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20 octobre 2008

France : Tiers Monde numérique

Ce lundi 20 octobre, le secrétaire d’Etat chargé du Développement de l’économie numérique, Eric Besson a présenté à la presse son « plan numérique 2012 ». Il s’agit, au travers de 154 mesures de développer cet outil devenu indispensable tant à l’économie qu’à la vie actuelle qu’est Internet. Ceux qui s’attendaient à un plan ambitieux en seront pour leurs frais malgré ce que titre le magazine Le Point. Non seulement ce plan ne projette pas la France dans les sphères futures de la technologie mais il ambitionne à peine de se mettre au niveau déjà atteint par certains pays, se focalisant même sur des technologies déjà dépassées.

Ainsi, le gouvernement estime qu’en 2012 « chaque Français, où qu’il habite, bénéficiera (…) d’un droit à l’accès à Internet haut débit opposable ». C’est une jolie formule, sauf que le haut débit (512 kbits/s) promis est aujourd’hui dépassé et qu’il le sera a fortiori encore plus en 2012. L’avenir, et même le présent, est au très haut débit (FTTH) et à la fibre optique 200 fois plus rapide. Ainsi au Japon, en août le nombre d’abonnés au FTTH a franchi la barre des 13 millions d’abonnés dépassant celui de ceux au haut débit selon une étude de l’Idate.

Le secrétaire d’Etat reconnaît lui-même que l’avenir est dans le FTTH et plus dans le simple haut débit. Ainsi il confie que « les nouveaux usages d’Internet sont particulièrement consommateurs en débit (...) et nécessitent des débits sans cesse croissants et la mise en œuvre de nouveaux réseaux, le très haut débit». Alors pourquoi diantre investir dans une technologie qu’il admet ne plus avoir d’avenir ? Quel en est l’intérêt ?

On pourrait néanmoins se réjouir de voire le FTTH pris en compte et s’attendre en parallèle à un plan ambitieux en la matière. Que nenni, « l’objectif fixé est d’atteindre, grâce à la fibre optique, les 4 millions d’abonnés ». Là encore, à titre de comparaisons les Japonais sont déjà 11 millions au FTTH et les 69% de ménages raccordés au réseau haut débit y passent progressivement. Mais l’objectif des opérateurs nippons est de proposer prochainement à leurs clients des réseaux très haut débit de générations suivantes dit NGN (Next Generation Network) comme a déjà commencé à le faire NTT au printemps.

L’état français compte ainsi investir 10 milliards d’Euro en 10 ans pour parvenir à un résultat qui offrira aux Français un service inférieur de deux générations à celui proposer au Japon en se focalisant sur des technologies qui seront dépassées. Dans le même temps au Japon, les investissements sont le fruit d’opérateurs privés (KDDI et NTT) et ne coûtent rien au contribuable. Pire, les tarifs sont inférieurs à ceux pratiqués en France : un raccordement FTTH en immeuble coûte aux alentours de 25 euros, quand Eric Besson fait miroiter du simple haut débit à 35 euros. Tout un monde de différences.

Un tel retard français pourrait paraître sans conséquence si Internet n’avaient acquis une si grande importance dans l’économie d’aujourd’hui, la performance des entreprises et même la vie de tous les jours. Ce retard fait même peur pour l’avenir de notre pays quand on pense que pour Eric Besson « ce plan peut et doit être un accélérateur de croissance (…) l’une des réponses à la crise ». C’est un peu comme si F.D.Roosevelt avait proposé de sortir de la crise de 1929 en construisant des moulins à vent.

On a l’habitude d’entendre dire que la France a dans le domaine militaire une guerre de retard. En matière de technologie numérique une chose est sûre ce sera bientôt deux !

Alexandre Joly.

13 octobre 2008

Les Européens sont-ils vraiment prêts à mettre en place une défense européenne ?

La lecture d'un article de l'intellectuel néerlandais Ian Buruma, The Wrong Lesson of Munich, (Japan Times du 15 septembre 2008), permet de poser la question de la défense européenne dans des termes qu'on entend peu ou pas en France. Après une démonstration du traumatisme lié aux accords de Munich de 1938, Ian Buruma se demande si les Européens sont prêts et aptes à faire tout ce qu'il faut pour construire une défense européenne commune.

Il y a plusieurs raisons expliquant les difficultés de la mise en place d'une défense européenne commune.
La première raison est le choix de civilisation fait par les Européens. Les Européens s'enorgueillissent souvent de leurs capacités à instaurer des négociations diplomatiques entre adversaires. C'est pour cela que les accords de Münich sont un traumatisme car le jusqu'au boutisme diplomatique n'a en rien évité le pire, au contraire. Les états de l'Union Européenne ont souvent – pas toujours - misé uniquement sur la diplomatie par contrainte (manque de moyens militaires) mais aussi par choix (tout sauf une intervention armée). En cela, les gouvernements des pays membres expriment le sentiment pacifique dominant de leurs opinions publiques respectives surtout depuis la chute du bloc communiste. Comme l'a dit Robert Kagan, les Européens vivent dans un monde post hobbesien. Ils conçoivent le modèle de la construction européenne comme un modèle universel allant de soi. Mourir en faisant la guerre pour des intérêts stratégiques ou pour des idéaux n'est plus vraiment à l'ordre du jour. Il suffit de voir comment est perçue la guerre en Afghanistan.

Mais il y a aussi des raisons liées à l'évolution des puissances européennes depuis 1945.
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, les états européens ont pu construire une organisation commune principalement économique garantissant la paix entre eux. La fin des empires coloniaux de certains pays membres, la forte présence militaire américaine en Europe dans le contexte de la guerre froide via l'OTAN, tout cela a conduit à la perte d'importance relative des forces armées des différents pays dans leur budget.
Il faut également ajouter que malgré la coopération entre les états européens n'a pas gommé les différences de vue en matière de politique étrangère. La Suède et L'Espagne n'ont pas souvent les mêmes priorités diplomatiques de par leur histoire, leur poids dans les affaires du monde, leur zone d'influence, etc. Le conflit russo-géorgien a mis en exergue ces différences de vue.

Les Européens critiquent souvent l'unilatéralisme américain et l'usage un peu trop facile de la force militaire par les Etats-Unis. Ils en sont partiellement responsables. L'Union Européenne a vu ses états membres réduire considérablement leur budget de la défense. De fait, les pays européens ont souvent dû faire appel à leur allié américain en cas de crise grave sur leur continent : guerre en ex-Yougoslavie, crise des missiles lors de la guerre froide, etc. Le comportement des Européens est très contradictoire : volonté d'indépendance politique, idée de défendre la paix dans le monde, envie d'être une alternative à la puissance américaine. Mais dans le même temps, ils ne se donnent pas les moyens militaires et diplomatiques de leurs actions et ils appellent au secours le grand frère américain certes un peu rustre mais très utile quand il faut user de la force !

Si les Européens veulent vraiment peser sur la scène internationale et s'ils veulent vraiment se confronter au monde extérieur, il faudra qu'ils se remettent en cause et acceptent d'augmenter les budgets des ministères de la défense, de s'organiser au niveau de la chaîne de commandement, de mieux coordonner leurs forces armées et, surtout, ils devront accepter que l'usage de la force est parfois inévitable. Un Français ou un Allemand peut-il accepter de combattre pour ses voisins Baltes ou autres ? Peut-il comprendre que l'usage de l'outil militaire est parfois nécessaire ? Ce sont questions auxquelles il faudra rapidement répondre si l'on veut construire une véritable défense européenne.

 

Hervé Tisserand.

La Puissance et la Faiblesse. Les États-Unis et l’Europe dans le nouvel ordre mondial de Robert Kagan, 2003. Editions Plon

The Wrong Lesson of Munich de Ian Buruma.

Une défense européenne essoufflée, par Laurent Zecchini, Le Monde du 01.10.08.

06 octobre 2008

Députés des Français de l’étranger : les projets du gouvernement

Mercredi 1er octobre, la commission des lois de l’Assemblée nationale s’est réunie pour auditionner M. Alain Marleix, Secrétaire d’Etat à l’Intérieur et aux collectivités territoriales, sur les projets de lois issus de la modification constitutionnelle de cet été.

 

Rappelons que lors de cette réforme fût adopté le droit pour les Français de l’Etranger d’être représentés par des députés élus à l’Assemblée nationale, sans que ne soient pour autant fixés le nombre de députés dévolus, le mode de scrutin choisi ou le découpage des circonscriptions électorales. Ces choix devant être définis dans une loi organique plus générale légiférant sur le découpage des circonscriptions électorales ou encore le retour de ministres à leur poste de député. C’est ce projet de loi que M. Marleix est venu défendre  en commission mercredi.

 

Première surprise réservée par le Secrétaire d’Etat, le nombre de députés qui représenteront les Français de l’Etranger sera mois important que prévu. Il « devrait se situer non pas autour de la vingtaine comme on l’a parfois dit lors de la discussion de la révision constitutionnelle, ni à 12 comme on l’a souvent entendu, mais plutôt entre 7 et 9».

Ce choix serait motivé par la volonté de respecter la méthode de répartition « de la  tranche » qui prévaut dans l’affectation du nombre de citoyens par circonscription. Les services de M. Marlaix prévoient ainsi un siége par tranche de 125 000 habitants.

 

Le problème est alors de savoir quel est le nombre exact de Français qui résident à l’étranger. Le Secrétaire d’Etat table sur 850 000 personnes, s’appuyant naturellement sur « l’immatriculation volontaire (qui) constitue la seule donné possible d’évaluation ». Or ce chiffre semble sans commune mesure avec les estimations qui chiffrent à plus de 2 millions de Français le nombre de concitoyens établis à l’étranger. Cette différence s’explique par le fait que pour M. Marlaix le chiffre des immatriculations « devra être corrigé à la baisse par le nombre de personnes qui restent inscrites en France pour les élections présidentielles et législatives». Ce qui signifie que le gouvernement veut bien que les Français de l’Etranger soient représentés… mais pas dans une proportion égale à leur poids dans la société.

 

La justification avancée pour ce faire est doublement fallacieuse car si nombres de nos concitoyens résidant à l’étranger sont encore inscrits en France c’est bien parce qu’ils n’ont pas eu le droit, jusqu’à présent, de voter dans leur pays de résidence. Et non pas qu’ils ne souhaitent pas y voter.

Pour Jean-Jacques Urvoas (député PS) « 509 140 personnes relèvent du PR1 qui concerne le vote uniquement à l'étranger, 262 737 relèvent du PR2, c'est-à-dire qu'ils votent à l'étranger pour l'élection du Président de la République et pour les référendums, enfin, le PR3, c'est-à-dire ceux qui votent en France à toutes les élections à l'exception de celles à l'Assemblée des Français de l'étranger, concerne 91 977 personnes ». Le gouvernement, souhaitant maintenir l’article L 12 du code électoral qui offre la possibilité de choix de résidence de vote ainsi présenté, s’il veut prendre en compte ces souhaits de lieu de vote émis par les Français dans le découpage électoral, doit alors leur redemander maintenant leur préférence et non pas s’appuyer sur une décision antérieure à la réforme constitutionnelle, quand le choix actuel n’existait pas.

 

Deuxiémement, si le chiffre avancé par le Secrétaire d’Etat d’électeurs à prendre en compte est fortement contesté ( Jean-Jacques Urvoas fit remarquer que « la liste électorale (n’était pas) évaluée de la même façon par Thierry Mariani et par le ministère de l’Intérieur »  ainsi que par lui-même, puisqu’il estimait à 863 854 personnes le nombre d’inscrits sur les listes électorales à l’étranger) on peut s’étonner que ce soit celui pris en compte alors que pour la métropole c’est la population globale qui est représentée. Le nombre d’électeurs est bien évidemment largement inférieur au nombre réel de Français résidant à l’étranger alors que ce devrait être celui pris en compte dans l’établissement des tranches de population pour calculer le nombre de députés  dévolus à leur représentation.

 

Après le nombre de députés dévolus à la représentation des Français de l’étranger, un second point devait être abordé, celui du mode de scrutin. Les deux principales associations de Français de l’étranger, l’AFE et l’ADFE ont communément fait savoir qu’elles étaient favorables à l’instauration d’un scrutin proportionnel de liste à un tour. Leur choix étant motivé par des raisons logistiques ou idéologiques. Dans une lettre du 7 juillet à Dominique Paillé conseiller de Nicolas Sarkozy, le président de l’ADFE, François Nicoullaud soulignait ainsi « les aléas de la voie postale en de grandes parties du globe rendant impossible l’acheminement en temps voulu du matériel électoral afférant au second tour » dans le cadre d’un scrutin uninominal à deux tours comme en France. Le Secrétaire d’Etat annonça cependant devant la commission que « le gouvernement n’a pas fait le choix de la proportionnelle » estimant à titre personnelle qu’  « il n’est pas possible d’avoir deux sortes de députés puisque ces derniers représentent la population ». Et donc le mode de scrutin sera le même en France et à l’étranger. Le Secrétaire d’Etat promettant de remédier aux problèmes logistiques par des adaptations, comme c’est le cas lors des votes outre-mer, ou par l’introduction de nouvelles technologies de vote comme Internet.

 

Suite à ce choix gouvernemental se pose alors la question des circonscriptions, sachant que la répartition de la population française à l’étranger n’est pas homogène et offre de grandes disparités géographiques. Jean-Jacques Urvoas rappela devant la commission que « nous comptons des concitoyens dans 150 pays ; il y a 50 000 inscrits que dans quelques rares pays tandis que dans 42 pays on ne compte que 150 inscrits et même moins de 100 dans 14 pays ». Le gouvernement entend s’appuyer sur « le collège actuellement utilisé pour les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger, avec 53 circonscriptions » sans dire exactement si les circonscriptions seront rattachées par continent stricto sensu  ou si des regroupements seront effectués pour faire des ajustements de population. Avec 53 circonscriptions pour 7 ou 9 députés, il sera difficile de maintenir une  cohérence tant humaine que géographique. 

 

Ambitieuse et applaudie, la réforme constitutionnelle qui donne aux Français de l’étranger le droit de représentation à l’Assemblée nationale pourrait ne pas être à la hauteur des attentes qu’elle suscite lors de son passage sous forme de loi. La faute à une large sous-estimation de la population représentée et à un découpage erronée de la carte électorale.

Pour ce qui est de l’autre sujet critique, le mode de scrutin, que ce soit dans les circonscriptions étrangères ou métropolitaines, il est clair qu’en l’état actuel des choses, la représentation nationale restera faussée tant que la proportionnelle ne sera pas appliquée.

 

Alexandre Joly.