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09 novembre 2008

Obama vu d’Obama... et d’ailleurs au Japon

À l’instar de nombreuses villes américaines, une ville japonaise a connu l’euphorie de la victoire du candidat démocrate à l’élection présidentielle ce mercredi 5 novembre. Non pas  qu’elle soit peuplée d’expatriés états-uniens ou qu’une base US y soit implantée mais sa population s’est naturellement identifiée à celui qui porte le même nom que la ville : Obama.

 

Les habitants de la ville d’Obama, comme plus de 65% de leurs compatriotes Japonais, se sont donc réjouis de la victoire du candidat afro-américain. Et l’homonymie n’est pas la seule raison de cet engouement. Les Japonais, comme beaucoup d’autres "obamaniaques" à travers le monde croient voire en Barak Obama un homme susceptible d’apporter la paix, de rassembler les peuples et de trouver des solutions  au désordre économique et financier. Ce que résumait Yuichi Matsumoto, un commerçant de 69 ans du port d’Obama à l’AFP :  « Je pense qu’il va faire beaucoup de bonnes choses, comme mettre fin à la guerre en Irak et trouver une solution à la crise économique » . La symbolique Obama a donc aussi imprégné la population japonaise tout autant que celles d’Europe, d’Amérique du Nord ou d’Afrique.

 

Mais qu’en est-il des élites et particulièrement du pouvoir politique ?

 

Contrairement notamment à la France, où Nicolas Sarkozy s’est béatement félicité de la victoire de son « copain », le Premier ministre japonais Taro Aso a félicité le candidat pour sa victoire, se bornant à rappeler « les relations que cultivent les deux parties depuis plus de 50 ans ». Plus tard, devant la presse il a affirmé qu’il « s’attachera à renforcer l’alliance nippo américaine et à résoudre les différents challenges auxquels doit faire face la communauté internationale :  l’économie, le terrorisme et l’environnement ». On a connu commentaires plus chaleureux !

 

Car ces propos diplomatiques cachent en réalité fort mal la perplexité des autorités japonaises face au nouvel arrivant à la Maison Blanche. Des déclarations de responsables du parti au pouvoir, le Jimintō, à l’agence de presse Kyodo montrent une certaine anxiété du pouvoir. Ainsi, Tadamori Oshima, responsable des relations avec le Parlement pour le parti a déclaré qu’il n’avait pas « encore d’idées claires sur les bases de sa politique étrangère ». Hajime Funada, président du Conseil Général du parti, soulignait lui qu’il ne savait pas « ce que sera la politique envers la Corée du Nord » de Barak Obama. 

 

En effet, le sujet des relations avec l’Asie a été complètement absent de la campagne électorale. Alors si John Mac Caïn incarnait la continuité et donc rassurait, la politique asiatique de Barak Obama est un grand saut dans l’inconnue et inquiète. Inquiétude basée sur quelques propos de campagne et renforcée par quelques signes post électoraux.

 

Il faut dire que les relations entre le Japon et les Etats-Unis sont parmi les plus développées du monde entre deux grandes puissances et que les dossiers « chauds » sont nombreux. On citera les accords commerciaux, le redéploiement des bases américaines au Japon, la relation avec la Corée du Nord, ou encore le soutien japonais à la guerre en Afghanistan...

 

Ainsi, au chapitre économique, la rumeur de la nomination de Lawrence Summers, l’ancien Secrétaire au Trésor de Bill Clinton, à un poste central dans la nouvelle administration ne ravive pas de bons souvenirs chez les Japonais. Celui-ci s’en prenait en effet régulièrement au Japon alors en crise, sommant à plusieurs reprises Tokyo d’effectuer des réformes économiques, de « booster » la demande intérieure et d’assumer sa place de leader économique. Attitudes jugées insultantes à l’époque et au cœur d’une période de fictions entre les deux pays.

 

Surtout, même si les analystes nippons parient sur une politique de dollar fort de la part de Barak Obama, ce qui arrangerait les exportations japonaises, l’inquiétude est forte que celui-ci ne soit tentée de satisfaire un pilier de sa base électorale, les syndicats du secteur industriel, et n’applique alors une politique plus protectionniste dont pâtirait les industries japonaises, notamment un secteur automobile déjà bien en crise. Le journal Yomiuri du 6 novembre dit ainsi craindre que pour «le parti Démocrate, qui tire sa force des syndicats, et qui sort renforcé des élections dans les deux chambres du Congrès de mardi, il serait facile d’appliquer la bonne vieille méthode du protectionnisme. »   

 

En matière agricole, la crainte vient de propos de campagne dans lesquels l’ancien sénateur de l’Illinois affirmait vouloir « presser plus fortement »  la Corée du Sud et le Japon à accepter les critères sanitaires américains pour accroître l’exportation de bœuf made in america. Sujet plus politique que vraiment économique, mais toutefois ultra sensible pour le gouvernement japonais à un moment ou les scandales sanitaires se succèdent sur les produits alimentaires.

 

L’ambassadeur américain à Tōkyō a bien tenté de rassurer le gouvernement japonais en déclarant à juste titre que « Démocrates et Républicains croient depuis la guerre que la sécurité des Etats-Unis dépend d’une bonne et prospère alliance avec le Japon », le scepticisme reste de mise. Et comme le note le Asahi Shinbun dans son éditorial du 7 novembre, deux dossiers en particulier risquent de poser problème : « le soutien qu’apporte le Japon à la guerre mené par G. W. Bush contre le terrorisme en Afghanistan, et la coopération dans la façon de traiter avec la Corée du Nord ».

 

Sur le sujet afghan, le programme de Barak Obama qui est non seulement de renforcer l’action des troupes américaines sur place mais aussi de demander aux alliés d’en faire de même n’est pas en conflit avec la vision du gouvernement mais renvoie à un sujet qui est une épine pour le cabinet Aso. La Japon qui soutient l’action internationale par un appui logistique dans l’Océan Indien sera sollicité par Barak Obama. Or le gouvernement en place n’est pas du tout sûr de recevoir l’aval du parlement pour prolonger la mission en cours vu que la Chambre Haute est aux mains de l’opposition qui y est opposée. Et qui est en cela appuyée par la majorité des Japonais. Or un renouvellement de la mission japonaise ne serait que le strict minimum pour satisfaire Washington et beaucoup craignent que comme en 1991 lors de la guerre du Golfe une contribution financière ne soit aussi réclamée. Ce qui aux vues des finances du pays serait un coup d’arrêt à toute politique de relance ou de sauvetage des déficits. Sur ce sujet Taro Aso n’a donc comme choix que se fâcher avec les Américains ou avec son opinion publique. Sachant que la prochaine échéance électorale est dans moins de 10 mois.

 

 Second sujet très sensible : la Corée du Nord. Si pour le monde entier le problème coréen se résume à la menace nucléaire, pour les Japonais il se double d’une affaire émotionnelle et politiquement sensible, à savoir celles des personnes enlevées par le régime communiste dans les années 70 et 80. Même si Tōkyō s’est montré irrité cet été par le retrait par Washington de la Corée du Nord de la liste des états terroristes, G. W. Bush avait pris soin de rassurer directement les familles japonaises touchées de son appui et de sa volonté de résoudre aussi ce problème. Mais qu’en sera-t-il avec Barak Obama ? La Asahi, citant un responsable du ministère des affaires étrangères pense que :  « le problème des personnes enlevées sera délaissé si Washington et Pyongyang engagent des discussions plus proches. ». Ce qui isolerait le Japon et son Premier ministre, ce dernier étant "condamné" par l'opinion publique, son parti et son image de faucon à adopter une position intransigeante sur le sujet.

 

L’élection de Barak Obama est-elle pour autant une mauvaise nouvelle pour Tōkyō ?

Pas forcément. Un point positif pour le pays selon les analystes tient dans la vision plus participative et multilatérale du monde qu’a le nouveau président américain. Ainsi que dans la nécessité qui lui est faite de travailler de concert avec ses partenaires et alliés pour résoudre les problèmes internationaux actuels. Dans cette nouvelle donne internationale, le pays du soleil levant a toute sa place. Ainsi le Asahi Shinbun  souhaite que le Japon fasse entendre « ses idées et agisse » car « le monde selon Obama offre au Japon une opportunité idéal d’afficher sa puissance diplomatique. » .

 

Alexandre Joly.

11:42 Publié dans News du Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : obama, japon

20 octobre 2008

France : Tiers Monde numérique

Ce lundi 20 octobre, le secrétaire d’Etat chargé du Développement de l’économie numérique, Eric Besson a présenté à la presse son « plan numérique 2012 ». Il s’agit, au travers de 154 mesures de développer cet outil devenu indispensable tant à l’économie qu’à la vie actuelle qu’est Internet. Ceux qui s’attendaient à un plan ambitieux en seront pour leurs frais malgré ce que titre le magazine Le Point. Non seulement ce plan ne projette pas la France dans les sphères futures de la technologie mais il ambitionne à peine de se mettre au niveau déjà atteint par certains pays, se focalisant même sur des technologies déjà dépassées.

Ainsi, le gouvernement estime qu’en 2012 « chaque Français, où qu’il habite, bénéficiera (…) d’un droit à l’accès à Internet haut débit opposable ». C’est une jolie formule, sauf que le haut débit (512 kbits/s) promis est aujourd’hui dépassé et qu’il le sera a fortiori encore plus en 2012. L’avenir, et même le présent, est au très haut débit (FTTH) et à la fibre optique 200 fois plus rapide. Ainsi au Japon, en août le nombre d’abonnés au FTTH a franchi la barre des 13 millions d’abonnés dépassant celui de ceux au haut débit selon une étude de l’Idate.

Le secrétaire d’Etat reconnaît lui-même que l’avenir est dans le FTTH et plus dans le simple haut débit. Ainsi il confie que « les nouveaux usages d’Internet sont particulièrement consommateurs en débit (...) et nécessitent des débits sans cesse croissants et la mise en œuvre de nouveaux réseaux, le très haut débit». Alors pourquoi diantre investir dans une technologie qu’il admet ne plus avoir d’avenir ? Quel en est l’intérêt ?

On pourrait néanmoins se réjouir de voire le FTTH pris en compte et s’attendre en parallèle à un plan ambitieux en la matière. Que nenni, « l’objectif fixé est d’atteindre, grâce à la fibre optique, les 4 millions d’abonnés ». Là encore, à titre de comparaisons les Japonais sont déjà 11 millions au FTTH et les 69% de ménages raccordés au réseau haut débit y passent progressivement. Mais l’objectif des opérateurs nippons est de proposer prochainement à leurs clients des réseaux très haut débit de générations suivantes dit NGN (Next Generation Network) comme a déjà commencé à le faire NTT au printemps.

L’état français compte ainsi investir 10 milliards d’Euro en 10 ans pour parvenir à un résultat qui offrira aux Français un service inférieur de deux générations à celui proposer au Japon en se focalisant sur des technologies qui seront dépassées. Dans le même temps au Japon, les investissements sont le fruit d’opérateurs privés (KDDI et NTT) et ne coûtent rien au contribuable. Pire, les tarifs sont inférieurs à ceux pratiqués en France : un raccordement FTTH en immeuble coûte aux alentours de 25 euros, quand Eric Besson fait miroiter du simple haut débit à 35 euros. Tout un monde de différences.

Un tel retard français pourrait paraître sans conséquence si Internet n’avaient acquis une si grande importance dans l’économie d’aujourd’hui, la performance des entreprises et même la vie de tous les jours. Ce retard fait même peur pour l’avenir de notre pays quand on pense que pour Eric Besson « ce plan peut et doit être un accélérateur de croissance (…) l’une des réponses à la crise ». C’est un peu comme si F.D.Roosevelt avait proposé de sortir de la crise de 1929 en construisant des moulins à vent.

On a l’habitude d’entendre dire que la France a dans le domaine militaire une guerre de retard. En matière de technologie numérique une chose est sûre ce sera bientôt deux !

Alexandre Joly.

29 septembre 2008

Crise à New York, champagne à Tokyo

C’est bien connu :  « le malheur des uns fait le bonheur des autres ». C’est d’autant plus vrai dans le monde économique où les poissons les plus faibles ont toujours eu vocation à être dévoré tout cru par les requins  de la finance. La crise dite des subprime qui affecte nombre d’établissements financiers depuis plus d’un an ne déroge pas à la règle.

 

Avec un peu de cynisme, nous aurions pu parler de cet alibi fabuleux que fournit la crise au  Président Sarkozy qui peut ainsi justifier, ou plutôt cacher, l’échec complet de sa politique économique  (si tant est qu’il en ait une !) qui mène inexorablement le pays au bord du marasme alors que la France est paradoxalement un des pays les moins touché par la crise. Les banques françaises feront en effet cette année encore des bénéfices substantiels.

 

Plus que résister face à la tempête, certaines institutions financières ont en effet su profiter des déboires de leurs concurrentes  anglo-saxonnes pour s’accroître. Et à ce petit jeu, ce sont des holding japonaises qui semblent avoir remporté le gros lot.

 

Depuis une semaine on assiste ainsi à un nombre impressionnant d’acquisition et de rachat.

 

Le 22 septembre on apprenait que Nomura, une des principales maison de courtage du Japon rachetait l’ensemble des activités de Lehman’s Brother en Asie et en Océanie avec ses 3 000 employés pour 225 millions de dollar.

Deux jours plus tard, c’étaient les activités de Lehman’s Brother au Moyen-orient et en Europe (2 500 employés dans 20 bureaux) qui étaient rachetés pour… 2 dollar.

Kenichi Watanabe, l’un des dirigeants de Nomura qualifia ces acquisitions d’exceptionnelles car permettant à son groupe "d’étendre son empreinte sur l’Europe ainsi que sa portée internationale » concluant que c’est « une opportunité comme on en a une par génération ».

Dans la foulée le titre prenait 9,58% à la bourse de Tokyo.

 

Dans le même temps, on apprenait lundi 22 septembre que la Mitsubishi UFJ rachetait jusqu’à 20% des actions de la deuxième maison de courtage américaine Morgan Stanley pour plus de 8 milliard de dollar. Puis le 29 septembre elle acquérait 29,8% de UnionBanCal Corp avec l’ambition de faire de la principale banque californienne une de ses filiales.

Enfin la Mizuho quant à elle achetait pour 1,2 milliard de dollar  des actions émises par Merril Lynch en janvier et qui a dû fusionner avec la Bank of America  pour éviter la faillite. Cette acquisition de titre par les Japonais a été présenté comme un simple renforcement de lien entre les deux établissements. La banque nippone souhaitant profiter des dividendes et d’une éventuelle plus value lors de la revente des titres prévue en 2010.

 

Les institutions financières japonaises sont en bonne santé. Et si elles sont si puissantes, c’est principalement le résultat de la politique gouvernementale d’assainissement et de concentration qui eût lieu dans l’archipel de 2001 à 2006. C’est notamment grâce à cette politique qu’est née la Mitsubishi UFJ Bank, deuxième plus grosse banque en avoir avec 1 700 milliard de dollar, derrière Citigroup. Elle a été fondée en octobre 2005 de la fusion de la Bank of Tokyo Mitsubishi et de la UFJ Bank. Cette dernière étant elle-même le résultat du regroupement de trois banques  en 2002, les Sanwa Bank, Tokai Bank, et Toyo Trust and Banking.

 

Contrairement à ce que disent George W. Bush ou Nicolas Sarkozy, tout ne va donc pas si mal. C’est juste une question de latitude. C’est aussi et surtout une question de politique économique.

 

Barrak Obama, avec d’autres, l’a bien compris, lui qui n’a pas hésité à désigner la politique de dérégulation des marchés opérée pendant 8 ans par l’administration Bush comme responsable des maux actuels. De même qu’on peut voir dans l’offensive financière nippone le résultat de la politique de Junichiro Koizumi qui entre 2001 et 2006 a assaini de façon drastique le milieu bancaire japonais qui souffrait des mêmes maux que ceux des Etats-Unis.

 

Ainsi, pas plus que la crise financière américaine ou que la bonne santé des banques japonaises, la faible croissance française et la morosité de son économie ne sont des phénomènes sans causes. Ils sont le fruit d’une politique. Et les premiers responsables de ses résultats sont ceux qui ont conduit cette politique.

 

Alexandre Joly.

 

 

 

22 septembre 2008

Taro Aso : nouveau Premier ministre du Japon

En remportant au premier tour ce lundi 22 septembre l’élection interne au poste de président de son parti, le Jimintō, Taro Aso deviendra automatiquement mercredi le nouveau Premier ministre du Japon. Bénéficiant d’une très large majorité à la Diète, le chef du Jimintō ne rencontrera donc aucune opposition dans sa démarche pour devenir chef du gouvernement.

 

En choisissant Taro Aso par 351 voix sur ses 527 membres électeurs, le Jimintō change une nouvelle fois radicalement de stratégie politique, tant le personnage est l’opposé de son prédécesseur Yasuo Fukuda. Ce dernier avait en effet été largement élu en septembre 2007 (contre Taro Aso déjà)  à la tête du parti car il incarnait une image plus classique, conciliante et rassurante que son adversaire. Il était aussi censé faire oublié la dérive personnaliste du pouvoir qu’avaient personnifiés les deux gouvernements de Junichiro Koizumi (2001-2006) et de Shinzo Abe (2006-2007).

 

Avec l’élection de Taro Aso, le Jimintō fait donc le choix d’un premier ministre charismatique, populiste et populaire, libéral et nationaliste qui se définit lui-même comme un faucon. Le style de gouvernance sera donc très proche de celui de Koizumi dont il fût le ministre des affaires intérieures et des communications (septembre 2003~octobre 2005), puis ministre des affaires étrangères (octobre 2005~août 2006). Il occupa ce dernier poste jusqu’en août 2007 dans le gouvernement Abe.  

 

Mais ce choix du Jimintō s’explique avant tout par la volonté du parti de se doter d’un chef de file fort en vue des élections législatives qui doivent se tenir avant septembre 2009, et capable de faire oublier les différents scandales qui éclaboussèrent cette législature. Cette analyse est qui plus est renforcée par les rumeurs d’une élection anticipée, à laquelle appellent autant Taro Aso que l’opposition, et dont certains analystes ont déjà « fixé » la date au 26 octobre.

 

Or si sa personnalité a souvent joué des tours à Taro Aso, notamment lors des 3 précédentes élections internes au poste de président du parti qu’il a largement perdu (un front anti-Aso s’était même créé l’an denier), elle lui offre aussi une popularité et une visibilité que ses adversaires n’ont pas.

 

Taro Aso, comme bon nombre de politiciens japonais, est un homme du sérail : Son père était député ; son grand-père maternel, Shigeru Yoshida, fut cinq fois Premier ministre entre 1946 et 1954 ; sa femme est la fille de l’ancien Premier ministre Zenko Suzuki ; et enfin il est le beau-frère du prince Tomohito de Mikasa, cousin de l’Empereur. Un tel lignage plaît beaucoup aux Japonais.

En costumes clairs, l’air décontracté, il cultive néanmoins une différence de style avec les autres politiciens japonais (comme Koizumi avant lui) avouant par exemple sa passion pour les manga quand les autres ont des goûts plus classiques et moins populaires.

Enfin certains traits le différencient clairement : il est chrétien (baptisé Francisco), dans un pays où ceux-ci furent longtemps pourchassés ; il a aussi participé aux J.O de Montréal en 1976 dans la discipline du Tir aux Pigeons.

 

Mais Taro Aso est aussi connu pour ses propos à l’emporte pièce, comme bon nombre de leaders populistes de droite dans le monde d’ailleurs. En 2005 il parla ainsi des Japonais en terme de race, et en 2006 alors ministre des Affaires étrangères il qualifia de positive la colonisation de Taïwan par l’armée impériale japonaise. Sa dernière « perle » est ssez récente puisqu’elle date du 4 août 2008, 3 jours après avoir été nommé numéro 2 du Jimintō : il estima alors, que laisser le Japon être gouverné par le parti d’opposition centriste, le Minshūtō, serait aussi préjudiciable pour le pays que lorsque l’Allemagne le fût par les Nazis.

 

La mission de Taro Aso est donc de mener à bien la campagne législative à venir. Une victoire de son parti le renforcera, mais elle ne pourra  pas cacher la principale réalité de la vie politique japonaise. Depuis la démission de Koizumi en septembre 2006, le pays a connu 6 remaniements ministériels, 3 premiers ministres et aucune des réformes impératives dont aurait besoin le pays tant sur le plan social (réforme des retraites t de la sécurité sociale, dénatalité) qu’économique (surendettement, opacité bancaire, retour de la décroissance)…

 

Alexandre Joly.      

 

 

 

 

 

07 septembre 2008

Kazuya Ito, l’Afghanistan et l’engagement français

Kazuya Ito avait 31 ans et était japonais. Son corps a été retrouvé mercredi 27 août dans l’est de l’Afghanistan. Mort, criblé de balles. Son crime ? Avoir été agronome et travailler depuis 2003 pour une association japonaise, Peshawar Kai. Sa mission était d’aider les paysans afghans à faire pousser patates douces et riz en lieu et place du pavot, en organisant l’irrigation de terres arides. Et c’est en se rendant sur le site d'un projet d'irrigation, dans la province de Nangarhar qu’il a été enlevé le mardi 26, 24 heures avant son assassinat.

Ainsi,au moment où la France pleure 10 de ses soldats morts dans une embuscade et s’interroge sur sa présence dans un conflit à des milliers de kilomètres de la métropole, le Japon en fait de même autour de son travailleur humanitaire. Et ce alors qu’à Tokyo des négociations doivent s’engager entre le futur gouvernement * et l’opposition sur le renouvellement de la loi annuelle de déploiement de la force de soutien aux troupes terrestres en Afghanistan qui opère dans l’Océan Indien, et qu’à Paris l’Assemblée nationale en fera de même le 22 septembre.

Dans cette optique, le meurtre de Kazuya Ito a naturellement servi d’arguments au gouvernement nippon. Ainsi, Nobutaka Machimura, le Secrétaire du Chef de Cabinet et numéro 2 du gouvernement, lors de la conférence de presse annonçant la mort de l’humanitaire, estimait « que maintenant plus que jamais, le public japonais a senti l’importance de l’obligation d’être activement engagé dans la lutte contre le terrorisme à cause du sacrifice de précieuses vies ». Défendant la position japonaise depuis 2003.

Si l’instrumentalisation de la mort d’un travailleur humanitaire, comme de celles de 10 soldats, dans un débat portant sur un engagement militaire peut paraître malsaine, elle en est pour autant inévitable. D’autant plus inévitable qu’elle est ici symbolique de la nature du combat mené.

Kazuya Ito n’était le bras armé d’aucune puissance occupante, il était un humanitaire qui avait découvert la souffrance du peuple afghan et qui s’était depuis voué à l’aider. L’association pour laquelle il oeuvrait n’était l’instrument d’aucune politique gouvernementale, ni japonaise, ni américaine. Au contraire, ses fondateurs sont des proches du docteur Tetsu Nakamura qui depuis 1984 soigne les réfugiés aux confins du Pakistan et de l’Afghanistan et qui est connu pour s’être opposé à l’intervention américaine en 2001.

Comme l’écrivait le Yomiuri Shinbun dans son éditorial du 29 août, Kazuya Ito n’était porteur d’aucune idéologie de conquête, « travaillant dur, s’intégrant à la communauté locale, ayant construit de fortes relations de confiance avec la population ». Mais comme pour les 25 autres travailleurs humanitaires tués depuis le début de l’année, ces valeurs représentaient une menace pour les Talibans. Le développement de l’Afghanistan n’ayant jamais fait parti de leur projet politique.

Alors que faire ?

Au Japon dans le parti au pouvoir, comme aux Etats-Unis chez les Républicains ou en France dans la bouche de nombreux députés de l’UMP, le maître mot est depuis 2001 : « Guerre contre le Terrorisme ». Idéologie qui est le degré zéro de la géopolitique, confondant la méthode et l’objectif, pratiquant l’amalgame et l’approximation. Idéologie d’autant plus dangereuse qu’elle se rend incapable d’identifier clairement l’ennemi qu’elle disperse les moyens et rend toute stratégie efficace impossible. Il est donc inquiétant de voir cette expression resurgir sous la plume du ministre de la Défense.

Qui plus est une telle définition ne peut justifier le déploiement dans un pays d’une coalition de 40 pays, 75 000 hommes, d’une aviation et de plusieurs groupes aéronavals. Tout le monde sait que le contre terrorisme est affaire de renseignement et de subtilité. Mais doit-on, peut-on, pour autant rester passif et laisser l'Afghanistan à son propre sort ?

Les arguments des partisans d'un retrait de toutes les forces "alliées" sont connus : guerre pour les intérêts de l'Oncle Sam (oubliant en cela la légalité et le soutien des Nations Unis à ce conflit), guerre d'occupation contre les Afghans (omettant leur expression démocratique et le fait que de nombreux Talibans soient étrangers), bourbier et donc guerre impossible à gagner....

Non, car cette guerre est en fait, sommes toutes assez classique. Elle se fait contre une entité politico-militaire claire (les Talibans, soutenus sporadiquement par quelques nationalistes et chef de guerre pashtounes), leur idéologie (une conception nihiliste du Jihad) dans un cadre géographique restreint. Or les Talibans et leur idéologie portés au pouvoir ont montré de 1996 à 2001 leur dangerosité pour la stabilité de la région et au-delà pour l’Afrique, l’Asie centrale, jusqu’à New-York. Un retour des Talibans, c’est l’assurance d’un embrasement des pays voisins (dont la Chine avec le Xinjiang et le Pakistan nouvellement démocratique, deux puissances nucléaires), mais aussi d’une relance des réseaux jihadistes en Europe ou leur renforcement en Afrique. Alors, si nous n’appuyons pas les propos présidentiels quand il dit à Kaboul le 20 août « que ici se joue une partie de la liberté du monde » on admettra que le monde vivra beaucoup plus en sécurité avec un Afghanistan sans Taliban.

Argument qu’il est aujourd’hui difficile de contredire pour les partisans européens comme japonais d’un retrait des troupes. Opposé à la mission japonaise dans l’Océan Indien, le Asahi Shinbun s’est retrouvé embarrassé dans son éditorial du 29 août, se contentant de réclamer « un retrait temporaire de tous les personnels des régions instables » ajoutant que le Japon devait « comme nation, surmonter son chagrin et continuer à être actif. » sans appeler, ni à la reconduite, ni à l’annulation de la mission japonaise, une première. Car la position devient intenable pour les partisans, au Japon comme en France, d’un retrait au soutien militaire.

Contester la présence militaire étrangère, c’est vouloir laisser les Talibans reprendre le pouvoir à Kaboul, avec le cortège d’horreurs qu’on a déjà connu comme l’ont rappelé B. Kouchner et H. Morin dans leur tribune paru dans Le Monde du 29 août. De 1996 à 2001, «la dignité de la femme y était bafouée, les droits de l'homme inexistants, l'obscurantisme et la terreur omniprésents. Sous ce régime, les femmes n'étaient ni scolarisées ni soignées, les opposants étaient pendus dans les stades, la culture et la civilisation du pays reniées. ».

Cette guerre, elle est donc menée à la fois pour éviter un accroissement de l’instabilité mondial, mais aussi et surtout au nom d’une certaine idée du genre humain.

C’est pour cela que si avec François Bayrou nous pensons que la stratégie engagée, axée sur un effort tant militaire qu’économique, social et politique est bonne, si nous soutenons l’engagement français et pensons qu’il doit être consolidé et renforcé, nous estimons qu’il nous faut aussi, en tant que démocrates, exiger l’exemplarité dans la façon de mener cette guerre. L’exemplarité c’est pour le gouvernement et l’Etat Major s’imposer une plus grande transparence dans la gestion stratégique et tactique du conflit, accepter la critique, rendre des comptes. C’est aussi pour la diplomatie française négocier, avec l’aide des autres Européens, notre plus forte présence sur le terrain en exigeant des Américains que cessent les bombardements hasardeux de villages, la mort de civils, les emprisonnements arbitraires, l’impunité face aux détournements des aides qui in fine affaiblissent la légitimité de l’intervention et sont totalement contre productif puisque façonnent les adversaires de demain.

Alexandre Joly.

* Le cabinet Fukuda a démissionné le premier septembre mais il gère les affaires courantes en l'attente de l'élection d'un nouveau président à la tête du parti majoritaire prévu à la fin du mois. L'élu deviendra alors le nouveau chef du gouvernement.

14 août 2008

Le Japon dans L’Histoire

Comme régulièrement pour son numéro double des mois de juillet et d’août, l’excellent magazine L’Histoire (n° 333) titre son numéro spécial sur un pays ou une zone géographique déterminée.

 

Ainsi, après l’Amérique latine l’an dernier, la Chine en 2005 ou encore l’Inde en 2003, c’est au tour du pays du soleil levant d’être cette année à la une du magazine. Intitulé Le Japon, des samouraïs aux mangas, le mensuel offre à ses lecteurs un ensemble de vues de l’histoire du pays de la préhistoire à nos jours.

 

C’est aux travers d’une approche pluridisciplinaire de l’histoire qui voit se mêler aussi bien  des articles consacrés à la géographie, comme  Le paysage des extrêmes de Philippe Pelletier, l’archéologie, la sociologie ou encore la géopolitique présente avec La puissance paradoxale de Karoline Postel-Vinay que sont brillamment abordés les paradoxes, continuités ou ruptures de l’histoire du Japon.

 

Si on regrettera une hypertrophie de l’histoire contemporaine avec ses 9 grands articles au détriment des périodes antiques et médiévales (4 articles) ou modernes (4 aussi), on en appréciera d’autant plus la qualité des dits articles qui offrent une vision plus nuancée et moins radicale du Japon que celle habituellement servie par les médias français.

 

L’Histoire, n° 333, juillet-août 2008

6,40 €

 

Alexandre Joly.

05 août 2008

La chute annoncée du PLD ?

Rien y fait !  La chute de la maison Jiminto (le Parti Libéral Démocrate), au pouvoir au Japon depuis presque 60 ans, semble irrémédiable. Et le remaniement ministériel opéré par le Premier Ministre Yasuo Fukuda vendredi 1er août, pourtant sensé lui offrir une petite bouffée d’oxygène dans un océan de sondages négatifs, n’aura pas eu l’effet escompté.

Avec une cote de popularité tombée au-dessous de 25% de satisfaction en juillet, et suivant l’idée que « le soutien du public au gouvernement augmentait généralement après avoir été remanié » comme l’écrivait le  Japan Times du 04 août, , le chef du gouvernement espérait s’offrir un second souffle avant d’attaquer la ligne droite qui mène aux Législatives de Septembre 2009. Peine perdue : selon deux sondages opérés ce week-end par les journaux Mainichi  et  Asahi, le taux de satisfaction a au mieux pris trois points selon le premier, au pire est resté inchangé selon le second. Seul et isolé, le journal conservateur Yomiuri aurait noté une augmentation de 14 points à 41%.

Mais pourquoi cette défiance sans précédent ?

Propulsé chef du gouvernement en Septembre 2007, suite à la démission de Shinzo Abe qui avait tenu son poste moins du’un an, Yasuo Fukuda avait alors la triple tâche d’effacer et résoudre les scandales apparus sous son prédecesseur et qui furent à l'origine de sa démission (affaires de corruption touchant notamment le ministère de la Défense ; perte de millions de dossiers de cotisations retraite), résoudre les problèmes endémiques de financement des caisses de sécurité sociale et de retraite, et enfin faire oublier les réformes libérales, devenues impopulaires, de Junichiro Koizumi (2000-2006) qui  avaient entraînées un accroissement sans précédent des inégalités. Sa compétence, son expérience et son intégrité associés à son désir de développer une "société plus sûre pour tous les Japonais" devaient donc rabibocher le PLD et les électeurs. 

Mais, héritant d’une situation déjà bien difficile, il eut à travailler avec un gouvernement dont il n’avait pas choisi les membres et qu’il ne pût modifier car remanié un mois à peine avant sa nomination et surtout il dût apprendre à gouverner avec une Chambre Haute acquise à l'opposition et bénéficiant d'une capacité de blocage importante et paralysant son action. Dans ces conditions la crise des subprime qui n’épargna pas le marché nippon, et depuis quelques mois la hausse du prix des carburants et des matières premières ont été encore plus difficiles à appréhender et à gérer. Conclusion de 10 mois de gouvernance Fukuda: non seulement les problèmes dont il a hérité n’ont pas été solutionné mais en plus s’y sont ajoutées de nouvelles crises qui touchent directement le pouvoir d’achat des électeurs japonais. Rien de bon pour les élections !

Le chef du gouvernement aurait pu plaider qu’aucune de ces crises n’était de sa responsabilité, tant au niveau mondial que national, si son incapacité à les gérer n’était aussi en cause. Au point de vue politico-judiciaire, les affaires de corruption continuent à faire jour au ministère de la Défense, les dossiers retraite et sécurité sociale sont au point mort, et la hausse des prix touche les produits de base et donc les ménages les plus faibles. Mais plus grave que ces mauvais résultats, on est en peine à fixer la ligne politique du gouvernement.

Et le remaniement de vendredi n’a fait que renforcer ce manque de visibilité. En effet comme nombre des ministres sont connus pour être des libéraux, tel le ministre de l’Economie  Bunmei Ibuki, apôtre du désengagement de l’état et de la réduction de ses dépenses, on aurait pu penser à un retour d’une politique de réforme comme l’a connu le Japon sous le cabinet Koizumi. Mais parce que celles-ci furent impopulaires, les premières déclarations du premier ministre (parfois en contradiction avec ses ministres) ont été pour annoncer  des aides d’urgence aux pêcheurs, qui ont pourtant déjà reçus près de 74 milliard de yens de subventions spéciales, et une prochaine révision à la hausse du budget, déficitaire, pour amortir les difficultés liées à la hausse des prix. Alors politique d’austérité ou relâchement budgétaire ?

Dans le même ordre d’idée, la nomination à la tête d’un populaire Secrétariat à la Défense des Consommateurs de l’égérie anti-Koizumi, Seiko Noda (elle s’était opposée à la privatisation de  la Poste) contraste avec les nominations des libéraux Kaoru Yosano et Toshihiro Nikai aux ministères des finances et du commerce qui furent  eux, des artisans des réformes libérales de Koizumi. Dont celle de la Poste.

Cette distribution tous azimuts, et toutes factions du PLD confondues, de ministères s’est aussi répercutée dans l’organigramme du parti. Ainsi Taro Aso, opposant malheureux de Fukuda lors des dernières élections à la tête du parti, réapparaît-il comme Secrétaire Général et donc futur premier ministrable. Taro Aso, faucon en politique étrangère pourrait faire tâche dans la politique de réchauffement des relations avec le voisins chinois et coréens entreprise par Yasuo Fukuda.

En fait, il semblerait que l’objectif de ce dernier ne soit pas, contrairement aux vœux pieux du Yomiuri dans son édito du 2 août de « s’attaquer aux problèmes politiques urgents», mais bien plutôt comme l’a présenté le Japan Times de «mener son camp à la victoire lors des prochaines élections à la chambre basse avec un PLD unifié ». A défaut d’être cohérent pourrait-on rajouter. 

Pari risqué car ce ne sont que des gesticulations politiciennes visibles, qui en plus sont en contradiction  avec  la stratégie du principal allié du Jiminto, le  Shin-Komeito. En effet ces dernières semaines celui-ci appelait ouvertement à des élections anticipées et à un changement de premier ministre. L’objectif du parti bouddhiste était que soient dissociés les élections Législatives (mal engagées), prévues en Septembre 2009 de celles du parlement de Tokyo, fief et base du parti, en août 2009. Or ce remaniement et les déclarations qui s’en suivirent montrent qu’il n’en sera pas ainsi et le risque est grand que la politique ouvernementale soit sanctionnée lors de ces deux échéances électorales..

Enfin autre source de tension entre les deux partis, le Shin-Komeito est opposé à son allié sur la prorogation de la loi anti-terroriste qui doit être voté cet automne. Or avec une opposition qui domine la Chambre Haute (équivalent du Sénat), les voix du parti bouddhiste sont indispensables au PLD pour faire adopter cette loi impopulaire à la chambre Basse. Mais « après 9 ans d’alliance » s’interroge le journal Asahi, bien que le Shin-Komeito en aie retiré des bénéfices politiques indiscutables « que pense maintenant le parti et que veut-il faire ?». Va-t-il accompagner son allié dans sa chute ?

Ainsi, une conjoncture défavorable, son incapacité à se renouveler, une absence de ligne politique claire et un allié frustré laissent à penser que 2009 pourrait voir le Jiminto être pour la première fois exclue du pouvoir et son rival le Minshuto, le Parti Démocrate, devenir le premier parti à faire jouer l’alternance au Japon. Mais ce serait non seulement oublier les particularismes des élections japonaises mais surtout faire abstraction de l’immense complexité de la vie politique nippone et de ses incroyables rebondissements.

Alexandre Joly. 

14 mai 2008

Interview au blog du démocrate

Je retranscris ci-après, l'intégralité d'un questionnaire que nous a fait parvenir le blog du démocrate en début de mois. 

 * * *

 - Quelle est l'image générale du mouvement démocrate parmi les français résidant du Japon, de Tokyo ? Quelles sont les réactions des japonais curieux de vos actions et démarches ?

Alexandre Joly : L'image du Modem parmi la communauté française au Japon est similaire à celle des Français de l'hexagone. Cela va de la sympathie et la communion de valeurs ou d'idée, à la critique habituelle des partisans du bipartisme selon lesquels nous n'avons pas d'idée ou de programme et que nous sommes indécis.

Ceci dit, les bons résultats de François Bayrou lors du premier tour de la présidentielle de l'an dernier sur le Japon, où il a terminé second avec un résultat supérieur à 23% dans chacun des deux bureaux de vote de l'archipel, tendent à démontrer que son message passe bien dans la communauté.

Pour ce qui est de l'attitude des Japonais concernant le Modem, elle à l'image de celle qu'ils ont pour la politique française en général: un desintérêt poli. Si les grands médias ont traité de la campagne de 2007, c'était plus pour mettre en valeur le fait qu'une femme avait des chances d'être élue que sur le contenu des programmes.

Hervé Tisserand : Les Japonais ne connaissent guère la situation politique française. Nicolas Sarkozy est bien évidemment connu mais c'est pratiquement le seul leader politique français actuel à l'être.

De l'élection présidentielle, les médias japonais n'ont retenu que l'affrontement Sarkozy-Royal. Malheureusement, François Bayrou et le Modem ne sont guère connus en dehors de quelques cercles francophiles et de spécialistes. Cependant, on peut considérer qu'il en va de même pour les Français concernant ce qui se passe au Japon.

Quant aux Français résidant au Japon, le regard qu'ils portent sur le Modem est semblable à celui des Français de France comme l'a bien dit Alexandre. Ce qui est inquiétant, c'est le peu d'intérêt pour les programmes d'où une méconnaissance de ceux-ci et de ce qu'ils impliquent malgré le fait qu'ils soient souvent disponibles sur le net. Cela peut expliquer le désenchantement de certains qui avaient voté pour Nicolas Sarkozy.

- Quelles sont les initiatives originales prises par l'antenne d'Osaka dont vous êtes le plus fiers ?

 A. J. : Incontestablement notre blog. Nous avons été les précurseurs au Japon dans la blogosphère des mouvements politiques français à en créer un. Si bien que des sympathisans locaux de l'UMP ont découvert notre site et se sont empressés d'en organiser un pour soutenir leur candidat dans les semaines qui suivirent.

H. T. : Je confirme que notre blog est ce dont nous sommes le plus fier. Il a permis de diffuser les idées du Mouvement Démocrate au sein de la communauté francophone du Japon. Il a également permis de donner des informations importantes à cette même communauté concernant la vie au Japon.

- Quelle sont les spécificités de l'antenne modem d'Osaka ?

A. J. : D'être à Osaka et non à Tokyo, la capitale du pays. C'est un concours de circonstance qui résultait de l'existence d'une forte concentration de jeunes Français dans une entreprise japonaise sur Osaka et qui a donc amener à des échanges de point de vue politique et au rassemblement de certains sympathisants du modem.

Cela tient aussi à la structure sociologique de la répartition géographique des ressortissants français au Japon. Dans la région d'Osaka/Kyoto, le Kansai, nombreux sont les universitaires, professeurs et artistes. Cela s'est ressenti lors du premier tour où S. Royal a fini en tête et F. Bayrou deuxième. Inversement, à Tokyo les cadres d'entreprise, les entrepreneurs sont majoritaires et N. Sarkozy a fini en tête, juste devant F. Bayrou.

H. T. : Comme l'a bien remarqué Alexandre, les Français du Kansai (la région d'Osaka et de Kobe) diffèrent sensiblement de ceux du Kanto (la région de Tokyo). Ici, la population française est sans doute plus jeune et un peu moins liée aux grandes entreprises françaises.

- Quelles sont les attentes des français de l'étranger pour participer à la vie du mouvement ? Quelles seraient vos suggestions ?

A. J. : Les Français de l'étranger ne sont pas un groupe homogène, il y a différents types d'émigrès et donc différents types d'attentes. Aux deux extrêmes, vous avez tout d'abord l'expatrié, envoyé pas sa société pour une mission à moyen terme, dont les préoccupations sont de l'ordre du pratique et de l'instantané (école pour les enfants, côtisations retraite, impôts...) et puis vous avez l'émigré intégrationniste, qui travaille dans une société japonaise, a un conjoint japonais qui ne sait pas s'il va rentrer un jour et dont les attentes politiques seront plus idéologiques et globalisantes (image de la France, relations avec le pays en question, politique sur la double-nationalité...)

Un parti politique moderne devrait avoir une fédération regroupant des membres qui incarneraient ces différentes tendances.

H. T. : Beaucoup de résidants regrettent leur manque de représentativité à l'assemblée nationale. Il est difficile de faire entendre la voix des Français vivant à l'étranger alors que nous sommes de plus en plus nombreux. François Bayrou et le Modem envisagent d'importantes réformes concernant la décentralisation. Il faudrait que certains de ces projets concernent ceux ne résidant pas ou plus sur le sol français et notamment leur représentativité politique et leur participation à la vie nationale.

Nous pouvons apporter beaucoup de choses et notamment un regard sur la France plus distant. Nous pouvons également faire savoir comment ça se passe ailleurs - certaines idées sont bonnes à prendre. On éviterait ainsi les débats trop franco-français.

- Le potentiel d'internet est souvent mis en valeur pour l'animation interne des mouvement politiques, notamment à l'étranger. Quelles vertus lui accordez-vous réellement ?

A. J. : Pour les Français de l'étranger, Internet a révolutionné notre relation avec la métropole en général et le suivi de la politique française en particulier. Pour avoir vécu deux campagnes présidentielles depuis le Japon (2002 et 2007), je peux vous affirmer que la seconde a été vécu comme l'ont vécu des millions de nos concitoyens alors que la première n'a été qu'un lointain cauchemard.

Cette différence se voit tout d'abord dans la capacité et la rapidité d'accés aux programmes politiques, aux informations générales et au débat public qu'offre l'Internet. Les blogs et surtout les sites d'information des journaux, TV, radio accessibles online sont des moyens de s'informer en temps réel, quand il fallait attendre une semaine au par avant pour avoir les journaux par courrier.

Ensuite, Internet est un moyen très efficace pour « atteindre » les gens et débattre avec eux. Les forums et sessions de « chat » sont notament de très bons vecteurs pour lier les différents membres de la commuanuté française.

Car il ne faut pas oublier une chose, c'est que nos concitoyens sont isolés quand ils vivent à l'étranger. Imaginez que sur un archipel comme celui du Japon il n'y a que 2 bureaux de vote à Tokyo et Osaka, qui correspondent aux deux grandes concentrations de ressortissants français, et des centaines de nos concitoyens vivent à des heures de transport de celles-ci.

H. T. : Internet permet à toute personne éloignée du sol national de garder un contact direct avec son pays: Il est possible de suivre l'actualité au jour le jour et de savoir où en est le pays.

Pour les personnes vivant dans un pays étranger, cela permet d'établir des contacts et de former des communautés dans lesquelles on peut discuter voire débattre.

Internet est aussi un moyen de partager des expériences et des ressources. Les mouvements politiques devraient plus utiliser ce vecteur pour communiquer avec leurs adhérents et leurs sympathisants et pas seulement lors des grandes échéances électorales. Je ne crois pas trop, pour des raisons de cohérence et de faisabilité, à l'idée de la démocratie participative telle que la conçoit Ségolène Royal mais il n'empêche que les discussions, qu'elles aient lieu dans une salle ou sur internet, peuvent permettre d'enrichir le débat politique.

-  A quelles consultations du mouvement démocrate souhaiteriez-vous être associer ?

A. J. : Aujourd'hui, comme jamais dans l'histoire de notre pays, de nombreux Français s'expatrient et émigrent plus ou moins longtemps. Nous entrons dans une ère d'hyper-nomadisme pour reprendre les termes de Jacques Attali dans sa « Bréve histoire du futur » et un parti politique moderne doit pouvoir capter ces Français nomades en les intégrant pleinement à ses structures.

Des fédérations des Français de l'Etranger d'Asie, d'Amérique ou d'Afrique, en fonction de leur nombre devraient être créées et ses membres avoir les mêmes possibilités d'agir sur le parti que les membre de la fédération du Gers ou celle de Paris...

De même que les institutions de la République devraient mieux prendre en compte les ressortissants français de l'étranger. Mais ceci est une autre histoire.

Ensuite, en tant que blog de sympathisants du Modem, nous aimerions aussi avoir un interlocuteur privilégié à l'intérieur de celui-ci qui répondrait à nos questions, qu'elles soient d'ordre politique ou juridique.

Aujourd'hui, la révolution Internet dont nous parlions précédemment permet d'abattre toutes les difficultés matériels,comme l'éloignement, pour les mettre en place.

H.T. : De nos jours, de plus en plus de Français vivent à l'étranger. La mondialisation fait que les pays sont de plus en plus interdépendants et en même temps et chacun d'entre eux cherche à profiter au maximum de ce mouvement. Je pense qu'un parti politique tel que le Mouvement Démocrate a besoin d'une structure permettant à ses adhérents et à ses sympathisants de faire connaître leurs expériences. Les experts ne suffisent pas. Les Français de l'étranger peuvent montrer comment on vit dans d'autres pays et mettre en lumière les avantages et les inconvénients de ces derniers.

- Quels sont vos perspectives et objectifs pour 2008-2009 ?

A. J. : Les blogs comme le nôtre ont un pic d'activité lors des campagnes électorales. Les prochaines échéances seront donc européennes, même si les Français de l'étranger ne sont pas conviés à s'exprimer sur cette élection importante comme sur tant d'autres, comme les Législatives.

D'ici là nous continuerons à nous concentrer sur les trois objectifs de notre blog : Participer au débat politique par la publication de points de vue et de commentaires, informer sur la vie au Japon et surtout tenter de rassembler autour de la diffusion des valeurs démocrates.

H. T. J'espère que nous pourrons mieux faire connaître l'actualité japonaise aux Français – le Japon est quand même la deuxième puissance économique du globe.

J'espère également que des Japonais accepteront d'intervenir directement sur notre site afin de diversifier les points de vue.

- Un dernier mot ?

A. J. : La démocratie et ses valeurs sont aujourd'hui mises à mal dans de nombreux pays par une substitution du principe de raison à celui de passion. De chacun de ces deux principes découlent pourtant deux façons radicalement opposées de s'adresser au peuple souverain et d'obtenir ses suffrages : c'est la voix du démagogue contre celle du démocrate.

C'est cette dernière que notre blog entend porter.

H. T. : Nous sommes dans une situation où nous avons l'impression de prêcher dans le désert. Quand on souhaite débattre sur le fond, on nous oppose une politique de communication, quand les gens veulent parler d'un sujet important, on préfère donner la parole aux experts qui sont souvent coupés de certaines réalités, quand il faudrait réfléchir à certaines questions à tête reposée, on est convié à réagir vite et en fonction de notre émotion du moment, etc. Il ne faut pas désarmer mais continuer à faire part de nos convictions.

 

06:33 Publié dans News du Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : modem, japon, blogs