroshi Maeue accusé d'avoir tué 3 personnes en les filmant, dont un mineur, après avoir signé des pactes de suicide collectif avec eux.

Alexandre Joly.