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20 octobre 2008

France : Tiers Monde numérique

Ce lundi 20 octobre, le secrétaire d’Etat chargé du Développement de l’économie numérique, Eric Besson a présenté à la presse son « plan numérique 2012 ». Il s’agit, au travers de 154 mesures de développer cet outil devenu indispensable tant à l’économie qu’à la vie actuelle qu’est Internet. Ceux qui s’attendaient à un plan ambitieux en seront pour leurs frais malgré ce que titre le magazine Le Point. Non seulement ce plan ne projette pas la France dans les sphères futures de la technologie mais il ambitionne à peine de se mettre au niveau déjà atteint par certains pays, se focalisant même sur des technologies déjà dépassées.

Ainsi, le gouvernement estime qu’en 2012 « chaque Français, où qu’il habite, bénéficiera (…) d’un droit à l’accès à Internet haut débit opposable ». C’est une jolie formule, sauf que le haut débit (512 kbits/s) promis est aujourd’hui dépassé et qu’il le sera a fortiori encore plus en 2012. L’avenir, et même le présent, est au très haut débit (FTTH) et à la fibre optique 200 fois plus rapide. Ainsi au Japon, en août le nombre d’abonnés au FTTH a franchi la barre des 13 millions d’abonnés dépassant celui de ceux au haut débit selon une étude de l’Idate.

Le secrétaire d’Etat reconnaît lui-même que l’avenir est dans le FTTH et plus dans le simple haut débit. Ainsi il confie que « les nouveaux usages d’Internet sont particulièrement consommateurs en débit (...) et nécessitent des débits sans cesse croissants et la mise en œuvre de nouveaux réseaux, le très haut débit». Alors pourquoi diantre investir dans une technologie qu’il admet ne plus avoir d’avenir ? Quel en est l’intérêt ?

On pourrait néanmoins se réjouir de voire le FTTH pris en compte et s’attendre en parallèle à un plan ambitieux en la matière. Que nenni, « l’objectif fixé est d’atteindre, grâce à la fibre optique, les 4 millions d’abonnés ». Là encore, à titre de comparaisons les Japonais sont déjà 11 millions au FTTH et les 69% de ménages raccordés au réseau haut débit y passent progressivement. Mais l’objectif des opérateurs nippons est de proposer prochainement à leurs clients des réseaux très haut débit de générations suivantes dit NGN (Next Generation Network) comme a déjà commencé à le faire NTT au printemps.

L’état français compte ainsi investir 10 milliards d’Euro en 10 ans pour parvenir à un résultat qui offrira aux Français un service inférieur de deux générations à celui proposer au Japon en se focalisant sur des technologies qui seront dépassées. Dans le même temps au Japon, les investissements sont le fruit d’opérateurs privés (KDDI et NTT) et ne coûtent rien au contribuable. Pire, les tarifs sont inférieurs à ceux pratiqués en France : un raccordement FTTH en immeuble coûte aux alentours de 25 euros, quand Eric Besson fait miroiter du simple haut débit à 35 euros. Tout un monde de différences.

Un tel retard français pourrait paraître sans conséquence si Internet n’avaient acquis une si grande importance dans l’économie d’aujourd’hui, la performance des entreprises et même la vie de tous les jours. Ce retard fait même peur pour l’avenir de notre pays quand on pense que pour Eric Besson « ce plan peut et doit être un accélérateur de croissance (…) l’une des réponses à la crise ». C’est un peu comme si F.D.Roosevelt avait proposé de sortir de la crise de 1929 en construisant des moulins à vent.

On a l’habitude d’entendre dire que la France a dans le domaine militaire une guerre de retard. En matière de technologie numérique une chose est sûre ce sera bientôt deux !

Alexandre Joly.

15 septembre 2008

Sarkozy et la laïcité : le malentendu

Ignorant de l’histoire politique et religieuse de la France ? Enfonceur de portes ouvertes ? Ou machiavélique stratège réactionnaire? Difficile de qualifier l’obstination présidentielle à continuer de parler de « laïcité positive » comme il l’a fait lors de son discours d’accueil du Pape, et d’en saisir les fondements et les objectifs politiques. A défaut d’explications claires et de volonté de l’intéressé d’en débattre (c'est-à-dire avoir des contradicteurs), essayons néanmoins de comprendre.

Depuis plusieurs années déjà Nicolas Sarkozy s’efforce de convaincre le pays, avec d’autres à l’UMP comme Eric Raoult, que la laïcité, telle qu’inscrite dans les lois et appliquée en France, ne serait pas ou plus adaptée à la réalité de notre temps. Lui reprochant une forme d’incapacité à assimiler les nouvelles religions émergeantes sur le sol de la République (principalement l’Islam) il vitupère contre le musellement et l’oppression dont serait victime la principale religion du pays (le Catholicisme). En 2004 dans son livre La République, les religions, l'espérance il jugeait la laïcité « épuisée» flirtant avec « le fanatisme ».
C’est de ce constat qu’il tirait et continue à tirer argument pour « appelle[r] une nouvelle fois à une laïcité positive » (discours du 12 Septembre 2008).

Le terme de « laïcité positive » est devenu le leitmotiv présidentiel et le symbole de la polémique qu’entraînent les prises de position du Président. En juxtaposant un qualificatif comme « positif » il entend modifier le sens et la valeur première du mot qu’il qualifie. A moins de vouloir sciemment produire un pléonasme, ajouter « positif » au mot « laïcité » implique soit que cela ne va pas de soit, soit que c’est même l’inverse, la laïcité n’est ni un bien ni une avancée sociale. On trouve l’exemple de cette réhabilitation d’une politique négative par son positivisme sémantique aux Etats-Unis dans la politique de « discrimination positive » qui vise à favoriser ceux (les Afro-américains) qui furent victimes des politiques ségrégationnistes, instrument de discrimination (et ce n’est pas un hasard si Nicolas Sarkozy a aussi repris cette idée à son compte).

Comme la discrimination a pu trouver sa rédemption dans son positivisme, Nicolas Sarkozy sous-entend que la laïcité peut et doit en faire de même. Comment ? Réponse toujours hier devant Benoît XVI : en inventant une « laïcité positive, (…) laïcité ouverte, (…) une invitation au dialogue, une invitation à la tolérance et une invitation au respect ».
Propos magnifiquement consensuels, humanistes et démocrates qui sonnent aussi doux qu’une certaine loi du 9 décembre 1905, signée par le Président de l’époque Emile Loubet et pierre angulaire de… la laïcité à la française. Car qu’est-ce que l’article 1 de la loi quand est décrété que « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes », sinon un appel à la tolérance vis-à-vis des croyants et des incroyants ? Que sont les articles 31 et 32 qui sanctionnent les « mangeurs de curés » et autres perturbateurs de messes, sinon des appels au respect des croyances et des croyants ?

A entendre ainsi les propos présidentiels, on s’interroge sur sa connaissance des textes législatifs et l’histoire de leur vote, ainsi que sur l’originale interprétation qu’il en tire ou sa vision démoniaque et archaïque de la laïcité. Alors petit rappel : Non la laïcité, comme appliquée dans la République n’est pas synonyme d’athéisme d’état, non la laïcité comme loi votée en 1905 ne vise et n’a jamais visé à l’annihilation de toute religiosité en France, la laïcité étant au contraire la recherche d’harmonie entre l’état, la religion majoritaire, celles minoritaires, les athées et incroyants. Laisser entendre comme le Président que la loi de 1905 cherche à museler toute religiosité c’est ignoré le soucis de la majorité des parlementaires de l‘époque de parvenir à une loi d’apaisement et de respect. Qu’on se souvienne des propos du rapporteur de la loi, Aristide Brillant, mettant en garde les anticléricaux à la Chambre contre « toute loi qui soit braquée sur l’Ėglise comme un revolver ». Ce soucis de la modération avait été ainsi commenté par l’écrivain Charles Péguy : la loi « en un mot, elle n’avait point été combiste*, mais beaucoup plus républicaine. »

« On tremble devant tant d'inculture historique ! » écrivait Bernard Poignant dans une tribune publiée par Le Monde du 09 Septembre 2008 suite à des propos du président sur la Russie. Il semblerait que son ignorance s’étende aux champs du droit et de l’histoire politico-religieuse de la France. Inquétant.

Mais l’ignorance n’empêche pas l’action politique ou la volonté de donner l’illusion de l’action politique. En créant une polémique sur un sujet sensible, le président donne l’impression de vouloir faire changer les choses, renforçant aux yeux des plus crédules sa stature « réformatrice ». Même si, comme on l’a vu dans les exemples précédents sur la définition de la laïcité, il ne fait que reprendre ce qui est déjà en vigueur depuis plus d’un siècle. Le Président enfonce des portes ouvertes pour mieux se targuer de les avoir déverrouillées, comme avec cette perle oferrte au Pape: « La quête de spiritualité n'est pas un danger pour la démocratie, et n'est pas un danger pour la laïcité. ». Evidemment puisque l’essence même de la laïcité est de défendre le droit à la quête de spiritualité, quelle qu’elle soit ! On imagine mal un principe être mis à mal par la propre définition de sa raison d’être.

Malheureusement, consciemment ou inconsciemment, en redéfinissant la laïcité comme une caricaturale domination de l’athéisme, ce qu’elle n’est absolument pas et se défend d’être, Nicolas Sarkozy attaque un des piliers de notre République, une des valeurs qui fondent, forgent et unifient notre nation. Au risque de réveiller des vieux démons comme le montrent les réactions du porte parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre, qui a traité les gens qui s’offusquaient des propos présidentiels « de vieux laïcards » ou de François Hollande qui n’hésita pas à qualifier les dits propos de « vieille rengaine de la droite la plus cléricale ». La même qui était anti-parlementariste et anti-républicaine…

Alors Nicolas Sarkozy machiavélique stratège d’une droite réactionnaire, anti-républicaine sur le retour ? Cela peut paraître excessif. Néanmoins, on peut s’en inquiéter tant est récurrent le propos et la stratégie pour y parvenir semble claire : en pointant des menaces (plus fantasmées que réelles) qui pèseraient sur la laïcité, en sapant sa portée, il entend préparer l’opinion publique à une modification de ses règles d’application aux travers de réformes jugés, unilatéralement, indispensables. Celles-ci présentées sous un emballage de « modernité et d’ouverture » marqueront bien évidemment un recul de la laïcité (on pense notamment à un développement du soutien financier aux écoles religieuses, de l‘utilisation des institutions religieuses comme suppléant social ou médiateur de l’état dans certains quartiers…).
Les exemples de réussite de ce type de stratégie mystificatrice ne sont malheureusement plus à démontrer. Rappelons ainsi la réduction substantielle et régulièrement dénoncée par nombres d’associations, des libertés individuelles depuis 7 ans aux Etats-Unis après l’entrée en vigueur du « Patriot Act » : ensemble de lois pourtant votées au nom de la défense des libertés mais qui s’avouèrent ouvertement liberticides.

Nicolas Sarkozy ignorant et inculte ? Grand communiquant dans le vent ? Ou grand ordonnateur d’une réaction anti-laïque ? Quelque soit la réponse, une grande vigilance s’impose. Car si aujourd’hui il y a un problème de laïcité en France, il provient plus de la multiplication des prises de position présidentielles dans le domaine du religieux et des croyances (et dans beaucoup d’autres d’ailleurs) ou dans son obstination à vouloir exprimer, et dicter une (sa ?) pensée aux Français que de l’implication des religions dans la gestion de l’état. Il est grand temps que notre César rende à Dieu ce qui est à Dieu, et retourne à la mission pour laquelle il a été élu.

Alexandre Joly.

* du nom d’Ēmile Combes, président du Conseil de 1902 à 1905, anticlérical convaincu bien que spiritualiste, qualifié à l'époque de « mangeur de curés » .

07 septembre 2008

Kazuya Ito, l’Afghanistan et l’engagement français

Kazuya Ito avait 31 ans et était japonais. Son corps a été retrouvé mercredi 27 août dans l’est de l’Afghanistan. Mort, criblé de balles. Son crime ? Avoir été agronome et travailler depuis 2003 pour une association japonaise, Peshawar Kai. Sa mission était d’aider les paysans afghans à faire pousser patates douces et riz en lieu et place du pavot, en organisant l’irrigation de terres arides. Et c’est en se rendant sur le site d'un projet d'irrigation, dans la province de Nangarhar qu’il a été enlevé le mardi 26, 24 heures avant son assassinat.

Ainsi,au moment où la France pleure 10 de ses soldats morts dans une embuscade et s’interroge sur sa présence dans un conflit à des milliers de kilomètres de la métropole, le Japon en fait de même autour de son travailleur humanitaire. Et ce alors qu’à Tokyo des négociations doivent s’engager entre le futur gouvernement * et l’opposition sur le renouvellement de la loi annuelle de déploiement de la force de soutien aux troupes terrestres en Afghanistan qui opère dans l’Océan Indien, et qu’à Paris l’Assemblée nationale en fera de même le 22 septembre.

Dans cette optique, le meurtre de Kazuya Ito a naturellement servi d’arguments au gouvernement nippon. Ainsi, Nobutaka Machimura, le Secrétaire du Chef de Cabinet et numéro 2 du gouvernement, lors de la conférence de presse annonçant la mort de l’humanitaire, estimait « que maintenant plus que jamais, le public japonais a senti l’importance de l’obligation d’être activement engagé dans la lutte contre le terrorisme à cause du sacrifice de précieuses vies ». Défendant la position japonaise depuis 2003.

Si l’instrumentalisation de la mort d’un travailleur humanitaire, comme de celles de 10 soldats, dans un débat portant sur un engagement militaire peut paraître malsaine, elle en est pour autant inévitable. D’autant plus inévitable qu’elle est ici symbolique de la nature du combat mené.

Kazuya Ito n’était le bras armé d’aucune puissance occupante, il était un humanitaire qui avait découvert la souffrance du peuple afghan et qui s’était depuis voué à l’aider. L’association pour laquelle il oeuvrait n’était l’instrument d’aucune politique gouvernementale, ni japonaise, ni américaine. Au contraire, ses fondateurs sont des proches du docteur Tetsu Nakamura qui depuis 1984 soigne les réfugiés aux confins du Pakistan et de l’Afghanistan et qui est connu pour s’être opposé à l’intervention américaine en 2001.

Comme l’écrivait le Yomiuri Shinbun dans son éditorial du 29 août, Kazuya Ito n’était porteur d’aucune idéologie de conquête, « travaillant dur, s’intégrant à la communauté locale, ayant construit de fortes relations de confiance avec la population ». Mais comme pour les 25 autres travailleurs humanitaires tués depuis le début de l’année, ces valeurs représentaient une menace pour les Talibans. Le développement de l’Afghanistan n’ayant jamais fait parti de leur projet politique.

Alors que faire ?

Au Japon dans le parti au pouvoir, comme aux Etats-Unis chez les Républicains ou en France dans la bouche de nombreux députés de l’UMP, le maître mot est depuis 2001 : « Guerre contre le Terrorisme ». Idéologie qui est le degré zéro de la géopolitique, confondant la méthode et l’objectif, pratiquant l’amalgame et l’approximation. Idéologie d’autant plus dangereuse qu’elle se rend incapable d’identifier clairement l’ennemi qu’elle disperse les moyens et rend toute stratégie efficace impossible. Il est donc inquiétant de voir cette expression resurgir sous la plume du ministre de la Défense.

Qui plus est une telle définition ne peut justifier le déploiement dans un pays d’une coalition de 40 pays, 75 000 hommes, d’une aviation et de plusieurs groupes aéronavals. Tout le monde sait que le contre terrorisme est affaire de renseignement et de subtilité. Mais doit-on, peut-on, pour autant rester passif et laisser l'Afghanistan à son propre sort ?

Les arguments des partisans d'un retrait de toutes les forces "alliées" sont connus : guerre pour les intérêts de l'Oncle Sam (oubliant en cela la légalité et le soutien des Nations Unis à ce conflit), guerre d'occupation contre les Afghans (omettant leur expression démocratique et le fait que de nombreux Talibans soient étrangers), bourbier et donc guerre impossible à gagner....

Non, car cette guerre est en fait, sommes toutes assez classique. Elle se fait contre une entité politico-militaire claire (les Talibans, soutenus sporadiquement par quelques nationalistes et chef de guerre pashtounes), leur idéologie (une conception nihiliste du Jihad) dans un cadre géographique restreint. Or les Talibans et leur idéologie portés au pouvoir ont montré de 1996 à 2001 leur dangerosité pour la stabilité de la région et au-delà pour l’Afrique, l’Asie centrale, jusqu’à New-York. Un retour des Talibans, c’est l’assurance d’un embrasement des pays voisins (dont la Chine avec le Xinjiang et le Pakistan nouvellement démocratique, deux puissances nucléaires), mais aussi d’une relance des réseaux jihadistes en Europe ou leur renforcement en Afrique. Alors, si nous n’appuyons pas les propos présidentiels quand il dit à Kaboul le 20 août « que ici se joue une partie de la liberté du monde » on admettra que le monde vivra beaucoup plus en sécurité avec un Afghanistan sans Taliban.

Argument qu’il est aujourd’hui difficile de contredire pour les partisans européens comme japonais d’un retrait des troupes. Opposé à la mission japonaise dans l’Océan Indien, le Asahi Shinbun s’est retrouvé embarrassé dans son éditorial du 29 août, se contentant de réclamer « un retrait temporaire de tous les personnels des régions instables » ajoutant que le Japon devait « comme nation, surmonter son chagrin et continuer à être actif. » sans appeler, ni à la reconduite, ni à l’annulation de la mission japonaise, une première. Car la position devient intenable pour les partisans, au Japon comme en France, d’un retrait au soutien militaire.

Contester la présence militaire étrangère, c’est vouloir laisser les Talibans reprendre le pouvoir à Kaboul, avec le cortège d’horreurs qu’on a déjà connu comme l’ont rappelé B. Kouchner et H. Morin dans leur tribune paru dans Le Monde du 29 août. De 1996 à 2001, «la dignité de la femme y était bafouée, les droits de l'homme inexistants, l'obscurantisme et la terreur omniprésents. Sous ce régime, les femmes n'étaient ni scolarisées ni soignées, les opposants étaient pendus dans les stades, la culture et la civilisation du pays reniées. ».

Cette guerre, elle est donc menée à la fois pour éviter un accroissement de l’instabilité mondial, mais aussi et surtout au nom d’une certaine idée du genre humain.

C’est pour cela que si avec François Bayrou nous pensons que la stratégie engagée, axée sur un effort tant militaire qu’économique, social et politique est bonne, si nous soutenons l’engagement français et pensons qu’il doit être consolidé et renforcé, nous estimons qu’il nous faut aussi, en tant que démocrates, exiger l’exemplarité dans la façon de mener cette guerre. L’exemplarité c’est pour le gouvernement et l’Etat Major s’imposer une plus grande transparence dans la gestion stratégique et tactique du conflit, accepter la critique, rendre des comptes. C’est aussi pour la diplomatie française négocier, avec l’aide des autres Européens, notre plus forte présence sur le terrain en exigeant des Américains que cessent les bombardements hasardeux de villages, la mort de civils, les emprisonnements arbitraires, l’impunité face aux détournements des aides qui in fine affaiblissent la légitimité de l’intervention et sont totalement contre productif puisque façonnent les adversaires de demain.

Alexandre Joly.

* Le cabinet Fukuda a démissionné le premier septembre mais il gère les affaires courantes en l'attente de l'élection d'un nouveau président à la tête du parti majoritaire prévu à la fin du mois. L'élu deviendra alors le nouveau chef du gouvernement.

28 août 2008

Le Canard tire sur les Français de l’étranger

Depuis 1793, régulièrement, la chasse à l’émigré, initialement renégat de la cause républicaine, fait des apparitions sporadiques mais néanmoins notoires dans le landernau politico intellectuelle français. Si durant la Révolution cette chasse pouvait se couvrir d’une feuille de vigne « démocratique », aujourd’hui on en cherche encore la légitimité.

 

Durant la dernière campagne présidentielle on se souvient des sorties de Dominique Strauss-Kahn qui, dans son rapport remis à Ségolène Royale en février 2007, préconisait dans l’article 3.1 alinéa b la mise en place d’un impôt sur le revenu pour les Français établis à l’étranger et joliment défini comme une « contribution citoyenne » dans l’objectif de « retrouver une citoyenneté fiscale ». Peu importait que cette contribution eût fait doublon avec les impôts que les dits émigrés payaient dans leurs pays de résidence, l’objectif étant d’offrir au bon peuple de métropole un nouveau bouc émissaire, cause de tous les maux de la patrie, et de cibler une nouvelle source de revenu à de futures dépenses. La dite proposition avait été accompagnée d’un acerbe commentaire sur « ces Français qui n’ont plus de Français que le nom ».

 

La droite n’était par ailleurs pas en reste si on se souvient des propos tenus par plusieurs députés UMP. MD Japon s'était déjà à l’époque insurgé contre ces propos dans des notes des 21 et 24 février 2007.

 

Néanmoins, aujourd’hui, l’attaque ne vient pas du monde politique, mais de celui des médias. Et si nous ne sommes pas la cible désignée de la charge (celle-ci étant Nicolas Sarkozy), nous en sommes une forme de dommage collatéral tellement la description qui est faite des Français de l’étranger est négativement et méchamment caricaturale. Dommage que nous ne soyons ni race, ni religion, nous aurions alors pu faire appel à la HALD, à un tribunal ou à B.H.L pour nous défendre de ce nouveau coup bas !

 

Explication : Dans son édition du 13 août 2008, l’excellent hebdomadaire Le Canard Enchaîné (le « excellent » n’a rien d’ironique) a publié sous la plume d’Isabelle Barré un article intitulé « Le ruineux cadeaux de Sarkozy aux expatriés » . La journaliste revient sur le coût du projet de gratuité dans les écoles françaises à l’étranger pour tous les enfants français vivant hors du territoire national qui était une des promesses électorales du Président. Si le fond du sujet, qui intéresse tous les Français de l’étranger ayant des enfants , ceux désireux d’en avoir mais aussi effectivement le contribuable lambda, mérite d’être débattu (ce que nous ne ferons pas ici), les présentations et  descriptions caricaturales et négatives qui sont faites des « expats » dans cet article jette par avance le discrédit sur leurs éventuels arguments ou revendications.

 

Tout d’abord qualifiés de « plus aisés » des Français (critère qui accolé au mot « cadeau » a pour objectif de susciter un sentiment d’injustice et d’inégalité chez le lecteur), les Français de l’étranger sont ensuite insidieusement assimilés à Madonna, son fric et ses caprices. Ultime procédé qu’il est pour le moins étonnant de trouver dans Le Canard  car il tient du même processus de dévalorisation de l’individu que celui utilisé par les Républicains américains quand ils assimilèrent Barrack Obama à Paris Hilton !

 

Mais surtout, l’article contribue à alimenter le fantasmagorique et persistant axiome, émigré = argent, avec un sous-titre évocateur « My expact is rich ». Avec en filigrane la non moins redondante idée que si ces Français s’exilent c’est justement pour cacher cet argent et se soustraire à leurs obligations citoyennes. Et Isabelle Barré de donner trois exemples de déclarations de revenu de familles françaises à l’étranger, et seulement ces trois là : « À Londres, l’une des familles concernées par ce généreux cadeau déclare plus de 2 millions d’euros de revenus annuels. Et deux autres gagnent plus de 1 million. ». Ben voilà qui est fabuleusement représentatif du niveau de revenu des expatriés !

 

Riches plus que de raison, fuyant leurs obligations fiscales, forcément sarkozystes depuis que la réforme constitutionnelle leur a accordé le droit de vote aux Législatives, comme l’avait insinué un article de Marianne, voilà les Français de l’étranger affublés d’une image pour le moins suspecte sinon négative pour 80% de la population française.

 

Car cette rengaine, mille fois répétée est malheureusement aujourd’hui devenue réalité pour nombre de nos concitoyens. Et ceux-ci, électeurs consommateurs, sont trop facilement confortés dans leur croyance aveugle par de tels articles ou par des déclarations de politiques comme celles que j’ai cité plus haut. Après cela, toute politique à l’égard des expatriés, quelque soient leurs statuts ou revenus, devient par nature suspecte de clientélisme et allant à l’encontre de l’intérêt national.       

 

Alors, si on peut légitimement débattre de la pertinence de la décision présidentielle, si on peut mettre en avant ou au contraire douter de l’argument selon lequel le droit à la gratuité scolaire dépend du devoir d’imposition ou du montant de celui-ci, si on peut discuter de l’universalité du droit à la scolarité pour les Français, de la raison des prix pratiqués par les lycées ou encore de leur financement, ce débat sera tronqué et donc inutile s’il part sur le postulat que les Français de l’étranger forment un groupe monolithique de parasites nantis, partisans effrénés de Nicolas Sarkozy.

 

C’est non seulement une insulte pour les 45% de Français de l’étranger qui n’ont pas voté pour N. Sarkozy en 2007, c’en est aussi une pour tous les étudiants, stagiaires, bénévoles, employés en contrats locaux, entrepreneurs et pour tous ceux, nombreux, aux revenus plus ou moins modestes qui vivent à l’étranger et pour qui débourser 5500 ou 17000 euros par an par enfant est impensable. C’est enfin une vision déformée de la réalité à partir de laquelle aucune décision juste, égalitaire et efficace ne peut être prise.

 

Alexandre Joly.

27 juillet 2008

Obama en Europe : le sacre de Merkel

Rarement, l’emploi du temps d’un candidat à la Présidentielle américaine en visite en Europe n’a suscité autant de commentaires que celui entrepris par Barack Obama ces deux derniers jours.

Et dire qu’à Paris et Londres ceux-ci furent amers est un doux euphémisme. Car en diplomatie, les symboles, aussi infimes qu’ils puissent paraître, sont souvent lourds de sous-entendus.

Ainsi, en passant une journée complète en Allemagne, en y tenant un meeting devant 200 000 Berlinois, en rencontrant plusieurs membres du gouvernement, le candidat démocrate a conféré à l’Allemagne et à sa Chancelière un poids politique que par voie de conséquence il a dénié aux autres.

Or cette importance accordée à l’Allemagne d’A. Merkel au détriment de l’Angleterre de G. Brown et de la France de N. Sarkozy, n’est autre que la reconnaissancee de sa prédominance sur l’Europe.

Si l’économie allemande surclasse depuis quelques décennies ses concurrentes européennes, son poids politique sur la scène internationale demeurait en retrait. Exclue de la permanence du Conseil de Sécurité des Nations Unies au sortir de la Seconde Guerre mondiale, dénuée de zone d’influence privilégiée, puissance militaire émasculée par son impossibilité (aujourd’hui levée) de déployer des troupes sur des théâtres extérieurs et surtout sa non nucléarisation, elle devait laisser à la France et à l’Angleterre les rôles principaux de puissance diplomatique.

Or malgré la pérennisation de ces handicaps, malgré le fait que la France préside depuis le premier juillet l’Union Européenne, malgré un pro américanisme affirmé et la volonté affichée par N. Sarkozy de vouloir rejoindre le commandement unifié de l’OTAN, et bien que le président dise être son «copain » (un de plus ! mais quand arrêtera-t-il donc ces déclarations infantiles !), c’est à l’Allemagne que Barack Obama a accordé toute son attention, et non à Londres ou Paris.

On pourra toujours arguer que ce genre de remarques ne sont que des crises de franchouillardises mal placées, qu’il n’y a pas réellement de symbole derrière tout cela, ou au contraire que c’est un plan com’ pour rappeler à l’Amérique les grandes heures de Kennedy ou Reagan, quand ce n’est pas lié à l’image de la France aux Etats-Unis….

Il n’empêche. La victoire médiatique d’Angela Merkel ne vient que confirmer sa prédominance actuelle sur l’Europe et l’effacement de la France et de l’Angleterre. Car ce qu’aujourd’hui la chancelière veut, ou ne veut pas, elle l’obtient .

Les déboires connus par l’Union Pour la Méditerranée en furent un exemple frappant : Nicolas Sarkozy et Henri Guaino, le principal instigateur du projet, souhaitaient la création d’une structure indépendante de celle de l’Europe, dans laquelle, les seuls pays méditerranéens auraient un droit égal au chapitre au travers de relations diplomatiques renouvelées : belle idée qui avait le triple avantage de revigorer les échanges inter méditerranéens, présenter une alternative à un éventuel choc Nord-Sud, et renforcer le rôle de la France dans l’espace méditerranéen.

Mais une telle structure qui excluait les pays européens non méditerranéennes était jugée par l’Allemagne comme une menace pour sa propre diplomatie. Le gouvernement d’ Angela Merkel déploya donc une politique étrangère concurrente et double, l’une à destination de la France et une autre vis-à-vis des pays méditerranéens à fin de vider le projet français de son contenu. Et cela avec la réussite qu’on connaît : intégration de l’U.P.M dans le processus mortifère euro-méditerranéen de Barcelone, incorporation de tous les pays européens, maintien d’un type d’échange / assistance « à l’ancienne » Nord Sud qui provoqua la colère de Khadafi… bref une victoire diplomatique allemande sur toute la ligne.

La puissance d’Angela Merkel a des répercussions pragmatiques. Celle-ci peut en effet se permettre de traiter d’égal à égal avec les dirigeants les plus puissants du globe et leur dire leur quatre vérités . Ainsi Madame Merkel n’a pas eu à s’humilier en saluant l’élection truquée de Vladimir Poutine et elle a pu annoncer qu’elle n’irait pas aux cérémonies d’ouverture des JO sans que cela n’entraîne de manifestations anti-allemandes dans les rues de Pékin. L’Allemagne sait aujourd’hui imposer le respect, la France non.

S’il serait stupide de faire remonter le déclin diplomatique de la France à mai 2007 et malhonnête d’expliquer la renaissance de l’Allemagne par le seul effet de la politique de Nicolas Sarkozy, il est incontestable que ses alignements non négociés (Etats-Unis), ses revirements (Syrie), précipitations (Constitution européenne), ultimatums bidons (Chine, Iran) autocritiques quant aux grandes déclarations regardant le respect des droits de l’homme (Tunisie, Libye) n’ont pu qu’aggraver et amplifier l’affaiblissement de la puissance diplomatique française.

Comme l’ont bien analysé les conseillers diplomatiques de Barack Obama.

Alexandre Joly.

25 mai 2008

Liban : leçon de diplomatie à Doha

Ce dimanche, le coeur de Beyrouth va retrouver son calme politique , sa ferveur commerciale et le Liban élire un nouveau président. Après plus de 18 mois d'un bras de fer politique dont les violences meurtrières de la semaine dernière furent l'aboutissement, l'opposition et la coalition au pouvoir, sous la houlette de parrains régionaux, sont parvenus à un accord qui permet de sortir le pays de l'impasse politique dans laquelle il était plongé.

Il n'est pas question ici de faire une analyse des conséquences libano-libanaises de cet heureux dénouement , mais de s'interroger quant au fond et la forme de l'engagement ainsi que sur les résultats obtenus par chacune des puissances agissant au pays du Cédre. Et tout particulièrement les Etats-Unis et la France.

Car si, à Paris, le Président Sarkozy s'est dit "particulièrement heureux de l'accord intervenu (...) à Doha entre les représentants des principales forces politiques libanaises, conclu sous l'égide du Qatar et de la ligue arabe" faisant écho aux propos de Condolezza Rice, le résultat est en fait un terrible échec de la politique américano-française et un désaveu criant de leur méthode.

Echec, voir défaite, car le grand vainqueur de la crise est incontestablement l'opposition et plus spécialement le Hezbollah. Non seulement le parti est parvenu à faire annuler les 2 dispositions du gouvernement qui sont à l'origine des violences (limogeage du chef de la Sécurité de l'aéroport de Beyrouth, gel du développement des réseaux de téléphonie interne au parti) mais il est aussi parvenu à imposer ses vues quand au règlement de la crise que vit le pays depuis Novembre 2006 : le cabinet Siniora va tomber, l'opposition va intégrer le nouveau gouvernement avec une minorité de blocage et un candidat de consensus va être élu président.

C'est donc un revers patent pour les Etats-Unis et la France qui n'ont eu de cesse de clamer leur soutien inconditionnel à la majorité au pouvoir et de dénoncer le Hezbollah et l'opposition comme forces anticonstitutionnelles et au service de puissances étrangères qu'il faudrait affaiblir et écarter de la vie politique libanaise.

Mais cet échec vient aussi sanctionner un réalité : l'affaiblissement de la France au Liban.

La France, qui a toujours eu un rôle majeur au Liban, ou tout au moins était un interlocuteur particulier pour les différentes parties, a perdu son statut depuis plus de deux ans quand elle a choisi de s'aligner sur les positions américaines et saoudiennes concernant le Proche-Orient. A l'initiative de Jacques Chirac, la France s'était débarrassée de ses habits de conciliateur et de modérateur pour celui de partie prenante et partiale. Suivant l'administration Bush, elle a soutenu vaille que vaille le cabinet Siniora et la majorité rassemblée autour du Courant du Futur de la famille Hariri. Nicolas Sarkozy, une fois parvenu au pouvoir a poursuivi cette politique qui avait l'avantage d'être en parfaite harmonie avec sa position atlantiste et sa volonté de se rapprocher encore un peu plus des Etats-Unis..

Cet alignement sur les vues américaines s'est aussi doublée de la mise en application des méthodes U.S, à savoir le refus de tout contact avec des membres de l'un des 2 camps. Contrairement à la diplomatie qatari qui a fait la navette entre toutes les parties. C'est par cette volonté d'ignorer ses « ennemis » qu'il faut expliquer l'échec des missions de Bernard Kouchner, qui pendant plus de 6 mois a tenté vainement de réconcilier les différentes factions libanaises et qui s'est vu, selon le journal libanais L'Orient-Le Jour du 24 mai, être pendant cette période « roulé dans la farine par les Libanais, ou du moins par une partie d'entre eux ».

Car l'exercice était bien évidemment voué à l'échec. En effet, comment prétendre vouloir trouver un accord juste et équitable, et comment passer pour un interlocuteur honnête quand on se range si clairement dans un camp ? Enfin, comment pouvait-on espérer parvenir à un accord en s'abstenant de rencontrer le Hezbollah, ou en ignorant la Syrie et l'Iran ?

Les relations avec ces deux pays, et notamment la Syrie, parlons-en justement. Grand écart, pour ne pas dire incapacité à choisir une ligne claire entre l'alignement sur la position frontale américaine et la nécessaire prise en compte de la réalité du terrain, plus conforme à la tradition diplomatique française, les décisions du «président Nicolas Sarkozy de renouer les contacts « de haut niveau » avec la Syrie, avant de les suspendre de nouveau à la fin de l’année, prise sans coordination avec le ministre des Affaires étrangères, a provoqué « un dysfonctionnement de la diplomatie française », selon Antoine Basbous que cite le journal libanais.

Dysfonctionnement basé sur une ineptie, pour ne pas dire une « abracadabrantesque » conception de la diplomatie : le refus d'avoir des contacts avec ses « ennemis ». Suivant ainsi l'idée répendue chez les conservateurs (plus ou moins « néo ») ou les « faucons » des pays occidentaux, selon laquelle une démocratie doit choisir ses interlocuteurs, Jacques Chirac, puis Nicolas Sarkozy ont refusé d'avoir des contacts directs avec des partis politiques tel que le Hamas ou le Hezbollah, quand ce ne sont pas avec des pays, comme la Syrie.

Cette conception moralisatrice est soit le fruit d'une hypocrite et criminelle conception des relations internationales, pour laquelle les conflits ne peuvent se régler que sur le champ de bataille, avec anéantissement de l'un des protagonistes, soit le fruit d'une irresponsable naïveté et d'une grande méconnaissance de la chose diplomatique. Car qu'est-ce que la diplomatie, sinon la rencontre de puissances différentes, opposées et parfois ennemies qui cherchent à régler un conflit autrement que par la destruction de l'une des parties ?

Hubert Védrine a parfaitement résumé cela lors d'un « chat » avec des lecteurs du journal Le Monde le 20 mai en rappelant « que la diplomatie a été inventée à l'aube de l'histoire pour traiter les problèmes autrement que par la guerre.  La diplomatie ne consiste pas à se réunir avec des amis dont on partage les valeurs et à se congratuler, la diplomatie peut consister à parler avec des dirigeants ou des régimes qu'on estime horribles et dont on rejette catégoriquement toutes les valeurs, et il en a toujours été ainsi. »

Avec la fumeuse « guerre au terrorisme », la diabolisation de ses adversaires/opposants a pour objectif de réduire au maximum la grille de lecture des problèmes internationaux, pour la résumer à un affrontement binaire du bien contre le mal, notre camp contre le leur, et dans lequel seule la mise à mort de son adversaire peut résoudre le problème. Ce paradigme n'a malheureusement pour conséquence que la perpétuation des conflits et le développement d'états de guerre plus ou moins chaud.

Aux Etats-Unis, le sénateur et candidat Barrack Obama a clairement opté pour l'abandon de cette ligne et pour l'adoption d'une politique réaliste. Espérons que s'il est élu, par suivisme, la politique extérieure de Nicolas Sarkozy s'en verra elle même changée. Et l'image de la France de redorer dans un Liban en paix.

Alexandre Joly

07 mai 2008

Nous et la Chine

Il serait plus que temps de se poser des questions concernant nos relations et celles des pays démocratiques avec la Chine.
La question tibétaine est revenue sur le devant de l'actualité, les jeux olympiques de Pékin auront lieu dans moins de cent jours, la politique étrangère de la Chine que ce soit en Afrique (Soudan, Zimbabwee, etc) ou en Asie (Birmanie, Iran, Corée du Nord, etc) pose question. A cela s'ajoute le poids économique toujours plus grand de ce pays et le fait que la Chine a été et est toujours un centre culturel et historique d'importance. Ce pays a beaucoup influencé l'histoire de l'humanité ce qu'il va sans doute continuer à faire.
 
 
La question des jeux olympiques.

Beaucoup de gens ne souhaitent pas un véritable boycott des jeux olympiques en arguant d'une invraisemblable séparation entre sport et politique. Plusieurs points s'opposent à une telle attitude.
Tout d'abord, le Comité International Olympique s'enorgueillit de promouvoir les valeurs de l'olympisme moderne (fraternité des hommes quelque soit leur origine, respect de la condition humaine, etc) et mit même clairement en avant de la défense des droits de l'homme lors du choix de Pékin en 2002. Ce sont des valeurs politiques et non des valeurs propres au sport. De plus, et paradoxalement, le comité olympique arrive trop souvent et trop facilement à faire abstraction de la situation politique de certains pays choisis pour organiser les jeux. Les exemples sont nombreux et les plus marquants sont Berlin en 1936, Mexico en 1968, Moscou en 1980 et maintenant Pékin. Tout le monde sait bien que les pays organisateurs essaient toujours d'utiliser l'organisation des jeux comme une vitrine de leur modèle social et économique. C'est d'autant plus vrai et important pour les pays peu ou pas du tout démocratiques. Les enjeux financiers sont énormes et les multinationales qui sponsorisent les jeux olympiques feront tout ce qu'elles peuvent pour éviter un boycott des jeux par les nations mais aussi par les sportifs sur lesquels elles ont une grande emprise. Il y a donc une alliance objective entre les pays organisateurs et les sponsors.
Reste que le problème de l'organisation de cet évènement en Chine n'est qu'un problème ponctuel alors que d'autres questions ayant des répercussions plus profondes se posent à nous.
 

La Chine comme partenaire économique

Beaucoup d'entreprises européennes, américaines, japonaises, etc ont choisi de délocaliser une partie de leurs chaînes de montage et d'assemblage en Chine. Les raisons sont connues : faiblesse des coûts de production (bas salaires, loyers peu chers, etc) et présence sur un marché à fort potentiel. Tout cela a été encouragé par la politique économique du gouvernement chinois qui a tout fait pour attirer les investisseurs étrangers. Dans un contexte de libre-échange, il est normal que les entreprises cherchent à être présente partout tout en cherchant à rentabiliser au maximum leurs investissements. Cela a bien évidemment profité à d'autres pays que la Chine. Mais ce qui est frappant dans le cas chinois est la frénésie de ces investissements et le manque de vision à moyen et long terme de ces entreprises. Certes, ces dernières en profitent beaucoup maintenant mais ne se sont-elles pas tirées une balle dans le pied ? Le système économique fait que la Chine a acquis d'énormes capacités financières qui nous rendent de plus en plus dépendant d'elle. Les Chinois sont également en train de rattraper leur retard technologique à grands pas grâce aux transferts volontaires et involontaires de technologies. De plus, la concentration sans précédent de certaines productions dans ce pays est anormale et économiquement dangereuse ; c'est par exemple le cas des jouets. A cela s'ajoute que le niveau de qualité des composants et de la fabrication est souvent moyen voire médiocre. Certains experts et certains responsables politiques et économiques affirment que les pays économiquement développés conserveront une bonne avance technologique et une capacité d'innovation supérieure à des pays tels que la Chine ou l'inde. Ce raisonnement ne tient pas. Un pays peut rattraper son retard beaucoup plus rapidement que dans le passé. La Corée du sud et Taïwan commencent déjà à égaler les capacités d'innovations technologiques du Japon dans certains secteurs électroniques ! Pourquoi la Chine n'en serait-elle pas capable ?
Il faudrait éviter de mettre tous ses œufs dans le même panier et avoir une vision à long terme des effets d'une délocalisation importante de nos capacités de production. En favorisant trop la Chine ou un autre pays, les pays développés rétrograderont.
 
 
La Chine dans le concert des nations

En tant que puissance nucléaire, économique et démographique, la Chine est bien évidemment une pièce importante et incontournable de l'échiquier mondial. Les Etats-Unis semblent s'en être rendus compte au contraire des Européens. De par ses besoins en terme de matières premières (pétrole, métaux, gaz, etc), la Chine cherche à s'assurer des routes d'approvionnement sûres. Cela explique en partie la présence de plus en plus importante de ce pays en Afrique et et en Asie mais aussi ses tentatives, encore timides, en direction de l'amérique du sud. Le problème se posera également bientôt avec l'Inde et le Brésil.
Cependant, l'économie n'est pas la seule explication de cette "mondialisation de la Chine". Il y aussi des raisons politiques. L'économie chinoise s'est en partie libéralisée mais le système politique n'a pas suivi le même chemin. Ce qui se passe au Tibet mais aussi avec les Ouïgours montre bien que le régime chinois utilise le nationalisme comme un instrument de pouvoir. Il suffit d'entendre et de lire les slogans des manifestants déclarant que le Tibet fait et fera toujours partie de la Chine. Penser que le développement économique va améliorer les choses, c'est faire preuve de beaucoup d'optimisme voire de naïveté. A la différence de l'Union Soviétique, la Chine commence à avoir une puissance économique telle que le pouvoir ne sera sans doute pas immédiatement menacé par son opinion publique puisqu'il pourra satisfaire les besoins basiques de sa population. Ce pays développe et modernise également son armée afin de pouvoir contrer l'influence américaine jusque sur les océans (cf. la construction d'une immense base navale de Sanya à Haïnan 1). Cela doit lui permettre de protéger ses routes commerciales et de faire pression sur ses voisins avec lesquels il y a nombre de contentieux frontaliers agravés par la présence de matières premières et de sources d'énergie (2).
A tout cela, il faut ajouter un aspect culturel : la volonté de la Chine de retrouver son statut de première puissance du monde. Certes, ce n'est pas une particularité chinoise. Les Américains, les Russes et même les Français (sur un plan plus moral) veulent être les phares de l'humanité. Le problème est le contenu idéologique qui soutient une telle volonté. Le système politique chinois étant ce qu'il est, on peut plus que douter de ses bienfaits pour le monde.

Il est donc important de d'entretenir des relations avec la République populaire de Chine mais il faut aussi savoir s'opposer à elle quand cela est nécessaire. On le fait bien avec d'autres grandes puissances comme les Etats-Unis. Ce que messieurs Raffarin et Poncelet ont récemment fait ressemble plus à une pantalonnade qu'à une véritable mission diplomatique. Les pays occidentaux doivent comprendre la spécificité de la Chine et traiter avec elle d'égal à égal sans renoncer à leurs principes. Il en va de même pour nos relations avec la Russie. Le relativisme culturel trop poussé encourage à tout accepter même l'inacceptable. Quant à nos décideurs économiques, ils devraient éviter de ne s'intéresser qu'au court terme.
 
 
Hervé Tisserand 

07 juillet 2007

Quand Georges Frêche, ancien maire de Montpellier et actuel président de la région Languedoc-Roussillon parle d'Israël. Edifiant !

Voilà un discours qui sort de l'ordinaire et qui mélange beaucoup de thèmes : la France de Vichy, les conflits israelo-palestinien, l'Iran...

A chacun de se faire une idée sur ce discours ... Pour ma part, je pense que ce discours illustre bien comment les notables politiques cherchent à séduire certaines parties de leur électorat en usant de la démagogie et du populisme. Mais le plus inquiétant est qu'un élu issu d'un parti républicain (même s'il a été exclu du PS en janvier 2007) puisse tenir de tels propos. S'il n'y avait que cet individu pour tenir de genre de discours, ce ne serait pas trop grave mais quand on sait que nombres de personnalités politiques et même notre président font du communautarisme une nouvelle ligne directrice de la politique, il y a de quoi s'inquiéter. Si on relit certaines déclarations de ce monsieur, on peut se rendre compte que ses convictions sont très changeantes ; un jour, il va se montrer très sensible au sort des Harkis et un autre jour, il va les insulter ! Son discours n'a rien à voir avec Israël, la Palestine ou l'Iran, il s'agit surtout de conserver son cheptel d'électeurs à tous prix.
 
Ce discours a été fait à l’occasion de la “Journée de Jérusalem”, organisée sous les auspices de la mairie et de l’agglomération de Montpellier dimanche 24 juin au Parc Gramont, à Montpellier. 
 
 
Hervé Tisserand 
 
Pour en savoir plus sur le personnage, sa bio sur Wikipedia.