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16 mars 2007

Signature d'un traité de sécurité entre le Japon et l'Australie

Le 13 mars 2007, le Japon et l'Australie ont signé un traité de sécurité à l'occasion de la visite du premier ministre australien dans l'Archipel. Au Japon, c'est un événement car c'est seulement le deuxième traité de ce type signé par le Japon. Le premier fut le traité de sécurité nippo-américain signé en 1951. Ce dernier engageait et engage toujours les Etats-Unis à assurer la défense du Japon.

Le traité australo-japonais est différent dans le sens où il instaure une coopération bilatérale en matière de sécurité et de maintien de la paix dans la région. Deux des principaux piliers de cette alliance sont la lutte contre la prolifération des armes de destructions massives (cela vise particulièrement la Corée du Nord) et la lutte contre le terrorisme. Mais un autre volet important est la volonté de coopérer lors de mission de maintien de la paix notamment via l'ONU. D'ailleurs, l'Australie soutient le Japon dans sa demande d'être sélectionné comme membre non-permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies en 2008. Les liens sont donc renforcés entre ces deux pays principaux alliés des Etats-Unis dans la région.

Washington a beaucoup encouragé ce traité et d'aucun y voit une étape supplémentaire dans la politique de containment de la puissance chinoise. Shinzo Abe et John Howard ont bien évidemment expliqué que ce traité ne visait pas la Chine. Ainsi, Shinzo Abe a déclaré que "Cette alliance ne vise pas à contenir la Chine et n'a pas Pékin en ligne de mire". On peut cependant en douter même si les objectifs avoués dans le traité sont réels. Une telle alliance sert les intérêts américains mais il ne faudrait pas en conclure qu'il s'agit d'un simple pacte entre deux vassaux de l'Amérique. L'Australie et surtout le Japon ont de bonnes raison de vouloir développer de telles coopérations militaires et diplomatiques. Ces raisons sont liées à leurs intérêts vitaux. Depuis longtemps, le Japon s'inquiète de la monté en puissance économique et militaire du voisin chinois. Les dirigeants japonais souhaitent donc resserrer les liens avec les pays qui "partagent des valeurs communes" . Aujourd'hui, c'est l'Australie mais il se pourrait que le Japon cherche à être plus proche de l'Inde dans les années qui viennent. Il est à noter que si les premiers ministres australien et japonais ont insisté sur le fait que ce traité a été signé entre deux pays qui sont des puissances économiques et des démocraties. Un éditorial daté du 14 mars dans le Daily Yomiuri souhaite même un plus grand partenariat stratégique entre le Japon et l'Australie. Outre une coopération militaire, il souhaite un renforcement des relations économiques via des discussions bilatérales.

Il faudra attendre pour voir quel sera l'impact de ce traité en Asie de l'est mais la Chine a déjà réagi via la voix d'un porte-parole du ministère des affaires étrangères. Ce dernier espère vraiment que cette alliance ne vise pas Pékin ("nous espérons que ce qu'ils disent est vrai") et il a rappelé que la Chine n'est pas un pays qui menace ses voisins et qu'il n'envahira aucun pays (Taïwan n'est pas considéré comme un état indépendant par Pékin). On peut en déduire que ce traité irrite voire inquiète la Chine.

Hervé Tisserand.

07 mars 2007

Tout comme la France, le Japon a du mal à appréhender son histoire

Au Japon, le problème se pose en des termes différents mais les débats engendrés ont la même porté que ceux qui agitent la France. Ici, il n'est pas vraiment question de repentance nationale ou de "lois mémorielles". La question centrale est celle de la responsabilité du Japon pendant la deuxième guerre mondial du comportement de ses troupes dans les pays qu'il a occupé et par conséquence de ses relations avec ses voisins.

Le 1er mars 2007, Shinzo Abe, premier ministre du Japon, a déclaré que, selon lui, "il n'y a pas de preuves de prostitution forcée" de dizaines de milliers de femmes dans les pays occupés par les troupes japonaises pendant la guerre. Suite à cette déclaration, la Corée du Sud a réagi immédiatement par la voix de son ministre des affaires étrangères, Song Min-soon, qui a notamment déclaré que ce type de propos n'était "pas utiles" et qu'il fallait reconnaître la vérité. Des organisations philippines ont également dénoncé les propos du premier ministre japonais. Une victime de cet "esclavagisme sexuel", Hilaria Bustamante, une Philippine de 81 ans abusée sexuellement pendant un an à l'âge de 16 ans dans une garnison japonaise en 1942. a déclaré : "ce qu'il (Abe) a dit me met en colère. Ils (les dirigeants japonais) pensent que nous sommes juste du papier toilette que l'on peut jeter après utilisation." Suite à ces différentes réactions négatives, Shinzo Abe a chercher à minimiser ses propos en déclarant qu'il s'en tenait toujours à la déclaration de Yohei Kono, porte-parole du gouverment de l'époque, en 1993 qui s'était excusé au nom du Japon pour la prostitution forcée et pour l'implication du gouvernement militaire dans certains cas. Il est à noter que le premier ministre n'a pas repris les mots de cette déclaration mais y a seulement fait référence. Il a également dit qu'il y avait plusieurs définitions du mot "forcé". Depuis la déclaration Kono, Le Japon a mis en place un fond d'indemnisation des victimes de cette prostitution forcée (en 1995) mais ce fond est financé par des dons privés et non par l'Etat. Pour les victimes, cela signifie que le Japon ne reconnaît pas encore vraiment ce crime d'autant plus que la diète japonaise n'a jamais officiellement approuvé cette déclaration. Pourtant, nombre d'historiens ont mis en relief la prostitution forcée et à grande échelle de femmes asiatiques dans les régions occupées par l'armée impériale. Ils estiment qu'environ 200 000 femmes en ont été victimes. Ceci a été corroboré par de nombreux témoignages de victimes, de témoins mais aussi d'anciens soldats japonais (voir cet article du Japan Times pour plus de détails).
Depuis sa nomination au poste de premier ministre, monsieur Abe avait pourtant cherché à resserrer les liens diplomatiques avec les pays voisins et notamment en évitant de provoquer ces derniers par des déclarations ou des actes ambigus à la différence de son prédécesseur, Junichiro Koizumi.

Comment expliquer de telles déclarations ? Il y a plusieurs explications plausibles à celles-ci.
La première est que le fond d'indemnisation des victimes sera démantelé le 31 mars 2007 après 12 ans d'existence. Seulement 360 femmes auront bénéficié de compensations financières (voir l'article en anglais du Japan Times à ce propos).
En outre, des élections se profilent et la cote de monsieur Abe est au plus bas. Il cherche sans doute à s'attirer les voix du camps le plus conservateur de l'opinion publique japonaise.
Mais au delà de cet opportunisme électoral, il faut rappeler que monsieur Abe est le petit-fils d'un ancien Ministre du Commerce et de l'Industrie du gouvernement militaire, Nobusuke Kishi qui fut arrêté comme possible criminel de guerre avant d'être relâché sans jugement par les Américains. Il fut ensuite premier ministre du Japon, respectivement du 25 février 1957 au 12 juin 1958 et du 12 juin 1958 au 19 juillet 1960. On peut donc penser qu'il y a une part d'éducation familiale dans la posture adoptée par Shinzo Abe. Il faut ajouter que monsieur Abe a longtemps été proche d'un groupe de 130 députés du PLD (parti conservateur dominant) dirigé par Nariaki Nakayama et qui s'est arrangé pour ôter toute référence à la prostitution forcée dans la plupart des manuels d'histoires des collèges. En effet, Nariaki Nakayama fut ministre de l'éducation de septembre 2005 à octobre 2006 ! Shinzo Abe, tout comme Nariaki Nakayama, a aussi appelé à l'annulation de la déclaration de Kono (1993) avant d'occuper des postes officiels notamment dans le gouvernement de Junichiro Koizumi.
Mais ce qui me paraît important, c'est qu'au-delà de la personnalité du premier ministre japonais, beaucoup de Japonais partagent cette vision de l'histoire soit par méconnaissance historique soit consciemment. Il n'y a pas eu la même pression morale sur le Japon que celle qu'à connu l'Allemagne. De plus, le fait que ce pays fut le seul à être victime de l'arme atomique a fait que les Japonais se sentent souvent plus victimes que responsables des événements. Il ne faut toutefois pas trop noircir le tableau et voir que la société japonaise a évolué et continue à le faire. Cependant, l'enseignement de l'histoire reste un grand chantier et on peut rappeler que la France a eu (et a encore) beaucoup de mal à accepter ce que furent réellement Vichy ou la guerre d'Algérie. Le fait que le congrès américain puisse voter une résolution voulant obliger le Japon à s'excuser pour avoir instaurer un système de prostitution forcée pendant la guerre ne va peut-être pas aider le travail de mémoire des Japonais. Au lieu d'une ingérence politique, il vaudrait mieux que des historiens étrangers fassent des recherches et publient leurs travaux dans le pays concerné à l'image de ce que Robert Paxton a fait sur Vichy.
 
Hervé Tisserand

03 mars 2007

Où l'on reparle du Yasukuni

Le sanctuaire du Yasukuni fait reparler de lui après que 11 Sud-Coréens aient décidé lundi 26 février de porter plainte contre l'association religieuse qui le gère.

Ce temple shintô indépendant mais qui n'est pas affilié à l'association des sanctuaires shintô du Japon est au coeur de Tokyo. Construit initialement en 1869 sous le nom de Tokyo Shokonsha pour honorer les morts de la guerre civile qui prenait fin, il est rapidement devenu le lieu de repos des âmes de tous les soldats morts lors des guerres japonaises. Rebaptisé Yasukuni Jinja (Le temple du pays apaisé) en 1879, y reposent aujourd'hui l'âme de presque 2 500 000 personnes.

Accusé par certains d'avoir fait la promotion du nationalisme nippon pendant sa période militariste jusqu'en 1945, le temple a surtout commencé à susciter la polémique en 1978 : En octobre, son responsable d'alors, Nagoyashi Matsudaira, décida d'y faire reposer 14 anciens criminels de guerre de Classe A, jugés lors du procès de Tokyo à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. 7 d'entre eux comme l'Amiral Tojo avaient été condamné à mort et ceux-ci possédaient déjà « leur » temple.

Cette décision eut pour effet d'entrainer l'arrêt des visites au temple de l'Empereur Hirohito qui ne l'approuvait pas mais ne put officiellement le dire : La Constitution d'après guerre lui interdisant d'interférer dans le débat politique national.

Si de nombreuses personnalités, dont des premiers ministres en exercice, continuèrent à se rendre au temple, elles le firent dans un cadre dit privé : La Constitution laïque du pays interdisant à un Premier ministre de faire une telle démonstration religieuse.

Mais les polémiques prirent une toute autre dimension avec les visites de Koizumi (2001-2006) : Tout d'abord celui-ci lors de sa campagne pour le leadership du P.L.D. avaient fait campagne auprès des associations de familles d'anciens soldats en leur promettant de s'y rendre s'il était élu Premier ministre; en second point il a toujours laissé planer un doute sur le caractère privé ou non de ses visites jusqu'à s'y rendre le 15 août 2006, le jour de la commémoration da la fin de la guerre au Japon. Cela eut évidemment des répercussions importantes et desastreuses sur les relations entre le Japon et les pays victimes du colonialisme japonais (Chine, Corées..).

Aujourd'hui, avec la plainte de ces 11 Coréens, c'est le mode de désignement du choix des âmes et leur gestion qui posent problème. Le temple décide en effet seul des âmes qu'il veut honorer ou bien comme ce fut le cas en 1959, c'est le gouvernement qui en décrète la liste. Sont ainsi inscrits au panthéon du temple, à la fois les âmes de simples soldats, celles d'infirmières ou de civils ayant servi leur pays comme celles de criminels de guerre (choisis par le temple) ou de soldats enrôlés de force (choix du gouvernement). Dont des Coréens.

C'est cet amalgame que les plaignants entendent dénoncer. Ils s'appuient sur l'article 20 de la Constitution et son aspect laïque contre cet enrôlement de force des «âmes» par le gouvernement. Ils font aussi valoir le droit à la liberté religieuse garantie par l'article 13, pour libérer les non-shintô du temple. Mais leur requête a peu de chances d'aboutir. En effet une plainte similaire avait été rejeté par un tribunal du district de Tokyo en mai 2006 sous prétexte que des accords signés en 1965 entre le Japon et la Corée avaient réglé le litige des listes de « morts à la guerre ».

Autre cas : Celui des morts... bien vivant. Le Japan Times du 27 février raconte l'histoire de Kim Hee Jong, 81 ans, pour qui la gestion du temple est à remettre en cause. Ce Coréen avait en effet eu la surprise en juillet 2006 de voir son nom sur la liste des morts pour le Japon. Il demanda donc que celui-ci soit retiré, mais en revenant quelques mois plus tard il s'aperçut que cela n'avait pas été fait et demande donc aussi réparation.

Le Yasukuni n'a donc pas encore fini de faire parler de lui. Surtout que le nouveau Premier ministre Shinzo Abe ne s'est toujours pas prononcé sur sa décision d'une éventuelle visite personnelle du sanctuaire ou non.

Alexandre Joly.

22 février 2007

Peine de mort : Choc civilisationnel

Les hasards de l'information font parfois de noirs clins d'oeil. La presse nippone du 21 février a ainsi vu se télescoper deux informations aux valeurs contradictoires.

Alors qu'aux travers d'une dépêche A.P, le Yomiuri Shinbun (conservateur) écrivait de façon très neutre que la France inscrivait dans sa constitution l'abrogation de la peine de mort, l'agence de presse japonaise Kyodo News annonçait quant à elle que le Japon venait de placer une centième personne sur la liste des condamnés à mort en attente de leur sentence. Kazuo Shinozawa. 55 ans, a été convaincu du meurtre de 6 femmes en juin 2000 après qu'il ait mis le feu à la bijouterie où elles travaillaient et dans laquelle il venait de voler pour plus de 115 000 euros.

Amnesty International Japon dénonce régulièrement les conditions de détention et d'exécution des prisonniers. Ceux-ci attendent dans « des couloirs de la mort », des chambres truffées de caméra, sans contact avec l'extérieur et n'apprennent que le jour même qu'ils seront pendus dans des conditions terriblement opaques. Jusqu'à très récemment les exécutions n'étaient pas rendu publiques et les familles n'apprenaient souvent qu'a postériori la mort du condamné.

L'association, qui plus est, note une hausse du nombre de condamnation à la peine capitale depuis 2 000 et s'oppose à l'idée que cela soit le fait d'une augmentation de l'insécurité dans l'archipel, « ce que toutes les statistiques démentent. ».

Les exécutions devant être approuvés par le Ministre de la Justice, celles-ci avaient été suspendu durant plusieurs mois sous l'ancien cabinet Koizumi. Son ministre de la Justice, de novembre 2005 à septembre 2006, Seiken Sugiura, affirmait alors que la peine de mort était contraire à ses convictions bouddhistes. En dépit des nombreuses pressions il refusa toujours de contre-signer les demandes d'exécution qui lui parvenaient.

Mais avec l'avènement du nouveau premier ministre Shinzo Abe, une ligne politique plus dure s'est mise en place, avec notamment la lutte contre la délinquance en point d'orgue. Ainsi les exécutions ont repris le ... 24 décembre 2006, avec la pendaison de 4 condamnés à travers le pays.

En attendant d'allonger la liste d'un 101ème nom : Hiroshi Maeue accusé d'avoir tué 3 personnes en les filmant, dont un mineur, après avoir signé des pactes de suicide collectif avec eux.

Alexandre Joly.