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16 mars 2007

Signature d'un traité de sécurité entre le Japon et l'Australie

Le 13 mars 2007, le Japon et l'Australie ont signé un traité de sécurité à l'occasion de la visite du premier ministre australien dans l'Archipel. Au Japon, c'est un événement car c'est seulement le deuxième traité de ce type signé par le Japon. Le premier fut le traité de sécurité nippo-américain signé en 1951. Ce dernier engageait et engage toujours les Etats-Unis à assurer la défense du Japon.

Le traité australo-japonais est différent dans le sens où il instaure une coopération bilatérale en matière de sécurité et de maintien de la paix dans la région. Deux des principaux piliers de cette alliance sont la lutte contre la prolifération des armes de destructions massives (cela vise particulièrement la Corée du Nord) et la lutte contre le terrorisme. Mais un autre volet important est la volonté de coopérer lors de mission de maintien de la paix notamment via l'ONU. D'ailleurs, l'Australie soutient le Japon dans sa demande d'être sélectionné comme membre non-permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies en 2008. Les liens sont donc renforcés entre ces deux pays principaux alliés des Etats-Unis dans la région.

Washington a beaucoup encouragé ce traité et d'aucun y voit une étape supplémentaire dans la politique de containment de la puissance chinoise. Shinzo Abe et John Howard ont bien évidemment expliqué que ce traité ne visait pas la Chine. Ainsi, Shinzo Abe a déclaré que "Cette alliance ne vise pas à contenir la Chine et n'a pas Pékin en ligne de mire". On peut cependant en douter même si les objectifs avoués dans le traité sont réels. Une telle alliance sert les intérêts américains mais il ne faudrait pas en conclure qu'il s'agit d'un simple pacte entre deux vassaux de l'Amérique. L'Australie et surtout le Japon ont de bonnes raison de vouloir développer de telles coopérations militaires et diplomatiques. Ces raisons sont liées à leurs intérêts vitaux. Depuis longtemps, le Japon s'inquiète de la monté en puissance économique et militaire du voisin chinois. Les dirigeants japonais souhaitent donc resserrer les liens avec les pays qui "partagent des valeurs communes" . Aujourd'hui, c'est l'Australie mais il se pourrait que le Japon cherche à être plus proche de l'Inde dans les années qui viennent. Il est à noter que si les premiers ministres australien et japonais ont insisté sur le fait que ce traité a été signé entre deux pays qui sont des puissances économiques et des démocraties. Un éditorial daté du 14 mars dans le Daily Yomiuri souhaite même un plus grand partenariat stratégique entre le Japon et l'Australie. Outre une coopération militaire, il souhaite un renforcement des relations économiques via des discussions bilatérales.

Il faudra attendre pour voir quel sera l'impact de ce traité en Asie de l'est mais la Chine a déjà réagi via la voix d'un porte-parole du ministère des affaires étrangères. Ce dernier espère vraiment que cette alliance ne vise pas Pékin ("nous espérons que ce qu'ils disent est vrai") et il a rappelé que la Chine n'est pas un pays qui menace ses voisins et qu'il n'envahira aucun pays (Taïwan n'est pas considéré comme un état indépendant par Pékin). On peut en déduire que ce traité irrite voire inquiète la Chine.

Hervé Tisserand.

13 mars 2007

« Chérie ! Y'a Bayrou à la télé... japonaise. »

    Ce vendredi 09 mars 2007 restera dans les annales comme le jour où le Japon a découvert François Bayrou. En effet pour la première fois depuis que les médias nippons traitent de la campagne présidentielle, ceux-ci ont fait référence au candidat centriste, et à la possibilité d'un deuxième tour qui ne serait pas le duel annoncé.

Il aura, pour cela, fallu attendre le sondage réalisé par CSA pour I-Télévision et Le Parisien, publié en France le 08 mars, et ce score de 24 % qui a fait frémir les Q.G de campagne de l'U.M.P et du P.S. Les journaux de l'archipel, ont alors publié une dépêche A.F.P Jiji qui reprenait les chiffres de l'enquête CSA et les commentait.

Plus que les scores du premier tour, ce sont surtout ceux du second qui ont surpris les médias japonais. Alors que François Bayrou leur était inconnu, ils se sont aperçus que tous les sondages le donnaient vainqueur au second tour devant chacun des deux autres candidats. Mais plus surprenant encore à leurs yeux a été le résultat du sondage de Paris Match dans lequel F. Bayrou « est le candidat le plus populaire, avec 75% de bonnes opinions » contre « 58 % pour Sarkozy et 55 % pour Royal. ».

Dans le Japan Times du 09 mars 2007, F. Bayrou a tout d'abord été présenté comme l'ancien ministre de l'éducation en qui le journal voit l'homme qui incarne une « troisième voie  entre le clivage gauche-droite » . Selon le journal, ses chances de se qualifier pour le second tour grandissent au fur et à mesure que «l'étoile de Royal s'affaiblit ».

Lundi 11 Mars, ce fut enfin au tour de la très officielle chaîne N.H.K de parler de F. Bayrou. Commentant ainsi le dernier sondage qui mettait S.Royal et F.Bayrou sur un score de parité de 23 % au premier tour, la chaîne a présenté l'originalité de la démarche du candidat centriste et sa volonté de rassembler à droite comme à gauche.

Mais la star politique française des médias nippons reste encore J. Chirac, dont l'annonce du retrait a été saluée unanimement, et a éclipsé la campagne l'espace d'une journée. Très fort sera donc le président français qui le détrônera dans le coeur des Japonais.

Alexandre Joly.

10 mars 2007

Sarkozy dévoilé

Le Daily Yomiuri, reprenant une dépêche Associated Press, a consacré ce mercredi un article sur les manifestations des employés d'Airbus à Toulouse et leurs implications dans la campagne présidentielle.

Notant la forte mobilisation syndicale, l'article a surtout relevé la tout aussi forte présence de candidats à la présidentielle dans la ville rose. Cette présence s'exprimant soit lors de la manifestation comme l'a fait José Bové, soit lors de contacts avec les organisations syndicales. Le journal a aussi repris les déclarations des deux principaux protagonistes de la campagne. Avec un sens critique et une acuité que n'ont malheureusement pas ou plus nos médias hexagonaux.

Ainsi, le reporter a souligné, non sans malice, la magnifique volte-face de N.Sarkozy sur le sujet. Ce dernier qui « lundi disait que l'état français devrait être mieux représenté dans l'actionnariat d'Airbus » et accroître sa part d'actionnariat, «  suggérait la semaine dernière que les gouvernements étaient de bien piètre actionnaires stratégiques et devaient laisser des investisseurs privés mener E.A.D.S. ». Pour information, en japonais, une girouette se dit kazamidori (風見鶏).

Ou quand la presse étrangère commence à découvrir la vrai personnalité du candidat U.M.P.

Alexandre Joly.

07 mars 2007

Tout comme la France, le Japon a du mal à appréhender son histoire

Au Japon, le problème se pose en des termes différents mais les débats engendrés ont la même porté que ceux qui agitent la France. Ici, il n'est pas vraiment question de repentance nationale ou de "lois mémorielles". La question centrale est celle de la responsabilité du Japon pendant la deuxième guerre mondial du comportement de ses troupes dans les pays qu'il a occupé et par conséquence de ses relations avec ses voisins.

Le 1er mars 2007, Shinzo Abe, premier ministre du Japon, a déclaré que, selon lui, "il n'y a pas de preuves de prostitution forcée" de dizaines de milliers de femmes dans les pays occupés par les troupes japonaises pendant la guerre. Suite à cette déclaration, la Corée du Sud a réagi immédiatement par la voix de son ministre des affaires étrangères, Song Min-soon, qui a notamment déclaré que ce type de propos n'était "pas utiles" et qu'il fallait reconnaître la vérité. Des organisations philippines ont également dénoncé les propos du premier ministre japonais. Une victime de cet "esclavagisme sexuel", Hilaria Bustamante, une Philippine de 81 ans abusée sexuellement pendant un an à l'âge de 16 ans dans une garnison japonaise en 1942. a déclaré : "ce qu'il (Abe) a dit me met en colère. Ils (les dirigeants japonais) pensent que nous sommes juste du papier toilette que l'on peut jeter après utilisation." Suite à ces différentes réactions négatives, Shinzo Abe a chercher à minimiser ses propos en déclarant qu'il s'en tenait toujours à la déclaration de Yohei Kono, porte-parole du gouverment de l'époque, en 1993 qui s'était excusé au nom du Japon pour la prostitution forcée et pour l'implication du gouvernement militaire dans certains cas. Il est à noter que le premier ministre n'a pas repris les mots de cette déclaration mais y a seulement fait référence. Il a également dit qu'il y avait plusieurs définitions du mot "forcé". Depuis la déclaration Kono, Le Japon a mis en place un fond d'indemnisation des victimes de cette prostitution forcée (en 1995) mais ce fond est financé par des dons privés et non par l'Etat. Pour les victimes, cela signifie que le Japon ne reconnaît pas encore vraiment ce crime d'autant plus que la diète japonaise n'a jamais officiellement approuvé cette déclaration. Pourtant, nombre d'historiens ont mis en relief la prostitution forcée et à grande échelle de femmes asiatiques dans les régions occupées par l'armée impériale. Ils estiment qu'environ 200 000 femmes en ont été victimes. Ceci a été corroboré par de nombreux témoignages de victimes, de témoins mais aussi d'anciens soldats japonais (voir cet article du Japan Times pour plus de détails).
Depuis sa nomination au poste de premier ministre, monsieur Abe avait pourtant cherché à resserrer les liens diplomatiques avec les pays voisins et notamment en évitant de provoquer ces derniers par des déclarations ou des actes ambigus à la différence de son prédécesseur, Junichiro Koizumi.

Comment expliquer de telles déclarations ? Il y a plusieurs explications plausibles à celles-ci.
La première est que le fond d'indemnisation des victimes sera démantelé le 31 mars 2007 après 12 ans d'existence. Seulement 360 femmes auront bénéficié de compensations financières (voir l'article en anglais du Japan Times à ce propos).
En outre, des élections se profilent et la cote de monsieur Abe est au plus bas. Il cherche sans doute à s'attirer les voix du camps le plus conservateur de l'opinion publique japonaise.
Mais au delà de cet opportunisme électoral, il faut rappeler que monsieur Abe est le petit-fils d'un ancien Ministre du Commerce et de l'Industrie du gouvernement militaire, Nobusuke Kishi qui fut arrêté comme possible criminel de guerre avant d'être relâché sans jugement par les Américains. Il fut ensuite premier ministre du Japon, respectivement du 25 février 1957 au 12 juin 1958 et du 12 juin 1958 au 19 juillet 1960. On peut donc penser qu'il y a une part d'éducation familiale dans la posture adoptée par Shinzo Abe. Il faut ajouter que monsieur Abe a longtemps été proche d'un groupe de 130 députés du PLD (parti conservateur dominant) dirigé par Nariaki Nakayama et qui s'est arrangé pour ôter toute référence à la prostitution forcée dans la plupart des manuels d'histoires des collèges. En effet, Nariaki Nakayama fut ministre de l'éducation de septembre 2005 à octobre 2006 ! Shinzo Abe, tout comme Nariaki Nakayama, a aussi appelé à l'annulation de la déclaration de Kono (1993) avant d'occuper des postes officiels notamment dans le gouvernement de Junichiro Koizumi.
Mais ce qui me paraît important, c'est qu'au-delà de la personnalité du premier ministre japonais, beaucoup de Japonais partagent cette vision de l'histoire soit par méconnaissance historique soit consciemment. Il n'y a pas eu la même pression morale sur le Japon que celle qu'à connu l'Allemagne. De plus, le fait que ce pays fut le seul à être victime de l'arme atomique a fait que les Japonais se sentent souvent plus victimes que responsables des événements. Il ne faut toutefois pas trop noircir le tableau et voir que la société japonaise a évolué et continue à le faire. Cependant, l'enseignement de l'histoire reste un grand chantier et on peut rappeler que la France a eu (et a encore) beaucoup de mal à accepter ce que furent réellement Vichy ou la guerre d'Algérie. Le fait que le congrès américain puisse voter une résolution voulant obliger le Japon à s'excuser pour avoir instaurer un système de prostitution forcée pendant la guerre ne va peut-être pas aider le travail de mémoire des Japonais. Au lieu d'une ingérence politique, il vaudrait mieux que des historiens étrangers fassent des recherches et publient leurs travaux dans le pays concerné à l'image de ce que Robert Paxton a fait sur Vichy.
 
Hervé Tisserand

05 mars 2007

Japon-Corée du Nord : Rencontres bilatérales

Des émissaires des gouvernements japonais et nord-coréens se rencontreront les 7 et 8 Mars à Hanoï dans le cadre des accords conclus le 13 Février lors des Pourpalers à 6 sur le programme nucléaire nord-coréen. Ces rencontres bilatérales sont les premières depuis plus d'un an.

Si les protagomistes affirment se rendre à ces rencontres avec l'idée de « traiter des différents problèmes (...) dans un esprit sincère et honnête » comme l'a expliqué le secrétaire du Chef du Cabinet Yasuhisa Shiozaki, le contexte de cette rencontre reste quant à lui hautement électrique.

Le Japon a en effet réaffirmé qu'il ne prendrait pas part aux compensations énergétiques et alimentaires qui ont été promises à la Corée du Nord en échange de la fermeture de la centrale nucléaire de Yongbyon et de la cessation de ses activités dans ce domaine. Le gouvernement de Shinzo Abe tient en effet à conditionner cette aide au problème des Japonais kidnappés par le régime communiste durant les années 1970 et 80.

Il est assuré dans cette posture, sinon du soutien, tout du moins de la « compréhension » du gouvernement américain comme l'a rappelé le vice-président Dick Cheney lors de sa visite de 3 jours dans l'archipel. Celui-ci a, à cette occasion, chamboulé son emploi du temps pour rencontrer les parents de Megumi Yokota, enlevée en 1977, à la pointe de ce combat pour leur assurer qu'il transmettrait au président G.W.Bush leur message.

Autre source de tension : les récents démêlés de l'Association Générale des Coréens Résidant au Japon, Chongryun, proche du régime de Kim Jung Il, avec les autorités japonaises. L'association est en effet soupçonnée d'avoir participé au programme nucléaire coréen par le biais de traffics illicites. Ces accusations ont entraîné, le 20 février, les habituelles réactions exhubérantes du ministre des affaires étrangères nord-coréens, les qualifiant d' « impardonnable atteinte à la souveraineté de notre pays et de crime contre l'humanité sans-précédent ».

L'association Chongryun était encore au centre de l'information nippone, le 01 mars, après que la Court de District de Tokyo lui ait donné raison dans un litige qui l'opposait au gouvernorat de Tokyo : Ce dernier avait refusé à l'association sa demande d'autorisation pour une réunion publique dans le parc d'Hibiya sous motif de sécurité. L'objet de la réunion étant la commémoration des 88 ans d'une marche organisée à Séoul contre l'occupation japonaise. Le gouvernorat de Tokyo avait reculé devant les plaintes d'associations d'extrême droite.

Mais ces petites crises ne doivent cependant pas être surévaluées car la tendance est plutôt à l'optimisme avec des gages succesifs de bonne volonté marqués par la Corée du Nord.

 

Alexandre Joly.

03 mars 2007

Où l'on reparle du Yasukuni

Le sanctuaire du Yasukuni fait reparler de lui après que 11 Sud-Coréens aient décidé lundi 26 février de porter plainte contre l'association religieuse qui le gère.

Ce temple shintô indépendant mais qui n'est pas affilié à l'association des sanctuaires shintô du Japon est au coeur de Tokyo. Construit initialement en 1869 sous le nom de Tokyo Shokonsha pour honorer les morts de la guerre civile qui prenait fin, il est rapidement devenu le lieu de repos des âmes de tous les soldats morts lors des guerres japonaises. Rebaptisé Yasukuni Jinja (Le temple du pays apaisé) en 1879, y reposent aujourd'hui l'âme de presque 2 500 000 personnes.

Accusé par certains d'avoir fait la promotion du nationalisme nippon pendant sa période militariste jusqu'en 1945, le temple a surtout commencé à susciter la polémique en 1978 : En octobre, son responsable d'alors, Nagoyashi Matsudaira, décida d'y faire reposer 14 anciens criminels de guerre de Classe A, jugés lors du procès de Tokyo à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. 7 d'entre eux comme l'Amiral Tojo avaient été condamné à mort et ceux-ci possédaient déjà « leur » temple.

Cette décision eut pour effet d'entrainer l'arrêt des visites au temple de l'Empereur Hirohito qui ne l'approuvait pas mais ne put officiellement le dire : La Constitution d'après guerre lui interdisant d'interférer dans le débat politique national.

Si de nombreuses personnalités, dont des premiers ministres en exercice, continuèrent à se rendre au temple, elles le firent dans un cadre dit privé : La Constitution laïque du pays interdisant à un Premier ministre de faire une telle démonstration religieuse.

Mais les polémiques prirent une toute autre dimension avec les visites de Koizumi (2001-2006) : Tout d'abord celui-ci lors de sa campagne pour le leadership du P.L.D. avaient fait campagne auprès des associations de familles d'anciens soldats en leur promettant de s'y rendre s'il était élu Premier ministre; en second point il a toujours laissé planer un doute sur le caractère privé ou non de ses visites jusqu'à s'y rendre le 15 août 2006, le jour de la commémoration da la fin de la guerre au Japon. Cela eut évidemment des répercussions importantes et desastreuses sur les relations entre le Japon et les pays victimes du colonialisme japonais (Chine, Corées..).

Aujourd'hui, avec la plainte de ces 11 Coréens, c'est le mode de désignement du choix des âmes et leur gestion qui posent problème. Le temple décide en effet seul des âmes qu'il veut honorer ou bien comme ce fut le cas en 1959, c'est le gouvernement qui en décrète la liste. Sont ainsi inscrits au panthéon du temple, à la fois les âmes de simples soldats, celles d'infirmières ou de civils ayant servi leur pays comme celles de criminels de guerre (choisis par le temple) ou de soldats enrôlés de force (choix du gouvernement). Dont des Coréens.

C'est cet amalgame que les plaignants entendent dénoncer. Ils s'appuient sur l'article 20 de la Constitution et son aspect laïque contre cet enrôlement de force des «âmes» par le gouvernement. Ils font aussi valoir le droit à la liberté religieuse garantie par l'article 13, pour libérer les non-shintô du temple. Mais leur requête a peu de chances d'aboutir. En effet une plainte similaire avait été rejeté par un tribunal du district de Tokyo en mai 2006 sous prétexte que des accords signés en 1965 entre le Japon et la Corée avaient réglé le litige des listes de « morts à la guerre ».

Autre cas : Celui des morts... bien vivant. Le Japan Times du 27 février raconte l'histoire de Kim Hee Jong, 81 ans, pour qui la gestion du temple est à remettre en cause. Ce Coréen avait en effet eu la surprise en juillet 2006 de voir son nom sur la liste des morts pour le Japon. Il demanda donc que celui-ci soit retiré, mais en revenant quelques mois plus tard il s'aperçut que cela n'avait pas été fait et demande donc aussi réparation.

Le Yasukuni n'a donc pas encore fini de faire parler de lui. Surtout que le nouveau Premier ministre Shinzo Abe ne s'est toujours pas prononcé sur sa décision d'une éventuelle visite personnelle du sanctuaire ou non.

Alexandre Joly.

Sarkozy, Ségolène et le Japon

    Commençons par Nicolas Sarkozy. Le magazine Paris Match daté du 15 janvier 2004 rapporta certaines déclarations faites par Nicolas Sarkozy à propos du Japon lors d'un voyage officiel effectué en...Chine. Il avait notamment déclaré à propos du sumo (sport traditionnel japonais) : "Ce n'est vraiment pas un sport d'intellectuel !" (c'est vrai que le football, sport favori du ministre de l'intérieur est un sport beaucoup plus intellectuel) et "Comment peut-on être fasciné par ces combats de types obèses aux chignons gominés ?"

Certes, on pourrait en déduire que ce n'était que des déclarations à l'emporte-pièce visant à lancer des piques à Jacques Chirac dont l'intérêt pour le sumo est bien connu. Le problème est qu'il fìt d'autres déclarations méprisantes pour le Japon et les Japonais. Lors de ce même voyage, il qualifia la ville de Tokyo de ville "étouffante" et il se demanda également pourquoi les gens étaient admiratifs de la ville de Kyoto ajoutant que les jardins japonais étaient "sinistres" ! Suite à la publication de cet article et de ses répercussions dans la presse japonaise (voir par exemple The Japan Times Weekly du 31 janvier 2004), Nicolas Sarkozy nia avoir tenu de tels propos accusant le journaliste de sensationnalisme et d'invention. Cependant, d'autres journalistes ont confirmé que Nicolas Sarkozy avait tenu de tels propos. Que retenir de tout ça ? Je pense que se comporter tel un élève dans une cours de récréation en se prenant à ses petits camarades peut avoir des conséquences plus graves que prévu.

    En ce qui concerne Ségolène Royal, elle aussi a tenu certains propos que l'on peut qualifier d'ineptes à l'encontre du Japon ; lors d'un entretien avec Mme Mizuho Fukushima présidente du parti social-démocrate (en décembre 2006), elle avait estimé, concernant la condition des femmes au Japon, que le problème pouvait venir de l'impact des mangas ! En effet, elle critiqua la "violence des dessins animés nippons dans lesquels les femmes sont torturées". Il faut d'ailleurs rappeler qu'elle a écrit un livre (Le ras-le-bol des bébés zappeurs, sorti en 1989 chez Robert Laffont.) où elle s'en prenait à l'ensemble des dessins animés japonais diffusés alors en France en les qualifiant de nuls, médiocres, exécrables et laids. On peut ne pas aimer et critiquer certains dessins animés japonais mais condamner l'animation japonaise dans son ensemble et dans ces termes marque un manque de discernement et de nuances quelque peu préjudiciables. Ce type de généralisation le grand degré de réflexion de la candidate socialiste qui, comme Nicolas Sarkozy, utilise souvent un discours démagogique.

Ces deux candidats à la magistrature suprême se sont comportés comme une triste gloire locale, le gouverneur  de Tokyo, Ishihara bien connu ici pour ses prises de position populistes et qui s'en était notamment pris à la langue française. Et ce n'est pas à leur honneur.

Hervé Tisserand. 

  En bonus : Ségolène Royal parlant des dessins animés japonais sur Antenne 2 (et oui, ça date un peu !)

 

28 février 2007

France-Japon : Accord de Sécurité Sociale

Après deux ans d'attente, l'accord entre la France et le Japon relatif à la sécurité sociale a enfin été voté par l'Assemblée Nationale le 15 février et par le Sénat le 22. Il devrait entrer en vigueur sous 3 mois.

Entamées en septembre 2002, les négociations avaient abouti à un accord entre les deux pays le 25 février 2005. Mais depuis, le projet de loi était en attente d'arrangements sur les formulaires administratifs (conclu en mars 2005 puis novembre 2006) et d'une modification sur le volet des cotisations des «détachés» adoptée en janvier 2007.

Comme l'a écrit Philippe Douste-Blazy dans son exposé des motifs, cette loi était attendue tant par les ressortissants des deux pays qui souhaitaient voir se renforcer leur couverture sociale que par les entreprises de chaque pays. Pour les pouvoirs publics français, l'intérêt avoué étant d'améliorer « l’attractivité du territoire français aux investissements japonais».

Cet accord (dont vous pouvez en lire l'intégralité sur le site de l'Assemblée Nationale) traite principalement de deux thèmes majeurs : la couverture médicale et l'assurance vieillesse (retraite).
Pour la couverture médicale : il est rappelé que «toutes les personnes qui résident habituellement sur le territoire français ou japonais, bénéficient de l’égalité de traitement avec les nationaux». A condition qu'elles côtisent à l'un des régimes en vigueur dans le pays. Les cotisations effectuées dans un pays sont prises en considération lors d'une inscription dans l'autre Etat.

Une grande partie de la loi est relative aux travailleurs salariés détachés par leur employeur dans l’autre Etat : Ceux-ci restent uniquement soumis à la législation de l'Etat d'envoi pour une durée qui ne doit pas excéder cinq ans (article 6, paragraphe 1). Des mesures dérogatives ont été prises néanmoins pour les travailleurs salariés déjà détachés dans un Etat tiers (paragraphe 2) ainsi que pour ceux qui bénéficient de plusieurs détachements successifs (paragraphe 3).
A noter que l'affiliation obligatoire au régime japonais ne s'applique pas au conjoint ou aux enfants de nationalité française du détaché français au Japon.

Le chapitre sur l' assurance vieillesse :
Il était le pplus attendu car porteur d'une véritable avancée dans les droits des assurés sociaux. Il est tout d'abord prévu une levée «des clauses de résidence dans l'Etat débiteur s'agissant de l'obtention ou du versement des pensions, rentes ou versement unique (sauf en cas de résidence dans un Etat tiers).» pour ceux voulant bénéficer des prestations du pays autre.

Mais surtout il y a une «prise en compte des périodes d’assurance accomplies sous la législation d’un Etat pour l'ouverture ou le maintien du droit aux prestations dans l’autre Etat, dans la mesure où ces périodes ne se superposent pas (paragraphe 1). Cette disposition vaut également pour les régimes spéciaux qui entrent dans le champ d'application matériel de l'accord». Autrement dit les cotisations effectuées dans un pays sont prises en compte dans l'autre au moment du calcul du versement de la retraite.

Pour les Français résidant au Japon, cela n'est valable qu'à condition d'être affilié à l'un des deux régimes suivants :
- les régimes de pensions des salariés
- le régime de la Pension nationale
L'accord est alors «applicable aux personnes affiliées aux régimes des pensions des salariés
ouverts sous un seul des régimes de pensions des salariés désigné conformément à la législation japonaise

Cela permet aux Français arrivés tardivement au Japon de bénéficier des cotisations effectuées en France. En effet si dans l'hexagone, le calcul des prestations est effectué à partir du troisième mois de cotisation, au Japon il ne se fait qu'après... 25 ans. Cela était donc pénalisant pour tous les Français qui s'installaient au-delà de leur 35 ème année car repoussant leur âge de départ à la retraite. Les points accumulés en France étaient aussi et surtout passés à la trappe.

Enfin, dans le paragraphe 2, il est stipulé que seront prises en compte les périodes d'assurance accomplies et les événements survenus antérieurement à l'entrée en vigueur de l'accord
«2. Les périodes d’assurances accomplies sous la législation de l’un des Etats contractants avant l’entrée en vigueur du présent accord sont prises en compte pour la détermination du droit aux prestations reconnues en vertu de celui-ci. »
La loi affirme ainsi son aspect rétroactif, ce qui permettra aux Français qui ont cotisé en France avant 2007 de « récupérer » leurs points et de les convertir en années de cotisation au Japon le jour où ils voudront faire jouer leur droit à la retraite.

Cette loi est une réelle reconnaissance du rôle et du travail des Français vivant au Japon qui est d'autant plus agréable qu'elle intervient dans une période où ceux qui s'expatrient sont de plus en plus dénigrés dans les débats publics franco-français.

Alexandre Joly.